Au moins 30% des écoles françaises contiendraient de l'amiante, un matériau extrêmement toxique et cancérigène, selon une récente enquête. Les établissements scolaires de votre commune en font-ils partie ? Votre commune respecte-t-elle la législation en matière de maintenance des bâtiments scolaires amiantés ? Découvrez-le grâce à notre tableau interactif.
Considéré comme un produit miracle dans les années 50, notamment grâce à ses propriétés anti-feu et son faible coût, l'amiante est en fait un poison pour l'organisme. Depuis 1998, 400 enseignants et personnels de l'éducation nationale ont contracté un mésothéliome pleural. Il s'agit du "cancer de l'amiante". Ce denier réduit l'espérance de vie à 12 mois après diagnostic, selon les données récoltées par Santé Publique France.
Partant de ces chiffres, l'équipe de journalistes d'investigation de l'émission "Vert de Rage" (diffusée sur France 5) a lancé une grande enquête, à travers toute la France, dans le but de dresser un état des lieux de la présence d'amiante dans les écoles maternelles et primaires. La France a proscrit l'utilisation de l'amiante en 1997. Il s'agit d'un cancérogène sans seuils selon l'OMS, c'est-à-dire qu'une seule fibre inhalée peut suffire à provoquer des pathologies pouvant aller jusqu'au cancer. 85% des établissements scolaires de l'hexagone ont au moins un bâtiment construit avant juillet 1997 et sont donc susceptibles de contenir de l’amiante.
En France, l'exposition professionnelle à l'amiante serait responsable de près de 2 200 nouveaux cas de cancers et 1 700 décès chaque année, selon des estimations de l'Institut national de veille sanitaire (INVS). Le poids des maladies liées à l’amiante continue de s’alourdir, même dans les pays qui l’ont interdit l’utilisation au début des années 1990.
Au moins 30% des écoles contiendraient de l'amiante
Durant neuf mois, les journalistes habitués à travailler sur les scandales environnementaux ont repris les chiffres d'un organisme, l'Observatoire National de la Sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ONS), qui avait établi le recensement des écoles polluées à l'amiante en 2016. Ils les ont mis à jour et ont tenté d'aller plus loin encore, en réalisant notamment leurs propres prélèvements dans une quinzaine d'établissements. Selon les résultats obtenus, les analyses de 11 écoles sur 14 présentent des fibres d'amiante. Et 5 écoles sur 14, soit 36%, dépassent le seuil d'alerte (ASTM D 6480 - USA).
"Nous avons contacté les 50 000 établissements, les 35 000 mairies, et les 100 plus grandes villes de France. On a récolté des informations pour près de 20 000 écoles en France. Le fait est qu'au moins 30% des écoles françaises contiennent de l'amiante", nous explique Mathilde Cusin, co-réalisatrice de Vert de Rage aux côtés de Martin Boudot. Tout en précisant que ce chiffre est très probablement sous-évalué.
On a tissé un réseau d’informateurs, qui n’osent pas parler. Ils sont très inquiets de la présence d’amiante dans les établissements scolaires.
Mathilde Cusin, journaliste Vert de Rage
Une législation loin d'être toujours respectée
Au-delà de la présence d'amiante dans les bâtiments accueillant des enfants, les enquêteurs ont voulu savoir si la législation entourant la présence de ce minéral fibreux très utilisé dans le BTP par le passé, et extrêmement toxique s'il est détérioré, était respectée. C'est d'ailleurs l'un des nœuds du problème, puisque c'est loin d'être le cas pour l'ensemble des écoles construites avant 1997, comme le stipule la loi.
"Un bâtiment qui comporte de l’amiante doit avoir un DTA, c'est-à-dire un Dossier Technique Amiante. C'est obligatoire pour les établissements construits avant 1997. Si les dalles ou les cloisons contenant de l'amiante sont abîmées, il doit y avoir des travaux réalisés. Si les matériaux sont bien traités et entretenus, le risque est moindre pour les populations. Malheureusement, on s'est rendu compte que dans beaucoup de cas, les directeurs d’établissements ne savaient même pas ce qu'est un DTA et que beaucoup d'enseignants ou parents d’élèves se voient refuser l’accès au dossier DTA de leur établissement", détaille la journaliste d'investigation.
Qu'en est-il en Bourgogne-Franche-Comté ?
D’après l'enquête de Vert de Rage (enquête provisoire, car les nouveaux cas continuent d'arriver), en 2023, 281 écoles contiendraient des matériaux amiantés en Bourgogne-Franche-Comté. Seulement neuf d’entre elles l’ont reconnu. Quatorze d’entre elles n’ont pas souhaité répondre ou n’avaient pas de Diagnostic Technique Amiante à disposition.
"Au total, 258 écoles qui contiendraient de l’amiante n’ont pas répondu malgré nos relances", précise Mathilde Cusin. Dans la région, toujours selon l'enquête, 403 écoles ne contiendraient pas de matériaux amiantés. Par ailleurs, sur les 2 732 écoles de la région, 1 704 n’ont jamais répondu, malgré les relances. Nous n’avons donc pas pu savoir si ces établissements contiennent des matériaux amiantés ou non.
Les deux plus grande municipalité de la région, Besançon et Dijon, n'ont pas souhaité répondre à l'enquête.
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Découvrez si votre commune est concernée
Grâce à notre moteur de recherche ci-dessous, découvrez si les établissements scolaires de votre commune sont concernés par la présence d'amiante. Découvrez également si le dossier technique d'amiante (DTA), dont la présence est obligatoire pour tous les établissements scolaires construits avant 1997, est consultable par les enseignants et les parents d'élèves.
(La mention "non renseignée", signifie que la municipalité n'a pas souhaité répondre à l'enquête. Les données sont donc manquantes.)
>> Consultez la version plein écran de notre tableau.
L'omerta liée à la question de l'amiante dans les écoles
"On peut parler d’omerta, explique Mathilde Cusin. C'est même une omerta doublée d'une méconnaissance". Sur les 100 grandes villes contactées par les journalistes de Vert de Rage, seulement sept ont répondu à leur questionnaire. "93% de ces villes n’ont pas souhaité répondre à notre enquête. C’est quand même particulier", analyse-t-elle. Certains rectorats ont expressément demandé à des professeurs de ne pas répondre aux questions des journalistes. Les journalistes ont pu consulter des mails envoyés aux enseignants et aux chefs d'établissement.
Si certaines mairies souhaitent agir efficacement contre l'amiante, elles se retrouvent la plupart du temps démunies financièrement. Mener à bien les travaux nécessaires dans leur commune coûte extrêmement cher. "Les budgets de désamiantage sont astronomiques. Pour certaines petites écoles, il faut compter 500 000 euros. On souhaite que l'omerta prenne fin et que les pouvoirs publics se mobilisent sur cette question", selon la co-réalisatrice de l'émission diffusée sur France 5.
Plus les enfants sont jeunes, plus ils ont de facteurs de risque. Le premier, c’est que leurs défenses immunitaires sont plus faibles et ils ont des voies respiratoires plus proches du sol du fait de leur taille.
Alain Bobbio, président de la plus importante association des victimes de l’amiante, Andeva
Quel est le risque de contracter une maladie due à l'amiante pour les enfants scolarisés ? "Il faudra des années avant de connaître les conséquences de leur exposition à l’amiante. Ce qui est certain, c’est que sans information sur la présence ou non d’amiante dans l’établissement, il est impossible d’investiguer un potentiel lien", nous résume Mathilde Cusin.
En attendant, et alors que des enseignants tentent depuis des années de faire reconnaître leurs cancers comme maladie professionnelle, nombreux sont ceux qui espèrent un réel engagement de l'État en faveur d'une meilleure maintenance des bâtiments amiantés.