Avec de nouveaux propriétaires et après des mois de travaux, il rouvre enfin ses portes jeudi 28 mars 2024. "Le Café du Commerce" né en 1873, devenu brasserie, se transforme en "bouillon". Le lieu est en partie inscrit depuis 1981 à l'inventaire des monuments historiques pour son décor Art nouveau.
Au 31, rue des Granges à Besançon, les passants tentent de jeter un œil à travers la vitre. La fameuse brasserie est devenue le "Bouillon du Commerce" comme indique l'enseigne. Mais jusqu'au bout, le secret aura été bien gardé. À quelques heures de l'ouverture du jeudi 28 mars 2024, des bâches en plastique opaques protègent encore l'intérieur des regards indiscrets. Derrière la façade pourtant, rien n'a changé ou presque.
Pas question en effet pour les nouveaux maîtres des lieux de toucher à ce décor incroyable. Chérine et Serge Couësmes se félicitent néanmoins d'avoir enlevé cette mezzanine, installée au fond de la salle dans les années 1980. Fille et père y ont gagné deux anciens miroirs avec leurs boiseries qui avaient disparu avec ce demi-étage. "L'architecte des Bâtiments de France était très heureux de les voir réapparaître, confie Serge Couësmes à France 3 Franche-Comté, c'est quand même magnifique !" Car ici, les miroirs, les boiseries des cadres et le plafond sculpté, d'inspiration Art nouveau, sont tous inscrits à l'inventaire des Monuments historiques depuis le 29 septembre 1981. "On a l'impression de voyager dans le temps", sourit Chérine Couësmes.
Car l'histoire du "Café du Commerce" remonte à 1873. Sur de vieilles cartes postales en noir et blanc, on reconnaît parfaitement l'endroit. On y aperçoit, au-dessus de la porte d'entrée, son vitrail représentant Hermès, Dieu grec des voyageurs et des commerçants.
À l’époque, ce café est loin d'être unique en son genre. "Ces cafés et brasseries dans l'esprit Art nouveau, il y en avait énormément au centre-ville de Besançon, qui ont été dénaturés ou détruits, indique Serge Couësmes. Pour quelle raison ? Sans doute par un désir de modernité, mais le Café du Commerce n'était pas le seul."
On raconte qu'une célèbre écrivaine y a passé des heures, lors d'un séjour dans la capitale franc-comtoise en 1932. "C'est vrai que l'empreinte de Colette est toujours là, assure Serge Couësmes. Colette qui venait boire son café et peut-être écrire quelques lignes pour la postérité !"
De la brasserie au bouillon
Un cadre idéal, en tout cas, selon ses nouveaux propriétaires, pour ouvrir un bouillon, comme on appelle ces restaurants populaires nés eux aussi au XIXe siècle. Les premiers "bouillons" sont en fait apparus en 1854 à Paris grâce à un boucher, Adolphe-Baptiste Duval (1811-1870). Il sert un seul plat de viande et un bouillon aux travailleurs des Halles. La formule plaît immédiatement et la société, développée par son fils Alexandre, multiplie ces restaurants dans lesquels on peut déjeuner pour moins de deux francs. En 1900, on trouve dans la Capitale près de 250 bouillons Duval, et des bouillons concurrents ouvrent à leur tour.
"On a su que ça allait changer de propriétaires et on s'est positionnés directement", raconte Chérine Couësmes.
On a toujours été amoureux de l'endroit et c'était un rêve de pouvoir y accéder. Le bouillon, on y avait déjà un petit peu pensé. Mais c'est vraiment ce lieu qui a fait qu'on a voulu ouvrir ce type de restaurant.
Chérine Couësmes, associée "Le Bouillon du Commerce".
"Une cuisine de maman !"
Et dans l’assiette, l’idée est également de renouer avec la cuisine française traditionnelle. Pierre Roca, le chef et troisième partenaire dans l'affaire, souhaite jouer la carte de l'authenticité. "Le lieu est authentique, l'assiette doit l'être, explique-t-il. Ça doit être simple, ça doit être précis, ça doit être goûteux. On va faire une cuisine familiale, populaire, qui s'embourgeoise juste un tout petit peu le dimanche. C'est une cuisine de maman !"
Ce que je vais proposer, c'est exactement ce que ma mère faisait à manger tous les jours, voire le dimanche. Par exemple, le poulet au vinaigre, qui est un plat traditionnel de la cuisine française tombé un peu en désuétude et pourtant, chaque fois qu'on goûte, on trouve ça absolument merveilleux !
Pierre Roca, chef et associé "Le Bouillon du Commerce".
"C'est revenir aux bases de la cuisine populaire, ajoute-t-il. Ce qui permet en même temps d'être accessible à tout le monde. On va pouvoir toucher, je l'espère, un maximum de gens et les faire profiter de ce lieu qui est juste magique !"
Et le trio promet des tarifs "raisonnables" pour rester à portée de tous. Avec des entrées entre 3 et 8 € et des plats entre 10 € et 20 €. Même si l'établissement n'ouvre plus toute la journée comme une brasserie classique, mais seulement le midi et le soir, il espère séduire les curieux sans "frustrer" les anciens habitués. "On n'a pas une clientèle type en tête, confirme Chérine Couësmes. On veut les gens qui travaillent, les couples, les familles, les amis, les touristes. On veut vraiment regrouper tout le monde ! Une recette pas si différente de ce qui fait le succès du "Commerce" depuis déjà 150 ans...