Plus d'un Français sur cinq consommerait plus d'alcool que les recommandations des autorités de santé, de deux verres maximum par jour, et pas tous les jours. Mais quels risques prennent-ils précisément ?
Le slogan est désormais familier : "pour votre santé, l'alcool, c'est maximum deux verres par jour et pas tous les jours". En France, 23,6% des 18-75 ans estimaient en 2017 dépasser ce seuil de consommation. Sans pour autant avoir développé une dépendance à l'alcool, ou pouvoir être décemment qualifiés "d'alcooliques". Mais alors, à quels risques pour leur santé s'exposent-ils concrètement ? À l'occasion du "Dry January", nous avons posé la question à un spécialiste, Julien Bouvret, directeur du Groupement Addictions Franche-Comté, qui réunit les réseaux d'addictologie dans la région.
Julien Bouvret commence systématiquement par faire un rappel : "le principe du "Dry January", ça n'est pas de diaboliser en soi le produit alcool, parce que ce peut-être aussi une substance plaisante, mais de questionner notre rapport collectif et individuel à cette substance, et d'aborder la réduction des risques".
"Une substance toxique de base"
"Il faut partir du principe que c'est une substance toxique pour le corps, psychiquement et somatiquement, quelle que soit sa consommation" explique-t-il. "C'est une substance toxique de base".
Pour l'opération "Dry January", qui propose chaque année à ceux qui le souhaitent de ne plus boire d'alcool ou de réduire leur consommation, l'OMS a d'ailleurs rappelé que "aucun niveau de consommation d'alcool n'est sans danger pour notre santé".
Les effets de l'alcool sur la santé varient cependant selon les niveaux de consommation, la répétition et la durée d'exposition au produit. "L'idée, c'est d'apporter de la nuance dans notre manière de voir cette consommation d'alcool, et de pouvoir la re-réguler cette substance et d'avoir de nouveau un contrôle sur cette substance, la perte de contrôle étant l'une des composantes des problématiques addictives" estime Julien Bouvret.
Peau, poids, hypertension...
Contrairement aux idées reçues, les effets nocifs d'une consommation excessive d'alcool se manifestent rapidement : "l'alcool a un effet anxiolytique à court terme, si on est anxieux, dans un premier temps ça soulage, mais ça a un côté depressogène" cite en exemple Julien Bouvret. Il détaille : "si vous avez du mal à dormir, vous allez boire de l'alcool, et ça va vous faire dormir, mais en réalité, l'alcool vous assome et votre sommeil sera de mauvaise qualité".
Parmi les effets à court terme, il cite également "des troubles de l'humeur, un impact sur le système cardiaque avec de l'hypertension artérielle". La consommation excessive d'alcool provoque, à l'échelle collective, "une augmentation des prises de risques et des violences, notamment des violences conjugales".
À l'opposée, arrêter ou réduire significativement sa consommation d'alcool pendant un mois, comme le propose le "Dry January" permet de "voir certains changements", "tant sur la tension que sur le sommeil, la peau, le poids et l'estime de soi". L'alcool, très calorique, modifie en effet la manière dont l'organisme métabolise les graisses, et impacte le renouvellement de la peau.
Deuxième cause évitable de cancers
En France, on estime que la consommation excessive d'alcool est responsable de 41.000 morts par an. La principale cause associée à ses décès est le cancer. Selon l'Institut national du cancer, l'alcool est la "deuxième cause évitable de mortalité par cancer". "L’éthanol contenu dans les boissons alcoolisées est transformé dans l’organisme en composés favorisant le développement de cancers" décrit l'Institut.
La Société canadienne du cancer ajoute que ce sont les "cancers de la tête ou du cou, du sein, du côlon ou du rectum, de l’œsophage, du foie, de l’estomac et du pancréas" qui sont le plus favorisés. Par ailleurs, consommer de l'alcool et du tabac démultiplierait les effets nocifs de chacun des produits.
Des conséquences générales, car "l'alcool passe dans le sang et est distribué partout" explique Julien Bouvret.
Foie, pancréas... et cerveau
À terme, "l'éthanol vient impacter différents organes : le pancréas, le foie, le cœur" énumère le directeur du Groupement Addiction. "Vous n'avez pas besoin d'être dépendant, si vous avez une consommation excessive, vous allez avoir à long terme un risque accru de problèmes cardiovasculaire, comme des AVC ou de l'hypertension, ou d'autres troubles comme du diabète" décrit-il. Les pathologies cardiovasculaires liées à une surconsommation d'alcool seraient à l'origine de 10.000 décès par an.
Mais, "le premier organe impacté, c'est le cerveau" affirme Julien Bouveret. "C'est l'une des substances psychoactives les plus neurotoxiques que l'on connaisse, avec, au fur et à mesure des consommations, et plus elles sont élevées, des effets délétères". En bout de course, des atteintes cognitives. Chez les alcooliques, elles peuvent aller jusqu'à une forme de démence, le syndrome de Korsakoff.
Si vous n'êtes pas satisfaits de vos niveaux de consommation d'alcool, ou si vous voulez les questionner, quelques ceux-ci soient, vous pouvez être accompagnés par des professionnels des réseaux d'addictologie. Sans jugement, ces organismes proposent un soutien concret et pragmatique à ceux qui les sollicitent. Votre médecin traitant peut également vous venir en aide.