Cédrine est née dans un corps d'homme. À 39 ans, elle témoigne sur sa récente transition et revient sur son parcours de femme transgenre.
"Je me suis enfermée dans ce secret sans jamais en parler à personne". Cédrine naît dans un corps d'homme en 1983. Elle grandit dans ce qu'elle définit comme "sa carapace". Au fond d'elle, elle sait très jeune qu'elle appartient au sexe opposé. "Dans ma tête je me sentais femme, j’étais en inadéquation avec ce que la société attendait de moi."
Quelques mèches de ses longs cheveux soigneusement rabattus derrière l'oreille, traits de crayon soulignant ses yeux, Cédrine revient posément sur son passé. Les années collège ont été les plus difficiles à vivre. Elle décrit "une descente aux enfers", avec l'impossibilité de s'identifier à ses amis masculins comme féminins. "Le plus dur c'était quand je devais aller dans les vestiaires des garçons... j'avais l'impression d'être une fille nue et seule..."
À l'âge adulte, celle qui était Cédric - son "deadname" - cherche à repousser ses limites physiques et psychiques. Elle se construit à l'opposé de ce qu'elle est au fond d'elle. Elle choisit de s'engager dans les fusiliers commando de l’air de l'armée, avant de travailler dans la sécurité en Suisse. "C'est comme si je faisais tout pour refouler qui j'étais vraiment, cachant à mon entourage ma vraie identité, mon vrai visage", confie-t-elle.
34 ans à "dissimuler" sa vraie identité
Elle attend l'âge de 34 ans pour trouver la force d'en parler à ses proches, ses parents et surtout à ses deux filles. Une épreuve pour elle... "C'est comme si je faisais face à une montagne, que je devais gravir le Mont-Blanc, sans harnais ni cordes", décrit-elle. Cédrine se considère comme "chanceuse", car son coming-out est très bien accueilli par son entourage. "Mes filles m'appellent Paman...", lâche-t-elle en souriant.
Un contexte qui lui permet d'entamer sa transition sereinement et rapidement. Une transition d'abord vestimentaire. À l'époque, elle est conductrice de bus en Suisse, "ma direction a été très compréhensive, une semaine et demie après mon coming-out, je recevais mes nouvelles tenues professionnelles féminines".
La transition : un parcours insuffisamment structuré et accompagné
Elle tire rapidement un trait sur Cédric sans oublier sa vie passée. S'ensuivent les rendez-vous médicaux à Dijon auprès de généralistes, d'endocrinologues et chirurgiens, quatre années au total pour opérer sa transition. Un parcours de soins qu'elle juge compliqué car insuffisamment structuré. Elle appelle de ses vœux la création de protocoles complets prévus pour les personnes transgenres, allant des consultations auprès de médecins généralistes de premier recours jusqu'aux rendez-vous avec les chirurgiens, prothésistes mammaires etc.
Aujourd'hui pour accéder plus rapidement à certains spécialistes, ne pas avancer les frais et obtenir un meilleur remboursement de l'assurance maladie, il faut d'abord faire une demande d'affection de longue durée (ALD). La Haute Autorité de Santé (HAS) a récemment publié une note de cadrage dans le but d'élaborer des recommandations pour améliorer l’accompagnement et la prise en charge des personnes transgenres. L'enjeu est de sensibiliser et former les professionnels pour rendre l'organisation des soins plus adaptée et structurée. La publication de ces recommandations est attendue en septembre 2023.
Régulièrement victimes de violence, les personnes trans sont particulièrement exposées à un risque d’idées et de conduites suicidaires tout au long de leur vie. Sur les 8 952 personnes titulaires d’une ALD pour « transidentité », 727 sont concernées par une affection psychiatrique évoque la note de la HAS. Dans son rapport annuel, l'association SOS Homophobie recense 179 situations de violences transphobes signalées en 2021 en France. Ces violences ont principalement lieu dans le contexte familial.
Une nouvelle vie dans le cinéma
Installée aujourd'hui dans les environs de Pontarlier (Doubs), Cédrine fait de sa transidentité une force et l'affiche sur grand écran. Elle travaille désormais dans le cinéma. Repérée par le régisseur de la série Hors Saison diffusée sur France 3, elle y joue en tant que doublure image de l'actrice Marina Hands, sociétaire de la Comédie-Française. De fil en aiguille, elle réussit à élargir son réseau et à se créer des contacts. Elle parvient à décrocher des contrats d'assistante régisseur adjoint sur des projets cinématographiques. "Je n'ai aucune formation dans le cinéma, je suis une opportuniste" conclut-elle d'un air amusé.