Spoliation de "La ronde enfantine" : Ce tableau de Gustave Courbet que vous ne pourrez pas voir au musée d'Ornans

Le tableau "La ronde enfantine" de Gustave Courbet va être rendu à la famille de son dernier propriétaire privé victime d'une spoliation pendant la seconde guerre mondiale. Un tableau repéré par le conservateur du musée Courbet pour sa prochaine exposition "L'âge d'or" mais qui ne pourra pas venir à Ornans.

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La ronde enfantine va quitter le musée de l'université de Cambridge. Ce tableau de Gustave Courbet spolié par les nazis en 1941 à Paris, sera remis aux descendants du propriétaire légitime, Robert Bing, de confession juive et résistant.


Depuis 1951, le tableau se trouvait au Fitzwilliam Museum à Cambridge. Gustave Courbet a peint ce paysage atypique autour de 1862 lors de son séjour en Saintonge, il représente des enfants jouant dans un bois paisible. Saintonge est une ancienne province française au nord de Bordeaux. 

Jusqu'à présent, seuls les mentions dans le catalogue raisonné de Robert Fernier indiquait le parcours de ce tableau mais sans mentionner le nom de Robert Bing. Il y avait, comme souvent lorsqu'il s'agit de spoliation, un "vide" de plusieurs années. Cette restitution a permis de retracer en partie son histoire.

Lorsque le projet de restitution est mentionné dans les publications spécialisées, Benjamin Foudral, le conservateur du musée Courbet d'Ornans s'intéresse à sa picturalité et aussi à ce qu'il représente.  

Une ronde enfantine, c'est plutôt rare chez Courbet même si le peintre, observe le conservateur, a peint à plusieurs reprises des enfants.

Après quelques recherches, La Ronde enfantine de Courbet est un tableau fascinant et finalement assez connu. Il se rapproche sensiblement du traitement pictural des deux petites Baigneuses d’Hatvany ; aussi bien dans la touche, vibrante, que la gamme chromatique assez vive.

Benjamin Foudral, conservateur du musée Courbet

 

"Gustave Courbet l’aurait peint au même moment où Corot peint sa propre version Un coin de parc à Port-Berteau, près Rochemont (1862) conservé à Belgrade, détaille Benjamin Foudral. Il est alors installé chez son ami et mécène Baudry.  Etienne Baudry a surement fait l’acquisition de l’œuvre à ce moment-là puisque le premier propriétaire de cette Ronde enfantine est Etienne Baudry".

Baudry donne des fêtes, avec une prodigalité inouïe, dans le parc de Rochemont, en l'honneur de Courbet et Corot.

Charles Léger, Courbet et son temps

En 1863, le tableau de Courbet est mentionnée dans l'exposition de Saintes sous le numéro 104 : Bois de Rochemont. 

Un tableau idéal pour l'Age d'or

À partir du 24 juin, le musée Courbet présente une exposition sur l'Age d'or, Paradis, utopies et rêves de bonheur. De Brueghel à Signac. " Apparu dès l’Antiquité, le mythe de l’âge d’or raconte ce moment originel de l’humanité où l’homme vit en parfaite harmonie avec la nature et les dieux, où les espèces cohabitent pacifiquement et où une nature généreuse et abondante pourvoit à tous leurs besoins. Bien plus qu’un récit, ce mythe décrit un état : celui d’une humanité heureuse, harmonieuse et innocente, vivant en paix, dans un lieu préservé et bienfaiteur.", raconte Benjamin Foudral. 

"Gustave Courbet aura une belle place auprès de ces peintres de l’âge d’or, précise le conservateur. Proche de Proudhon, sensible au socialisme utopique et à la pensée de Charles Fourier, Gustave Courbet baigne dans cet environnement intellectuel et engagé. Son art, imprégné de son temps, accompagne l’évolution de la société et questionne le bonheur collectif et individuel". 

On comprend pourquoi Benjamin Foudral aurait aimé présenter au public d'Ornans cette Ronde enfantine. L'enfance ne représente-t-elle pas le bonheur ? Mais, ce tableau est actuellement dans un "entre-deux". Il n'appartient plus vraiment au musée de Cambridge et il n'a pas encore été rendu à la famille de Robert Bing. Nous ne le verrons pas à Ornans cet été. Cela aurait été peut-être aussi l'occasion de mentionner son retour au grand jour. 

Disparu pendant la guerre, le tableau réapparait en 1951

Le 5 mai 1941, deux membres de l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, une force nazie chargée du pillage des d'œuvres d'art, ont saisi dans l'appartement de Robert Bing, dans le 16e arrondissement de Paris, la peinture de Gustave Courbet.
Nombre d'appartements appartenant à des juifs ont été intégralement vidés durant la Deuxième Guerre mondiale. M. Bing n'y vivait plus : il avait fui Paris à l'arrivée des troupes allemandes avec sa mère qui était veuve. 
L'œuvre avait, selon le rapport, été achetée par la grand-mère maternelle de Robert Bing, qui était mariée avec un riche banquier.
Robert Bing a été résistant de 1941 à 1944. Il a été arrêté, mais libéré en janvier 1944. Il est décédé en 1993, après avoir reçu la croix de Guerre et la médaille de la Résistance française. 

Après avoir été volée, la peinture a été placée à Paris au Jeu de Paume, "au profit du principal collectionneur nazi, Hermann Goering", le fondateur de la Gestapo et l'une des figures les plus puissantes du régime nazi. 
Il aurait proposé un échange au ministre allemand des Affaires étrangères, mais ce dernier ou son épouse n'ont pas aimé l'œuvre et la transaction n'a pas eu lieu.
La peinture aurait été retrouvée par des soldats alliés à la fin de la guerre dans des tunnels secrets en Bavière sud-est de l'Allemagne).


Elle a refait surface en 1951, quand un marchand d'art londonien, Arthur Tooth and Sons, l'a achetée à un Suisse, Kurt Meissner, soupçonné de pillage par les autorités américaines. 
Toujours en 1951, La ronde enfantine a été achetée par le révérend Eric Milner-White, qui l'a donnée au musée Fitzwilliam.
La peinture se trouvait depuis musée, mais a été prêtée pour des expositions au Royaume-Uni et dans plusieurs pays du monde.
Dans son rapport, le Spoliation Advisory Panel insiste sur la bonne foi du musée. Notre "recommandation n'implique aucune critique du musée ou du donateur, le révérend Eric Milner-White, qui ont agi avec honneur et en accord avec les normes prévalant au moment de l'acquisition et depuis lors", est-il expliqué. 

Le Spoliation Advisory Panel, un organisme créé en 2000 par le gouvernement britannique, a conclu "que la peinture a été saisie par les forces d'occupation nazies parce que Robert Bing (son propriétaire, ndlr) était juif". Cet organisme est chargé d'étudier les réclamations concernant des objets perdus pendant la période nazie.
Dans un rapport de 19 pages publié ce mardi 28 mars, il recommande de restituer l'œuvre aux descendants de Robert Bing, qui sont à l'origine de la procédure. "Le musée a pris soin de l'œuvre qui peut maintenant être restituée aux descendants des propriétaires originaux", est-il écrit.
Le Fitzwilliam Museum à Cambridge a dans la foulée annoncé que l'œuvre leur serait rendue. 

Avec AFP

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