TEMOIGNAGES. Don d’organes : “Émilie aimait la vie, donner après sa mort ses organes a été une évidence”

Mercredi 22 juin est la journée nationale du don d’organes. Donneurs, receveurs, trois familles nous racontent comment le don d'organes est entré dans leur vie. 26.000 Français sont en attente d'une greffe.

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“Le don d'organe, c’était une petite lumière dans notre immense douleur"

Nicole Toitot n’oubliera jamais ce 2 septembre 2018. Émilie, 21 ans, est étudiante. Ce dimanche matin, elle doit rendre les clés de son logement. Elle chute accidentellement d’une fenêtre au 3e étage. “Les médecins ne nous ont pas laissé d’espoir, Émilie est décédée la nuit suivante” raconte sa maman installée à Lons-le-Saunier dans le Jura. Au CHU de Dijon, la question du don d’organes est très vite abordée avec cette famille confrontée à un drame brutal. La mort cérébrale. “On a dit oui avec son père, son frère jumeau, sa sœur aînée. On s’est dit que si dans notre malheur, on pouvait sauver des vies… Émilie était une jeune femme généreuse, elle n’aurait pas dit non” se souvient Nicole Toitot. Les médecins vont prélever les reins de cette jeune étudiante. Sa famille aurait aimé pouvoir donner d'autres organes, cela n'a pas été possible.

Quatre ans ont passé. A chaque date anniversaire de la mort d’Émilie, sa maman appelle le CHU pour savoir si les greffés sont en vie. Ce sont des jeunes qui ont reçu les reins de sa fille. Avoir donné les organes a aidé cette famille dans le processus du deuil. “Ça aide de penser que quelqu’un est vivant” estime Nicole Toitot.

Timéo, 4 ans, un petit bonhomme greffé du foie

Témoigner pour sensibiliser au don d'organes. Une évidence aussi pour Anaïs Duhaut, jeune maman de Haute-Saône. Un donneur décédé a fait don de son foie à son petit garçon. Timéo est né avec une atrésie des voies biliaires. Une grave maladie qui se manifeste par des jaunisses.

À l'âge de 14 mois, Timéo est greffé à l'hôpital Necker à Paris. Placé en liste d’attente d’urgence, il n’attend que quelques semaines un donneur. “J'aurais voulu donner de notre vivant, mais cela n’a pas été possible pour notre enfant, il avait besoin d’un bout de foie, et il y avait une veine porte à changer, c’était trop dangereux pour lui, et pour moi. Les médecins ont refusé” raconte Anaïs Duhaut. Aujourd’hui, Timéo a 4 ans. Il est suivi médicalement tous les deux mois. Il va à l’école. 

Sans ce donneur, je sais clairement que mon fils ne serait plus là.

Maman de Timéo

Les parents de Timéo ne connaîtront jamais l'identité de celui ou celle qui a sauvé la vie de leur petit garçon. Mais après la greffe, sa maman a transmis une lettre à l’attention de la famille de ce donneur décédé pour les remercier.

Renée, greffée du coeur et du rein, a pu connaître ses petits-enfants grâce au don d’organe

Dans le Haut-Jura, le souvenir de Renée est toujours présent. L’émotion encore palpable. Isabelle Grandchavin n’a pas oublié cette année 1998. Renée 61 ans souffre de myocardiopathie, une maladie qui fait gonfler la taille du cœur et écrase les poumons. Pour elle, la greffe du cœur est la seule chance de survie. Par deux fois en deux jours, l'hôpital de Lyon l’appelle, un cœur est disponible, mais Renée Grandchavin est enrhumée. La greffe ne peut se faire. Troisième appel. L’espoir tourne court. L’organe prélevé n’est plus transplantable. Une attente terriblement difficile, savoir qu'une personne doit mourir, pour espérer vivre. Le 11 octobre 1998, le chirurgien appelle à nouveau cette habitante du Haut-Jura. Un coeur l’attend. “Je me souviens de maman, elle est partie toute seule dans l’urgence en ambulance vers Lyon, elle disait qu’à ce moment-là, toute sa vie avait défilé” confie Isabelle Grandchavin. La greffe du cœur se déroule bien. Renée Grandchavin prend soin de sa santé, et quelque part de ce donneur qui lui a donné une nouvelle vie. “On juste su que c’était une femme d’une quarantaine d’années qui avait fait don de cet organe. Maman voulait savoir si elle vivait avec un cœur d’homme ou de femme”.

La santé de Renée Grandchavin se dégrade à nouveau en 2003, elle doit être greffée d’un rein que les traitements médicamenteux ont fragilisé. Un rein donné cette fois-ci par une personne vivante. Ces deux greffes vont permettre à Renée de vivre 18 ans de plus. Elle est décédée en 2016. “Le don d’organe fait partie de ma vie, et chaque fois que je peux en parler, j’en parle” confie sa fille, admirative de ces familles qui acceptent de donner.

Aborder une famille en deuil pour le don d’organe, un moment toujours difficile

Stéphanie Dampenon est l’une des sept infirmières à la coordination des prélèvements d'organes et de tissus au CHU de Besançon. Elle intervient après que le médecin ait annoncé la mort cérébrale du patient. “Ce n’est jamais facile, on s’adapte à chaque famille en raison du contexte, ce peut être un enfant, des adultes. On centre l’entretien sur le défunt. On demande si la personne s’était positionnée sur le don d'organes. Ce qu’on recherche, ce n’est pas l’accord de la famille, mais le non consentement du défunt” explique l’infirmière. En 2021, 275 organes ont été prélevés à Besançon. Le mot de la fin est toujours entre les mains de la famille, elle peut s’opposer au prélèvement d'organes. Le taux de refus en 2021 était de  31,7% au CHU de Besançon, contre 33,6% en France. L’infirmière voit une évolution au fil du temps sur la question du don d'organes. Question de génération, les choses bougent au fil des campagnes et des lois.

Dons d’organes, près de 5.000 greffes en France en 2021

Selon l’agence de biomédecine, en 2021, 5.276 greffes ont été réalisées en France, soit une augmentation de 19,3% par rapport à l’année précédente.
En 2020, avec les restrictions imposées par le Covid-19, l’activité avait connu une baisse de 25%, avec 4.417 greffes réalisées.
En Bourgogne-Franche-Comté en 2021, 10 greffes de cœur, 35 greffes de foie et 114 greffes de rein ont été réalisées.

A Besançon, au CHU par exemple, l'an dernier, 50 greffes de reins, 35 greffes de foie, 6 greffes entre membres d'une même famille ont été réalisées.

Dons d’organes, que dit la loi ?

Le don d'organes et de tissus est régi par les lois de bioéthique. Les trois grands principes sont le consentement présumé, la gratuité du don et l’anonymat entre le donneur et le receveur.
Nous sommes tous donneurs d’organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner (soit en informant ses proches, soit en s’inscrivant sur le registre national des refus).

Le nom du donneur ne peut être communiqué au receveur, et réciproquement. La famille du donneur peut cependant être informée des organes et tissus prélevés ainsi que du résultat des greffes, si elle le demande.

► Tout savoir sur le don d’organes en France


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