Depuis lundi 9 octobre, les employés du site de General Electric d’Autechaux, dans le Doubs, font grève. Si le nombre de grévistes tend à baisser, les actions de débrayage, elles, s'enchainent. L'objectif est toujours de lutter contre le plan de licenciement.
Mise à jour 25/10/2023 : les organisations syndicales de General Electric ont finalement envoyé leur accord de principe à la direction de l'entreprise, sur la dernière proposition de plan qui leur avait été faite. Les prochains jours permettront de savoir dans quelle mesure le site d'Autechaux sera finalement impacté.
La situation ne s’arrange pas sur le site de General Electric d’Autechaux, dans le Doubs. Voilà plus d’une semaine que les employés ont commencé un mouvement de grève illimité, après une première journée de mobilisation, le 21 septembre dernier. Les motivations n’ont pas changé : protester contre le plan de licenciement, le deuxième en six mois dans l'entreprise.
En effet, le groupe General Electric (GE) a annoncé son intention de licencier 50 % de ses effectifs en France, au sein de la branche énergie renouvelable (GE Energy Services France), et notamment l’éolien terrestre (Wind Onshore). Au total, 62 emplois seront supprimés, dont quatre sur le site d’Autechaux.
La crainte d'une exportation des savoirs-faire
Bastian Retrouvey est technicien et chef d’équipe sur le site du Doubs. Il explique que si le nombre de grévistes est en baisse, leur motivation, elle, ne l’est pas. S’ils ne sont officiellement plus en grève, les employés ne dépannent plus les éoliennes qui en ont besoin. "C’est tout aussi pénalisant pour l’entreprise de multiplier les mouvements de débrayage. L’idée est de ralentir au maximum l’activité", précise le chef d’équipe. Ces salariés entretiennent tout le parc General Electric de la région, soit 69 éoliennes.
Leurs revendications sont assez simples : négocier les meilleures conditions possibles pour ceux qui vont devoir partir et sauver un maximum de postes, "pour ne pas perdre nos compétences et éviter l’exportation de notre savoir-faire". Bastian Retrouvey est inquiet pour les futures conditions de travail. "Derrière, le risque, c’est la charge de travail avec tous les risques psychosociaux qui s'ensuivent. Il n’y a aucun abaissement de la charge de travail qui est prévu. La solution de la direction, pour palier cela, est de sous-traiter assez massivement les tâches, par des entreprises étrangères, comme l’Espagne, qui est précurseur dans l’éolien."
"Un coup boursier"
Une décision qui est difficilement acceptable. "C’est tout ce qu’on a construit sur le site depuis le début, qui est détruit", souffle, las, Bastian Retrouvez. Et l’incompréhension règne lorsque l’on voit que l’État s’engage en faveur des énergies renouvelables. "C’est déconnecté de la réalité actuelle que de supprimer des postes dans une activité d’énergie renouvelable", souligne-t-il. Pourtant, la direction assume son choix : "ce projet qui vise à continuer d’adapter l’organisation de l’entité GE ESF aux réalités du marché de l’éolien terrestre et à rétablir sa compétitivité pourrait conduire à la suppression d'au maximum 50 postes actuellement occupés".
Mais selon Florent Karcher, élu CFE-CGC chez General Electric Onshore Wind et l’ensemble des employés, il s’agit en réalité d’un "coup boursier". Dans leur viseur, le projet de scission de la branche énergétique de General Electric, début 2024, pour l'introduire en bourse sous le nom de "GE Vernova". "On soupçonne des manœuvres boursières pour alléger les coups au maximum en tapant sur la masse salariale, pour que l’entité soit la plus propre avant d’entrer en bourse", se désole Bastian Retrouvey.
Si le calendrier de réunion de négociation suit son cours, ils entrent dans la dernière ligne droite : "la pression commence à monter". Le chef d’équipe se montre peu convaincu au sujet de ces discussions avec la direction. "Sur les conditions de licenciement, nous avons réussi à obtenir des choses plutôt correctes. Mais ils sont totalement fermés à sauver des postes. Ce sont des ordres qui viennent des États-Unis, et ils font bloc. On n’arrive à sauver personne". Face à une direction qui ne se montre pas prête à lâcher, les employés font front. De son côté, la direction de Général Electric assure "mesurer l’inquiétude des équipes concernées par ce projet et nous mettrons tout en œuvre pour accompagner individuellement tous nos collaborateurs impactés afin de trouver une solution pour chacun."
L'espoir d'une réaction de l'État
Ils leur restent un dernier espoir : les actions du député LR du Doubs, Nicolas Pacquot. Ce dernier a rencontré les employés et s’oppose fermement au projet de démantèlement de la branche éolienne terrestre. Dans un communiqué de presse, il indique avoir alerté Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. Il recevra jeudi, à l’Assemblée nationale, le directeur général de GE, Hugh Bailey, "afin d’échanger sur les inquiétudes des salariés, et pour que toutes les solutions permettant de préserver les emplois et les compétences puissent être étudiées."
"On espère que l’Etat va mettre son nez dedans et interviendra en mettant la pression", lâche Bastian Retrouvey. Mais ses espoirs sont minces. "On ne se fait pas trop d’illusions. Ça reste le mastodonte qui fait ce qu’il veut. Et on ne pourra pas taper plus haut". La dernière réunion de négociation a lieu mercredi prochain, le 25 octobre.