Le Coni'fer, c'est l'histoire d'une ancienne ligne internationale, Paris-Milan via Pontarlier et Vallorbe, fermée en 1969, et peu à peu réhabilitée par des passionnés. Un train à vapeur devenu ligne touristique, où les enfants sont les bienvenus. Chaque année, des milliers de visiteurs voyagent sur cette petite ligne touristique, un incontournable du Haut-Doubs.
Le sifflement ne trompe pas. Il résonne par-delà les villages et forêts du Haut-Doubs, dans les environs de Métabief. C'est celui du bien nommé Coni'fer, train touristique emblématique de Franche-Comté, qui roule sur sa propre voie. L'itinéraire relie, sur le tracé de l'ancienne ligne Pontarlier-Vallorbe, les Hopitaux-Neufs et le site de la Fontaine Ronde, après huit kilomètres à travers prairies et bois, en direction de Pontarlier.
C’est une ligne où il y a quelque chose à faire voir, pour ceux qui aiment les chemins de fer. Pour les "vaporistes" et les autres, c’est bien !
Kurt Rebmann, conducteur de la locomotive à vapeur
La ligne circule du 14 juillet au 3 septembre, avec un départ à 15 heures tous les jours depuis la gare des Hôpitaux-Neufs. Après un trajet d'1h30 à 1h45, le train revient en gare. Le billet, réservable en ligne, est à 12 euros par adulte, 6 par enfant, gratuit pour les moins de 6 ans, et 10 euros pour les personnes à mobilité réduite et leurs accompagnateurs.
30 ans de passion et un patrimoine sauvé
À l'occasion des 30 ans du Chemin de Fer Touristique Pontarlier Vallorbe, l'association qui a relancé cette ligne fermée en 1969 avait prévu de nombreuses animations les 15 et 16 juillet 2023, et bien sûr des voyages à bord du train à vapeur. Sur place, nos reporters Elisabeth Braconnier et David Martin ont pu constater l'engouement suscité par cette attraction bien connue des Francs-Comtois. "Magnifique, une belle organisation, très sympathique", réagit un voyageur adossé à la rambarde d'un wagon d'origine suisse, comme une grande partie du matériel.
Pour cet anniversaire du Coni'fer, l'autorail de l'association "X 2800 du Haut-Doubs" a même été convoyé par la route depuis l'Hôpital-Du-Grosbois.
En 2022, le Coni'fer a embarqué 16.000 passagers, essentiellement à la saison estivale en durant les vacances d'hiver. Un chiffre conséquent, à mettre toutefois en perspective avec les 32.800 visiteurs de 2019, avant le Covid. L'équilibre financier n'est pas évident à maintenir, d'autant que l'équipe de bénévoles met beaucoup d'énergie à trouver du matériel (locomotives, wagons et rails), à assurer sa maintenance, mais aussi à prolonger la ligne, qui vise à l'avenir la jonction avec la gare de Pontarlier.
Les 30 ans de l'association sont donc aussi l'occasion de présenter le travail des passionnés, de rappeler l'histoire de cette ligne et sa disparition en 1969, qui aurait pu être définitive, comme l'a été celle de nombreuses petites lignes françaises.
Une ligne d'altitude, abandonnée Après-Guerre
Pontarlier a été reliée à la Suisse par le train via les Verrières, à partir du 24 juillet 1860, avant de l'être au réseau français. Mais, il a fallu attendre le 1er juillet 1875 pour que l'embranchement pour Vallorbe soit inauguré. La ligne a connu son apogée à l'aube du 20ème siècle, avec l'ouverture du tunnel du Simplon en Italie en 1906. Le Simplon Express, un train de luxe, va ainsi emprunter la ligne plusieurs années et permettre de relier Paris et Milan. Trafic international, régional et local, en tout, une quarantaine de convois effectuent le parcours entre Pontarlier et Vallorbe.
Nonobstant, le profil de la ligne est "difficile" : de la gare de Pontarlier située à 836m d'altitude, la voie sillonne jusqu'au point culminant au Touillon, à 1012m. Les compagnies ferroviaires qui se succèdent ne se satisfont pas des faibles vitesses permises. C'est ainsi, en 1915, que le tunnel sous le Mont d'Or est percé, permettant un gain de temps de deux heures entre Paris et Lausanne.
La ligne Pontarlier-Vallorbe se voit reléguée à une vocation plus locale, et perd son caractère international en 1940, lors du bombardement du tunnel de Jougne, creusé sous la frontière. Le trafic voyageur est arrêté, et ne reprendra pas, à l'exception de trains des skieurs dans les années 1950, explique le site de l'association. Des trains de marchandises la parcourent encore jusqu'en 1969, date de fermeture de la ligne.
En 1993, renaissance pour les championnats du monde de VTT
C'est en 1993 que la ligne renaît, après 24 ans d'inactivité. Lors des championnats du monde de VTT, les communes autour de Métabief sont appelées à proposer des animations. Aux Hopitaux-Neufs, Louis Poix, un entrepreneur de travaux publics lance l'idée d'un parcours en chemin de fer sur le tracé de l'ancienne voie. "On avait posé 700 mètres de voie provisoire et on avait emprunté du matériel en suisse au Val-de-Travers, explique le président de l'association. Et on a roulé toute la semaine ! Au lieu de déposer la voie, on l’a allongée."
Aidés par de "bonnes relations avec les CFF pour le matériel roulant, avec la SNCF pour la voie", le groupe de passionnés parvient à prolonger l'aventure. Des rails sont trouvés, du matériel roulant acheminé depuis la Suisse ou convoyé depuis d'autres chemins de fer touristiques de France. Deux voitures du mythique Orient-Express sont même acquises en 2013.
On a trois locomotives à vapeur dont deux en marche, et deux diesel. Il y a quand même du travail, les locos à vapeur, c’est du matériel à entretenir
Louis Poix, président de l'association "Coni'fer"
L'objectif, parvenir à Pontarlier
Chaque année ou presque, le groupe de passionnés pose quelques mètres supplémentaires de rails en direction de Pontarlier. Mais, la voie, en friche, et les ouvrages d'art abîmés par le temps, nécessitent beaucoup d'implication, de démarches administratives, et de temps. "L’objectif, c’est d’arriver à Pontarlier, vise Louis Poix. Il faut bien sûr de la négociation, ça va être de la discussion avec la SNCF." Au printemps 2024, l'association espère avoir posé 2 kilomètres supplémentaires.
Ensuite, le petit train entend faire la jonction avec le grand, aux Verrières de Joux, où passe le seul tronçon encore en activité, celui utilisé par les trains Pontarlier-Neuchâtel. Cependant, l'autorisation pour se connecter au réseau ferré national et l'emprunter n'est pas une simple formalité.
"Soit on prend la ligne qui va sur Neuchâtel, ce qui est beaucoup plus embêtant, soit comme il y avait deux voies avant, c’est de remettre la deuxième voie le long pour arriver à Pontarlier, ce qui, à notre avis, serait le plus simple.", complète Louis Poix.
D'ici-là, la vapeur aura encore sifflé, les belles des locomotives auront eu le temps de déployer leur mécanique centenaire, et d'émerveiller les passagers.