Les rivières et le réchauffement climatique : « aidons la nature à nous aider »

La restauration des milieux aquatiques est l’une des priorités de l’agence de l’eau. Redonner aux rivières leur liberté naturelle peut permettre d’atténuer les effets du réchauffement climatique. En Bourgogne-Franche-Comté et en Grand Est, plus de 50 km de cours d’eau ont retrouvé, depuis 2019, un bon fonctionnement et 700 hectares de zones humides ont été acquis ou restaurés. Des actions financées à hauteur de 21 millions d’euros par l’agence de l’eau.

Prendre une journée pour échanger, se rencontrer et même confronter des points de vue n’est pas forcément une perte de temps, cela peut même être utile. C’est du moins ce que pense l’agence de l’eau. Cet établissement public qui finance les actions en faveur des milieux aquatiques, organise en ce début octobre 2022 des « journées d’échanges », quatre sont prévues pour le bassin versant Rhône Méditerranée Corse. 


Dans le vaste manège de Brack de Dole dans le Jura, techniciens des rivières, élus, agriculteurs venus de Bourgogne et de Franche-Comté, se sont retrouvés toute une matinée pour que « chacun puisse repartir avec l’envie d’agir d’avantage et les outils pour y parvenir » explique Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.


Il y a encore une dizaine d’années, ce type de réunion pouvait tourner au vinaigre tant les points de vue étaient divergents. Les conséquences visibles du réchauffement climatique changent la donne.

Urgence climatique

Une rivière Doubs complètement à sec plusieurs années de suite, des inondations à répétition, des communes ravitaillées par des citernes, le climat devient de plus en plus imprévisible. Un constat aujourd’hui largement partagé.

Les rivières et, plus largement, les milieux aquatiques, ont leur rôle à jouer puisqu’ils peuvent retenir l’eau. « C’est un discours plus audible partout » constate Jean-Noël Resch, technicien de l’Epage Haut-Doubs Haute Loue. 

Il est urgent d’agir plus vite et plus fort pour s’adapter aux impacts du changement climatique. Une solution, c’est de faire de nos rivières des alliées en leur redonnant un fonctionnement naturel.

Agence de l'eau

L’urgence climatique rassemble. « Les gens se parlent sans s’invectiver avec, in fine, des solutions à trouver ensemble. C’est globalement positif» remarque Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.

Effacer les erreurs du passé 


La Confluence de la Loue et du Doubs, la Clauge de la forêt de Chaux, la Linotte à Loulans-Verchamp, le Drugeon dans le Haut-Doubs… Nos reportages vous ont déjà raconté  l’histoire de ces rivières. Toutes ont été malmenées par l’homme : drainage, asséchement, rectification, on a cru pouvoir maîtriser les cours d’eau et leurs milieux humides mais cela se révèle être finalement un échec, aggravé par le réchauffement climatique.  


Une fois retrouvé leur liberté grâce « à un tracé favorable à un fonctionnement plus harmonieux, adapté aux débits et propice à la biodiversité », ces rivières, « à condition qu’elles soient en bon état », souligne François Degiorgi du laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté, ont un rôle à jouer pour s’adapter aux effets du changement climatique. 


La question est maintenant de savoir comment tous les acteurs peuvent travailler ensemble pour que les milieux aquatiques puissent être utiles à tous. C’est tout l’enjeu des années à venir et de ces journées d’échanges. Des techniciens de rivières, des ingénieurs, des universitaires ont partagé leurs expériences pour améliorer les actions à venir.

Comment agir ensemble ?


Renaturer un cours d’eau, c’est lui donner plus d’espace. Conséquences, les « voisins » de la rivière en en ont moins. Ces riverains sont souvent des agriculteurs ou des propriétaires fonciers comme des particuliers ou des communes. « C’est un peu comme si on vous disait, on réduit votre salaire de 20%. Qui accepterait sans discuter ?" réagit François Lavrut, président de la chambre d’agriculture du Jura. 

On a dépensé de l’argent sur des projets qui sont aujourd’hui au placard.

Lisa Largeron, technicienne du syndicat du Bassin de l’Ouche


Sans l’accord des propriétaires des terrains sur lesquels des interventions sont prévues pour restaurer la morphologie des rivières, les études techniques ne servent à rien.

C’est en rassemblant tout le monde que l’on arrive à un résultat.

Jean-Pierre Bianchi, président du syndicat mixte des 6 rivières.

Comment concilier des intérêts aussi divers ? Effacer un barrage peut être contesté par des riverains soucieux de conserver leur patrimoine, leur « miroir », leur atout touristique. 
Passer de l’opposition frontale à la concertation pour déboucher à l’action commune… C’est encore bien compliqué. Pour Jean-Baptiste Narcy, du bureau d’études Asca, c’est possible à condition de « donner un sens au projet » et de s’interroger sur les actions « qui répondent le plus aux attentes des usagers du territoires ». 

La rivière, un atout pour un territoire


Il ne s’agit pas de recréer un petit bout de méandre sur une rivière qui demeure rectifiée tout au long de son lit, juste parce qu’il y a eu « l’opportunité » de le faire. En clair, parce que c’était « facile » avec les propriétaires ou les riverains. 
Tous les acteurs de cette matinée de travail s’accordent sur l’importance d’avoir des projets « ambitieux » qui prennent en compte tous les aspects de ce changement radical de fonctionnement des milieux aquatiques et donc des mentalités humaines. Quitte à prendre son temps. La renaturation de la confluence du Doubs et de la Loue a pris au moins une vingtaine d’années avant de se faire. Aujourd’hui, ces impressionnants travaux sont cités en exemple.


« Moi j’étais agricultrice, raconte Béatrix Loizon, vice-présidente du conseil départemental du Doubs. Je n’avais pas compris le problème du fossé rectiligne. On a un gros effort de communication à faire avec le monde agricole. Ces années de réchauffement climatique nous aident »


Côte à côte, les intervenants campent sur leurs positions mais s’écoutent.  
« Je pense que l’on cristallise beaucoup trop sur le dossier agricole, souligne François Lavrut, président de la chambre d’agriculture du Jura. L’agriculture, c’est aussi bien une solution qu’un problème. La renaturation est un des éléments pour s’adapter au changement climatique. Il y en d’autres comme le stockage d’eau. » 


Pour l’universitaire François Degiorgi qui travaille depuis des années sur les pollutions de la Loue, « Il ne faut pas être dogmatique dans le choix de ses actions. »
Dans la salle, Pascal Blain, porte-parole de France Nature Environnement BFC estime ces échanges ont été « utiles » mais c’est « seulement une étape sur le chemin ». On pourrait croire que ce sont les questions techniques, la capacité des rivières à se régénérer, qui ralentissent ces métamorphoses des milieux aquatiques mais, en fait, c’est la nature humaine qui freine le processus.  

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