Il est urgent de sauver les zones humides dans le monde ! C'est le cri d'alarme lancé par les 172 pays qui se sont engagés à préserver ces milieux aussi fragiles qu'utiles. Ils sont réunis du 5 au 13 novembre à Genève (Suisse) et Wuhan (Chine). Ils adhèrent à la convention Ramsar. Le site Tourbières et lacs de la montagne jurassienne est le seul en France à être en montagne.
Le crochet vaut le détour. Juste avant de siéger à la 14e Conférence des Parties à la Convention sur les zones humides (COP14) à Genève et à Wuhan en distanciel, Jérôme Bignon, le président de Ramsar France, est venu à Frasne dans le Doubs.
Une visite express pour rappeler l'importance des actions entreprises depuis trente ans pour restaurer les zones humides de ce secteur qui maintenant s'étend sur 12 000 hectares. Entre Pontarlier et Saint-Claude, il comprend 125 tourbières et 18 lacs naturels de moyenne montagne.
C'est un site exemplaire car c'est un démonstrateur. Les gens ont besoin de comprendre que cela marche, que ce n'est pas farfelu, que ce n'est pas de l'argent jeté par les fenêtres qu'il faut le faire.
Jérôme Bignon, président de Ramsar France
Ce site Ramsar nommé "Tourbières et lacs de la montagne jurassienne" est le seul site français situé en montagne et il n'y a pas d'autres site Ramsar en Bourgogne-Franche-Comté. Être labelisé site Ramsar donne une reconnaissance internationale.
Des zones humides fragiles et utiles
Ces milieux humides sont les seuls à faire l'objet d'une convention internationale. Il y a 50 ans, une poignée de visionnaires s'est retrouvée à Ramsar, une ville iranienne. C'était le début d'une longue prise de conscience de l'importance des tourbières, des marais, des lacs, des étangs, des rivières ... Des milieux à priori hostiles voir même jugés un temps inutiles puisqu'ils entravent les cultures.
Au début, leur biodiversité si particulière et si riche était mise en avant pour expliquer l'intérêt de leur restauration. Aujourd'hui c'est aussi leur rôle dans l'atténuation du réchauffement climatique dont il est question.
Ce dimanche 6 novembre, les 172 pays signataires de la convention Ramsar ont rappelé dans une déclaration solennelle l'urgence à sauvegarder, protéger, restauration les zones humides.
Malgré cet engagement , "l’étendue des zones humides naturelles a diminué de 35 %, entraînant une perte d’écosystèmes irremplaçables et de leurs fonctions et services qui touche tous les individus et toutes les communautés".
Depuis trente ans dans le massif jurassien, des programmes européens LIFE permettent de financer des travaux de restauration des zones humides. Tout a commencé dans le bassin du Drugeon.
Avec Geneviève Magnon, spécialiste des zones humides depuis une trentaine d'années, nous sommes retournés là où les premières actions de restauration ont eu lieu. Mes confrères l'avaient interviewé dans ce marais du Varat. C'était à l'occasion du lancement du premier programme européen LIFE "Bassin du Drugeon" ( 1993-1997/1.5 millions d'euros).
On comprend le chemin parcouru en écoutant les interviews de ce reportage de 1996. Le syndicat mixte puis l'EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue et de nombreux autres partenaires dont le parc naturel du Haut-Jura ont misé sur la pédagogie pour que la prise de conscience soit réelle. Le Drugeon n'a pas tout de suite été reméandré et la digue n'a pas été enlevé dés le premier programme LIFE. Il faut du temps pour convaincre. Redonner leur place aux milieux humides perturbent les usages que les hommes ont mis des centaines d'années à façonner. Pourquoi accepter que ses terres soient inondées ?
Le maintien de la biodiversité n'est plus la seule raison avancée. L'atténuation des effets du réchauffement climatique grâce à la restauration des milieux aquatiques est désormais mis en avant et surtout compris.
On parle plus de sècheresse que d'inondation. Les esprits ont évolué.
Geneviève Magnon, EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue
Aujourd'hui, la préservation de ces zones humides est cruciale pour atténuer les effets du réchauffement climatique.
A Frasne , les travaux de réhabilitation de ce secteur bien connu pour ses tourbières, ont permis de remonter le niveau de nappe et d'avoir de l'eau y compris en période de sècheresse. "Ce n'était pas le cas lorsque la tourbière était drainée" précise Geneviève Magnon. Dans les milieux aquatiques, tout est lié et relié. Tourbières, rivières et nappes souterraines.
Après le deuxième programme européen LIFE (2014-2021/8.5 millions d'euros) qui s'étendait sur 32 communes, 14 sites Natura 2000 et 55 tourbières, un nouvel élan est pris avec le tout nouveau programme LIFE. Cette fois-ci le mot Climat est intégré à son intitulé. Le programme 2022-2029 porte le nom de "Climat tourbières du Jura". Les financeurs tablent sur une enveloppe de 12.5 millions d'euros pour un vaste territoire. L'objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre issues de la dégradation des tourbières du Jura franc-comtois. Cette restauration des milieux humides à grande échelle est un atout pour atténuer le réchauffement climatique. Un bel exemple pour que la déclaration de Wuhan ne reste pas lettre morte.