Comment mieux habiter, se nourrir, se déplacer en Bourgogne-Franche-Comté pour limiter et s’adapter au réchauffement climatique ? Une trentaine d’habitants de Bourgogne-Franche-Comté participent jusqu’en juin 2024 à la convention citoyenne pour le climat et la biodiversité organisée par le conseil régional. Gros plan sur les transports lors de cette seconde session des 15 et 16 décembre 2023.
Anne-Marie est motivée… Il lui a fallu passer plus de trois heures dans les transports en commun pour venir participer à la 2ᵉ session de la convention citoyenne pour le climat et la biodiversité à Dijon. Son village, La chapelle-sur-Oreuse est à 13 km de Sens. Ce vendredi 15 décembre, la retraitée s’est levée à 6 heures pour rejoindre la gare en voiture. Anne-Marie a pris ensuite le TER jusqu’à Dijon. Direction le tram qui l’a déposée à un petit quart d'heure à pied du lieu de rendez-vous, le CREPS de Dijon. 11 heures, la voilà enfin arrivée avec sa petite valise dans la grande salle louée par le conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté.
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Avec une trentaine d’autres citoyens, la Bourguignonne a accepté de participer à cette convention citoyenne pour le climat et la biodiversité. "Parce que cela me paraissait valoir la peine et j’avais aussi envie de connaître l’avis d’autres personnes" explique l’ancienne secrétaire du quotidien Le Monde.
Comment s'adapter au changement climatique
Dix jours intenses de novembre à juin 2024 de réflexion, d’échanges et d’interrogations. Comment faire évoluer nos modes de vie en Bourgogne-Franche-Comté pour s’adapter au changement climatique et limiter son impact sur la planète ?
À l’issue de cette vaste consultation confiée aux spécialistes de Missions publiques, des "recommandations" concrètes seront remises aux élus et discutées avec eux pour rendre les modes de vie des habitants de cette Région "plus durables et robustes" face à la crise climatique et à la chute de la biodiversité.
Comme les autres participants, Anne-Marie a reçu un coup de fil pour lui proposer de faire partie d’un panel le plus représentatif possible de la Région. Les organisateurs de cette consultation citoyenne le reconnaissent, "il y a des trous dans la raquette". Alexandra Perrin, chef de projet Démocratie participative et citoyenneté à la Région BFC l’admet, "nous n’avons pas pu convaincre des Jurassiens et des Nivernais" de se déplacer jusqu’à Dijon ou Besançon.
Autre entorse pour la constitution de ce groupe de citoyens représentatif de la Région, les jeunes sont surreprésentés. Normal, ce sont eux qui vont vivre le plus longtemps les conséquences du changement climatique dans leur quotidien.
Le covoiturage, pas si simple...
C’est la seconde fois que la trentaine de participants se retrouve. Certains sont nouveaux, d’autres n’ont pas pu venir. Rares sont ceux qui ont pu covoiturer, "les horaires de départ, ne correspondaient pas" précise l’un des organisateurs.
Ils auraient pu utiliser le tout nouveau service de covoiturage proposé par la Région via son service Mobigo.
C’est au détour d’une conversation lors des rencontres organisées pour cette convention que l'on apprend l’existence de ce service. Des spécialistes de la transition écologique sont venus tout un après-midi présenter leurs actions pour aider les Bourguignons et les Francs-Comtois à diminuer leur impact sur le réchauffement climatique.
Stéphane Bujadoux plante le décor rapidement.
On est passé de 1.5 millions de voitures en 1945 en France à 38 millions aujourd’hui.
Stéphane Bujadoux, Amobisol
Il vient de monter l’association Amobisol. Avec ses collègues, leur objectif est d’aider les habitants des villes et des campagnes à se passer de leur voiture. "60 % des trajets domicile travail font moins de 5 km" rappelle-t-il.
L'expert confronté au réel
David Dubois du Cerema, un expert de la transition écologique rappelle qu’en 2022, les transports (hors tracteurs) sont responsables de 32 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Les statistiques sont implacables, mais la réalité de la vie aussi.
Lâcher sa voiture, Ouahiba ne rêve que de cela. L’an dernier, cette habitante d’Audincourt prenait le bus pour son travail. Mais, cette année, elle est assistante (Atsem) dans une école. Pour s’y rendre, il n’y a pas de ligne directe. "C’est trop risqué de le louper et d’arriver en retard, alors je prends ma voiture ». « Et le covoiturage ?" insiste l’expert. "On a essayé, mais ce n’est pas possible. On n'a pas les mêmes horaires" répond Ouahiba. "Madame, vous allez me déprimer !" soupire David Dubois. L’expert le sait, Ouahiba n’est pas un cas isolé. Changer, c’est compliqué. "La voiture, c’est pas un attachement, c’est une obligation !" précise l’un des participants.
Comment se passer de sa voiture à la campagne ?
Pour cette seconde session, les animateurs de Missions Publiques demandent aux citoyens de réfléchir à tout ce qu’impliquent ces changements dans nos modes de vie. L’universitaire Daniel Gilbert l’a rappelé dès l’ouverture de la session : à Lyon, le climat de 2050 sera celui de Madrid aujourd’hui.
Un peu comme un speed dating, ces rendez-vous où l’on a 5 minutes pour convaincre, les participants changent de table pour découvrir ce qu’il serait possible de faire.
Juliette Grolee déploie sur la table la carte de son territoire, la communauté de communes du Clunisois. Elle travaille pour améliorer "les déplacements doux et décarbonés en zone rurale".
C’est la Région qui a la compétence des transports collectifs, le bus, le TER et les transports scolaires. Autour de Cluny, les élus ont pu prendre cette compétence pour organiser plus localement les transports. Ils sont justement en train de préparer un plan de mobilité. Avec deux objectifs, "réduire l’impact carbone du territoire tout en garantissant le droit à la mobilité pour tous".
Concrètement, le chantier est immense.
Ce qui existe est insuffisant pour qu’un habitant d’un village se passe de voiture.
Juliette Grolee, communauté de communes du Clunisois
La Région a mis en place 10 allers-retours sur la ligne de bus entre Cluny et Mâcon. "Ce n’est pas suffisant, admet Juliette Grolee. On discute avec la Région pour avoir plus de bus". Et que vous répond-elle ? "On réfléchit… C’est trop cher… " dit la chargée de mission dans un filet de voix.
Le pognon, le budget
Bernard, un des citoyens de la convention, résume d’un éclair toutes ces discussions.
Tu participes à n’importe quel atelier, on arrive toujours à la même conclusion, le pognon !
Bernard, membre de la convention citoyenne pour le climat et la biodiversité
Le pognon a un autre nom : le budget. Celui des transports est, avec les lycées, le plus important du conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté. 600 millions d’euros par an, soit 32 % du budget d’investissement et de fonctionnement de la collectivité (1,9 milliard d’euros).
C’est seulement depuis cette année que la Région a décidé de consacrer un budget à la mobilité douce : 4 millions d’euros sur 5 ans.
D’argent, il en a aussi été question lors du lancement de la COP Régionale à Dijon le 13 décembre dernier. La Conférence des Parties, comme celles de Paris, Dubaï mais version BFC.
L’État demande à la Région de participer à hauteur de 5 % de l’objectif national de réduction du CO2. C’est justement dans le domaine des transports que la Bourgogne-Franche-Comté devra concentrer ses efforts.
L'enjeu de la planification écologique
Devant le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, la présidente de Région, Marie-Guite Dufay (PS) a prévenu. Cette planification écologique déclinée dans les Régions va exiger "des investissements colossaux". Selon les propos rapportés par notre confrère de l’Est Républicain, la présidente de Région avertit le ministre "Or, vous le savez, du fait d’une fiscalité qui n’est pas adaptée à nos missions, les Régions sont des colosses aux pieds d’argile".
La convention citoyenne est un des maillons de cette COP BFC. Hasard des calendriers, convention et COP BFC devront rendre leurs feuilles de routes avant l’été 2024. "On n’a pas fait exprès, mais cela tombe bien !" réagissait Marie-Guite Dufay au moment du lancement de la convention citoyenne en novembre 2023 à Besançon.
Cette convention, pour Marie-Guite Dufay, c’est "faire en sorte que les citoyens soient au centre de processus de décisions à venir. Or, les décisions à prendre maintenant et dans les années qui viennent concernant les atteintes au climat et à la nature du fait de nos activités humaines, c’est le sujet de société numéro 1".
En mars prochain, les citoyens remettront leurs recommandations aux élus. Bernard sait déjà ce qu’il veut leur dire : "Écoutez-nous et soyez fou ! Dites que c’est possible. À un moment, il faut renverser la table".