"Tiers-lieu" tourné vers la "quatrième révolution industrielle", finalement liquidé : retour sur l'aventure du Mattern Lab, centre d'innovation à Sochaux

Le 15 juillet dernier, le conseil d’administration du Mattern Lab a officialisé sa liquidation. Pour récolter des fonds et rembourser une partie des subventions attribuées par l’État, une vente aux enchères était organisée ce 30 juillet à Sochaux. Récit d’un projet qui attise les débats.

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Découpes laser, imprimantes 3D, ordinateurs, robots, composants électroniques... tout est parti. Les douze lots de matériel de l’association Mattern Lab ont trouvé preneurs en moins de quinze minutes ce 30 juillet lors d’une vente aux enchères à Sochaux.

Deux semaines après la liquidation officielle du projet, centre d'innovation tourné vers la "quatrième révolution industrielle", ses équipements ont trouvé de nouveaux propriétaires. 

Un pincement au cœur pour ceux qui ont œuvré dans ce tiers lieu : “Avec les adhérents, on avait développé des liens. Il y avait des entreprises qui venaient avec des projets, on les accompagnait, il y avait moyen de faire des belles choses ici, c’est dommage”, confie Stéphane Fridelance, fabmanager au Mattern Lab, au micro de nos journalistes Emmanuel Deshayes et Rémy Poirot. 

Ouvrir grand les portes aux start-ups

Le Mattern Lab est né en 2017 lorsque Pays de Montbéliard Agglomération (PMA) s’associe avec le Grand Belfort pour répondre à l’appel à projet de France 2030 Territoire d’innovation et grande ambition (TIGA). Son objectif ? Favoriser le travail en réseau des entreprises, introduire le 4.0 dans les plus petites structures, ouvrir grand les portes aux start-ups et mener un travail de fond sur l’image de l’industrie en Nord Franche-Comté. 

En 2019, le Mattern Lab fait partie des 24 projets au niveau national qui obtiennent ce label. “13 projets sur l’ensemble du Grand Belfort et de PMA ont acquis ce label et ont reçu 4,8 millions d’euros de subvention et 11,1 millions d’euros de potentiel investissement via la Caisse de dépôt. Chaque porteur de projet est responsable de son fonctionnement et de son modèle économique”, détaille Charles Demouge, président de PMA.  

Lancé officiellement en 2023, le projet n’aura pas tenu deux ans. Le 15 juillet 2024, le conseil d’administration du Mattern Lab a officialisé sa liquidation. 

Un modèle économique qui n’a pas su être trouvé ? 

L’entreprise Stellantis a vendu un bâtiment, nommé Mattern Lab, à la société d’économie mixte Pays de Montbéliard Immobilier d’Entreprises (SEM PMIE), bras droit du développement économique de l’agglomération qui a son propre budget. 6,5 millions d’euros de la société ont servi à l’achat du bâtiment et à sa rénovation. 1,5 million d’euros supplémentaires ont été investis dans du matériel spécifique à l’association. “Pour le Mattern Lab, on a emprunté de l’argent à une banque. Ce ne sont pas des fonds publics. On a considéré que c’était un beau projet qui devait fonctionner. La location du bâtiment devait rembourser l’emprunt”, explique Didier Klein, président de la SEM PMIE. En clair, l’association Mattern Lab est hébergée dans le bâtiment éponyme, qui est géré par la SEM PMIE. 

L’association occupe les locaux et doit y installer des entreprises, start-ups, PME ou tout autre projet. Ces derniers lui paient des loyers et elle se charge de les reverser à la société d’économie mixte. Mais selon les administrateurs du projet, le loyer était trop cher et les charges trop lourdes. 

“La fin de l’association Mattern Lab est un peu bête, car ils se sont engagés sur 4-5 ans sur 5 000m², mais on avait un accord sur les premières années pour qu’ils n’occupent que 2 200 à 2 500m² et on les faisait payer que sur cette partie-là”, développe Didier Klein. 

Nous savions qu’on perdrait mais c’était dans l’idée de permettre au Mattern Lab de se développer.

Didier Klein, président de la SEM PMIE

Dans un communiqué, Kévin Appointaire, dernier président de l’association, souligne : “Si l’ensemble des parties prenantes a su s’investir dès 2018 pour obtenir le label 'Territoire d’Innovation', quelques années plus tard, les mêmes interlocuteurs n’ont pas su 'jouer collectif' pour soutenir le Mattern Lab. Le conseil d'administration tient cependant à remercier l’État et la Région pour leur implication”.  

L’association a reçu une aide de 600 000 euros de Stellantis et une subvention au montant identique via le dispositif d’État Territoire d’innovation. Kévin Appointaire rappelle qu’ils ont finalement touché 450 000 euros de la part de l’État. “113 000 euros de fonctionnement sur trois ans ont été débloqués par PMA” ajoute Charles Demouge, président de l’agglomération, avant de poursuivre “L’association a réservé la moitié des locaux pour ne pas mettre de start-ups, mais pour des expositions ou je ne sais pas quoi. Mais qui paie ces loyers ? Le modèle économique n’était pas viable dès le départ. L’association n’a pas de dette, mais elle devait chercher d’autres entreprises, start-ups, pour payer les locaux”. 

Un manque de suivi des collectivités locales ? 

Dans le communiqué, Kévin Appointaire rappelle que “ce type de structure existe sous des formes différentes en France et même en Bourgogne Franche-Comté. Tous ces tiers lieux doivent leur existence à un soutien sans faille des collectivités locales. Le Pays de Montbéliard n’a peut-être plus actuellement le substrat nécessaire pour être une terre de projets”.  

Face à ces accusations implicites, Charles Demouge, président de PMA, se défend : “On n’a pas soutenu les autres projets (les 12 autres sur le Grand Belfort et PMA qui ont été labellisés Territoire d’innovation). Parmi eux, certains vont très bien. Ils ont su gérer dès le départ. Il faut des recettes pour gérer les dépenses. Les subventions sont prévues sur trois ans. Après, l’association devait tourner par elle-même”.  

“Je pense que les personnes dans le projet de départ n’ont pas vu que cela avait des coûts et ont cru qu’ils seraient toujours suivis. Ils n’ont pas compris que le Mattern Lab était un partenariat, mais que ce n’était pas gratuit”, poursuit Didier Klein, président de la SEM PMIE, également élu à PMA.  

J’atteste de l’effort important du dernier président Kévin Appointaire qui a toujours été respectueux. Quand il a senti que l’association Mattern Lab ne pourrait pas obtenir l’objectif qu’elle avait envisagé, il a arrêté l’opération sans perte. Ils n’ont aucune dette.

Didier Klein, président de la SEM PMIE

Une volonté de “finir proprement” 

La vente aux enchères signe la fin de la saga du projet sochalien. “Ce Mattern Lab a été développé à travers des fonds publics et des fonds privés. L’objectif est de pouvoir réinvestir l’ensemble de ces fonds publics le plus rapidement possible du côté de l’État donc de rendre la majeure partie de l’argent qui nous a été confié, car ce n’est pas le nôtre”, souligne Kévin Appointaire, au micro de nos journalistes Emmanuel Deshayes et Rémy Poirot. 

Finir proprement, ça induit de rendre le bâtiment le plus rapidement possible d’une part, de céder notre matériel et de rendre les fonds à l’État d’autre part.

Kévin Appointaire, dernier président de l'association Mattern Lab

65 000 euros ont été récoltés lors de cette vente. Avec la trésorerie qu’il lui reste, le laboratoire espère rendre 200 000 euros sur les 450 000 versés depuis le démarrage. Stellantis n’a demandé aucun remboursement. En ce qui concerne l'emprunt fait par la SEM PMIE pour acheter le bâtiment, Didier Klein se veut rassurant : “Pas mal de gens veulent le réutiliser, une dizaine de personnes ont effectué des visites”.  

 

 

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