Le barrage des pipes sera bien arasé : les travaux ont repris sur cette petite rivière du Doubs

Depuis le jeudi 19 septembre 2024, les travaux d’effacement du barrage des Pipes à Baume-les-Dames (Doubs) ont repris à la suite de l'ordonnance du Conseil d’Etat qui annule la précédente décision du tribunal administratif de Besançon. Le chantier était à l’arrêt depuis un mois en raison de contestations de riverains.

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Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France, vient de donner le feu vert pour la reprise des travaux d’effacement du barrage des Pipes sur le Cusancin à Baume-les-Dames. Les travaux ont donc repris le 19 septembre, ils doivent permettre à la rivière et à son écosystème de retrouver plus de liberté. C’est l’arrêté préfectoral autorisant cet arasement qui avait été contesté devant le tribunal administratif. 

À lire aussi : Trois jours après le lancement des travaux, le tribunal administratif de Besançon suspend la destruction du barrage des pipes. 

Commencés le 19 août, les travaux avaient été interrompus par une décision du tribunal administratif seulement trois jours après le début du chantier. Une démarche devant la juridiction administrative à l’initiative de riverains de ce barrage. Un barrage construit comme souvent à côté d’un moulin. Ils s’opposent à la destruction de cet ouvrage.

Un combat juridique autour de la renaturation de la rivière

C’est un combat autant juridique que symbolique qui pourrait s’engager pour les années à venir avec, en toile de fond, la place que l’homme accorde aux rivières, à leur faune et leur flore face à la conservation d’un patrimoine hydraulique.  

Jusqu’à présent, cette bataille se mène sur le front de l’urgence, le dossier n’est pas encore abordé sur le fond, mais il le sera sans doute un jour. Un recours sur le fond a été déposé par les opposants au barrage des pipes devant le tribunal administratif.

Pourquoi y a-t-il une opposition à ce projet de renaturation, c'est-à-dire d’un retour à la nature d’un milieu façonné par l’homme ? Ce n’est pas la première fois qu’une telle fracture est constatée.  

À lire aussi : Une association pour défendre le barrage de Rennes-sur-Loue 

L'avocat au barreau de Nancy, M°Jean-François Remy s’est même spécialisé dans la défense des opposants à la destruction du patrimoine hydraulique. Pour son cabinet, "la décision rendue par le Conseil d'État est contraire à la jurisprudence de la chambre spécialisée dans les droits fondés en titre", en l'occurrence ceux de ses clients. 

Les opposants se sont aussi regroupés dans l’association de sauvegarde du barrage (ASD-MEVC).

Le droit d’eau est ancestral et complexe

À Baume-les-Dames, les opposants mettent en avant une loi de 2021 interdisant l'arasement des barrages, ils veulent faire valoir un droit datant du Moyen-Âge. 

Lors du reportage tourné le 19 août dernier par nos journalistes Alexane Marcel et Pauline Gardet, les opposants à ce retour de la continuité écologique ont expliqué pourquoi ils redoutaient ces travaux. La suppression du barrage devrait entraîner, selon eux, l’assèchement du canal de dérivation qui alimentait autrefois le moulin du barrage des pipes. 

J’ai un canal qui passe sous ma terrasse. On aura plus ce décor que l’on a actuellement et on ne veut pas cela.

Cyrille Chapuis. Habitant de Baume-les-Dames

Loi contre loi 

Est-ce légal ou pas de détruire ce barrage ? Quel droit appliquer ? Pour l’instant, la justice ne s’est prononcée que dans le cadre d’une procédure d’urgence.  

Cela fait 10 ans que le projet de renaturation du Cusancin a été lancé. Lorsque l’EPAGE Doubs Dessoubre est devenu compétent en 2021 pour la gestion des milieux aquatiques sur le bassin-versant du Cusancin, les études ont redémarré avec l’accord de la commune de Baume-les-Dames, propriétaire du barrage. Il s'agit de renaturer toute une zone autour du Cusancin, pas seulement de détruire un barrage.

Nous ce qui nous intéresse, c'est bien la reconquête d’une biodiversité et d’une habitabilité par toutes les espèces qui y vivent.

Anthony Guinchard, directeur de l'EPAGE Doubs Dessoubre

L’EPAGE dont l’une des missions est la préservation et la restauration des milieux aquatiques a fait appel de la décision du tribunal administratif devant le Conseil d’État pour pouvoir reprendre les travaux et continuer ce travail autorisé par les services de l'État.

Par une ordonnance du 17 septembre 2024, la Haute Juridiction administrative rappelle une ligne jurisprudentielle bien établie : un droit de prise d’eau fondée en titre est seulement un droit d’usage, et en aucun un droit de propriété. Ce droit d’eau se perd lorsque la force motrice de l’eau ne peut plus être utilisée” explique le président de l'EPAGE François Cucherousset.

D’après la plus haute juridiction administrative en France, “aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut être retenue” d’où l’annulation de la décision du Tribunal administratif de Besançon.  

C’est pour cette raison que les travaux viennent de reprendre avec un mois de retard. L’objectif de l’EPAGE est de terminer en priorité les travaux dans le lit mineur du Cusancin avant fin octobre pour ne pas perturber la période de reproduction des truites.

Il s’agit aussi de terminer les travaux avant la fin de l’année, c’est un engagement auprès d'un des financeurs. 20% du projet de renaturation d’une partie du Cusancin est financé par l’association internationale de défense des cours d’eau. Le Cusancin est l’un des rares projets français défendu par Openrivers Programme.  

Des pêcheurs favorables à l'arasement

Cette reprise des travaux devrait satisfaire également les pêcheurs de Baume-les-Dames. Dans un communiqué publié fin août, l’association de pêche rappelle que le Cusancin est une “rivière en grande souffrance depuis de nombreuses années”. Même si “l’arasement de ce barrage ne résout pas le problème de qualité d’eau du Cusancin”, il s’avère, selon les pêcheurs, nécessaire. Dans leur communiqué, les pêcheurs estiment que “cet ouvrage dit historique n’a plus sa place. En effet, il y a plusieurs décennies, il était utilisé pour alimenter le moulin des Pipes Ropp et ce jusqu’en 1999. 

Les amoureux des rivières replacent aussi dans un contexte plus général ce projet de renaturation.  “On sait également qu’avec le dérèglement climatique la ressource en eau n’est plus aussi régulière et importante qu’avant pour faire fonctionner ce type d’ouvrage. Qui plus est, le potentiel actuel de production d’électricité en cas de rééquipement de l’ouvrage avec une turbine a été estimé, et s’est avéré ridicule, infime, en inadéquation complète avec les besoins actuels en énergie et avec les enjeux environnementaux du Cusancin” détaille le communiqué.

Un contexte de réchauffement climatique

Les travaux avaient à peine commencé que, selon les pêcheurs, les promeneurs pouvaient observer “une belle zone de courant, d’eaux vives, favorisant l’oxygénation de l’eau, et une grosse partie des algues a disparu. Les habitats se sont diversifiés avec des zones plus ou moins rapides. La température de l’eau a naturellement diminué. C’est un milieu typique des rivières de première catégorie où vivent Truite fario et Ombre commun. C’est la vision naturelle du Cusancin. 

Le rétablissement de la continuité écologique du cours d’eau est donc nécessaire et légitime afin de rendre à la rivière sa naturalité originelle après de nombreuses années de bons et loyaux services.

AAPMA de Baume-les-Dames

La reconquête de la qualité de l'eau et des cours d'eau est au cœur d'une directive-cadre européenne sur l’eau de 2000. Elle impose aux États européens le bon état des eaux pour... 2015. On est très loin du compte ! C’est pourquoi la restauration du fonctionnement naturel des cours d’eau est une priorité de l’Agence de l’eau et de tous les défenseurs des rivières.  

Dans le bassin-versant Rhône Méditerranée Corse, "40 % des rivières sont cloisonnées par des seuils et des barrages" estime l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée . Le rétablissement de la continuité écologique est une priorité pour atteindre le bon état des eaux. En 2021, l’Agence de l’eau a financé des travaux sur 72 ouvrages rendus franchissables par les poissons et les sédiments.

 

Plus de 70 % des cours d’eau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse sont concernés par des pressions dues aux activités humaines qui menacent l’atteinte du bon état écologique des eaux à l’horizon 2027 comme l’exige la directive cadre européenne sur l’eau, et qui pourraient entrainer une dégradation de la situation si rien n’est fait, a fortiori sous l’effet du changement climatique.

Agence de l'eau RMC

Actuellement, l'objectif fixé par l'Europe pour 2027 est loin d'être atteint. Près de la moitié des cours d'eau sont en bon état écologique dans le bassin-versant Rhône Méditerranée Corse.

Dans les années à venir, amoureux des rivières et défenseurs du patrimoine se retrouveront devant la justice avec chacun ses arguments et ses textes de loi.  

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