Réduire les délais de traitement des dossiers des demandeurs d'asile est une priorité. Car cela aiderait à régler "une grande partie des problèmes" que connaît le système en France : c’est ce que déclare Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes.
La Cour des comptes publie aujourd'hui un bilan sévère du système d'asile en France, quels en sont les symptômes et que recommandez-vous?
Si, historiquement, la France a longtemps été le premier pays d'arrivée des demandeurs d'asile en Europe, elle se situait au quatrième rang en 2014, derrière l'Allemagne, l'Italie et la Suède.
Sans faire face à un afflux de demandes, la France ne parvient pourtant pas à mettre en œuvre le traitement du droit d'asile de manière efficace.
Par rapport à ses voisins, la France se distingue en effet par une procédure d'instruction très longue, de deux ans en moyenne.
Cette durée excessive entraîne des surcoûts en matière d'allocations et d'hébergement, puisqu'elle a tendance à saturer le dispositif, y compris au détriment des structures d'hébergement ayant vocation à accueillir d'autres publics.
#Dijon : le cri d'alarme des associations en faveur des demandeurs d'asile http://t.co/SfeGzjbW
— France3 Bourgogne (@F3Bourgogne) 10 Décembre 2012
Des fuites sur un rapport interne avaient alimenté une polémique au printemps, vos conclusions rejoignent-elles les principaux éléments qui avaient filtré dans la presse?
La Cour a déploré cette fuite et mis en garde contre une lecture partielle et partiale de ses observations provisoires qui étaient soumises à la contradiction. Personne ne peut s'autoriser à parler à la place de la Cour, surtout avant qu'elle n'ait achevé ses travaux !
Aujourd'hui, la Cour note les avancées prévues par la réforme de l'asile adoptée cet été, qui fait de la réduction des délais de la procédure d'instruction une priorité. Elle souligne qu'il faut aussi consolider le pilotage interministériel, jusqu'à présent insuffisant, rationaliser le dispositif d'hébergement spécialisé et bien différencier le traitement de l'asile et le contrôle de l'immigration, pour mieux les articuler.
Mais ce qui compte, c'est que l'on s'attache à réduire les délais d'instruction : si elle est bien effective, cette réduction diminuera mécaniquement le coût de l'accueil et de l'hébergement des demandeurs d'asile, soulagera les dispositifs d'hébergement et améliorera l'efficience d'ensemble de la politique du droit d'asile.
Les pouvoirs publics maîtrisent-ils aujourd'hui la gestion des déboutés du droit d'asile?
C'est la conséquence des défaillances que relève la Cour dans la conduite de cette politique. Au bout de deux ans d'incertitude, avec des conditions d'hébergement très variables, le départ des personnes déboutées est difficile à mettre en œuvre.La France se distingue de ses voisins par un taux élevé de rejet des demandes et par une très faible exécution des mesures d'expulsion.
La mauvaise connaissance et la faiblesse du suivi des demandeurs d'asile, constatées par la Cour, rendent cela encore plus compliqué. En diminuant la durée de la procédure et en assurant un meilleur suivi des demandeurs, il est possible de remédier à une grande partie de ces problèmes.
N'y a-t-il pas un risque que ces conclusions alimentent les crispations sur les thèmes migratoires?
Au contraire, ce qui a pu alimenter de telles crispations, c'est une lecture hâtive et polémique de nos travaux, qui n'étaient pas achevés. Attention aussi aux confusions entre la politique d'asile et la politique de contrôle de l'immigration, qui a d'autres finalités.
L'accueil des demandeurs d'asile est plus qu'une politique publique, c'est une obligation liée aux engagements internationaux de la France. La Cour recommande qu'elle soit mise en œuvre de la manière la plus efficiente possible.
Pour dire les choses simplement, si la politique de l'asile est coûteuse et peu efficace, c'est surtout en raison des insuffisances des pouvoirs publics dans la gestion des demandes. La loi fixe désormais un cadre nouveau. La Cour sera attentive à sa mise en œuvre.