Dans le nord Franche-Comté, la CFDT santé-sociaux tire la sonnette d’alarme sur les conditions de travail des personnels du centre départemental de l’enfant et de la famille.
Ces enfants et ces professionnels sont en danger, estime la CFDT qui tenait ce jeudi 7 décembre une conférence de presse à la maison des syndicats à Besançon.
Le syndicat alerte notamment sur la situation de la maison de la colline à Exincourt dans le pays de Montbéliard. C’est l’une des structures du centre départemental de l’enfant et de la famille (CDEF) géré par le département du Doubs. Elle accueille des enfants de 6 à 12 ans en difficulté, placés par la justice ou la psychiatrie. 7 enfants y sont accueillis pour l’instant alors que la structure est dimensionnée pour 5 enfants, un lit est censé être toujours disponible. L’une des éducatrices témoigne des difficultés qui s’accumulent depuis le printemps 2022. “On prend en charge les enfants du lever au coucher. Des équipes se relaient toute la journée et la nuit pour assurer le suivi et l'accueil des enfants. On prend en charge le quotidien, l’hygiène, la scolarité, la santé, mais aussi la situation familiale pour essayer de faire évoluer la situation. On travaille avec le juge, on rédige des rapports, des notes”, résume Marine Papon, éducatrice. Les enfants sont scolarisés, mais pas tous au même endroit pour ne pas surcharger les équipes éducatives, il faut donc aussi gérer les déplacements. Les rendez-vous médicaux avec des déplacements parfois de plusieurs kilomètres pour trouver un spécialiste.
10 à 15 crises par jour, des personnels qui “craquent”
Ces enfants qui arrivent dans les structures d’urgence ont besoin d’un suivi particulier. “On accueille des enfants particulièrement troublés” précise l’éducatrice qui dénonce le manque de moyens. “On est deux éducatrices sur la journée, et une maîtresse de maison avec nous pour assurer les repas. Elles font plus, elles accompagnent aussi avec nous les enfants…. On fait des journées de 12h, du 10h-22h. Nos journées, on sait quand elles commencent, on ne sait pas quand on repart. On ne sait pas si on va avoir le temps de manger, d’aller aux toilettes. On sait qu’on va gérer 10 à 15 crises dans la journée, des fois de plusieurs enfants en même temps” précise la jeune femme. Certains salariés craignent malgré leur patience d’être maltraitants, tout comme maltraités face aux violences de certains enfants.
“On est une équipe, à bout, une équipe, je dirais à vif. On ne trouve plus le sens de notre métier.On fait du “à peu près”, du “au moins pire”. En aucun cas, on ne répond aux besoins de ces enfants qui nous sont confiés.
Marine, éducatrice à la maison de la colline
La CFDT brosse un tableau bien sombre de ces métiers de la petite enfance
“Dans tout le département, il y a des problèmes, vu les profils des enfants accueillis et le manque d’effectifs en personnel", estime Virginie Linotte, CDFT Santé Sociaux dans le Doubs. “C’est toute la protection de l’enfance qui a un problème, il manque des places partout… Lorsqu’un enfant arrive, il a un lit. Même si ce n’est pas sa place, il restera là. on ne trouvera pas d’autres solutions, alors qu’il devrait aller dans d’autres structures plus adaptées.”
L’accueil d’urgence censé être un accueil temporaire pour ces enfants en difficultés, s’éternise parfois, selon la CFDT. Les places en familles d’accueil se libèrent au compte-goutte.
Un manque d'attractivité, des difficultés à recruter
Au conseil départemental qui gère le centre départemental de l'enfance et de la famille (CDEF), Cyril Carbonnel, directeur général adjoint en charge des solidarités humaines, se dit conscient des difficultés rencontrées par ces personnels de la petite enfance. “On a évidemment beaucoup d'empathie, pour les professionnels qui sont en difficulté. ils sont en difficulté face à des enfants qui leur sont confiés, des enfants avec des problématiques de plus en plus aiguës” reconnaît-il.
Selon lui, la maison de la colline avec 7 enfants pour 6 personnels est sur un fonctionnement dans les normes. “Je peux comprendre qu’ils éprouvent à un moment un ras-le-bol. L’idée, c’est de trouver des solutions avec l’état sur l’accompagnement de ces enfants, parce que les difficultés sont très liées aux besoins de soins de ces enfants. On a besoin de l'État pour nous aider à trouver des solutions pour ces enfants. On a aussi besoin que ces professionnels puissent libérer ce qu’ils vivent dans la journée avec notamment un accompagnement sur des groupes de paroles” confie l'adjoint à notre journaliste Thierry Chauffour.
“Il y aura des postes d’éducateurs créés”
Cyril Carbonnel, directeur général adjoint en charge des solidarités humaines au département du Doubs
Pour la collectivité, la solution passe aussi bien évidemment par des personnels supplémentaires. Selon Cyril Carbonnel, l'exécutif dans le Doubs s'apprête à proposer la création de 5 postes supplémentaires dans le département et une hausse du 10% du budget du CDEF qui compte actuellement 131 postes ouverts. Certains sont vacants. La filière de la petite enfance peine à recruter et souffre d’un manque d'attractivité, encore plus dans certains secteurs comme le nord Franche-Comté.