Dans la Nièvre, le canton de Prémery est l'un des 10 territoires en France qui expérimentent le dispositif "Territoire zéro chômeur de longue durée". Le pari : utiliser le coût du chômage pour recréer des emplois. Depuis deux ans, l'initiative commence à changer les comportements.
Prémery, ville industrielle de la Nièvre, fait partie des 10 territoires sélectionnés au niveau national pour le dispositif territoire zéro chômeur. Une zone rurale où le contexte se prête à cette expérimentation.À la fin des années 1960, plus de 3 000 habitants font vivre ce centre de la chimie du bois. 50 ans plus tard, il reste tout juste 1 800 âmes dans le canton.
Les unes après les autres, les entreprises ont fermées. Les vitrines vides s'alignent dans le cœur du bourg, témoin de cette époque révolue. C'est dans ce contexte que le dispositif territoire zéro chômeur tente d'apporter des réponses à cette morosité.
"Le besoin est lié au fait que Prémery est un territoire sinistré", explique Marie-Laure Brunet, cheffe de projet de territoire zéro chômeur. "Le taux de chômage était de 20% avec peu d'entreprises locales qui embauchent. Il y avait plein de personnes en recherche d'emplois et plein de choses qui ne se faisaient pas à cause d'un tissu économique maigre."
Un reportage de Rémy Chidaine, Jean-Christophe Leduc, Solène Gripon, Tania Gomes, Bérénice Rouch, Gilles Parnalland, Philippe Sabatier.
Épisode 1
Depuis 2 ans, Bernard Gugerell est salarié dans l'atelier de motoculture de Prémery (Nièvre).
À 61 ans, après une carrière militaire, il connait une longue période de chômage et de petits boulots. Jugé trop vieux, sans grande expérience en dehors de l'armée, il est dédaigné par les employeurs.
Dès les premiers mois, l'expérience territoire zéro chômeur de longue durée a ouvert des perspectives à Bernard Gugerell. Cette opportunité a profondément changé son quotidien.
"Ça a tout changé (...) on sait qu'on a besoin de vous. Je ne suis pas encore bon à jeter", remarque-t-il dans un sourire.
La motoculture est une des branches de l'EBE 58. Créée en 2017, l'entreprise à but d'emploi tente de créer du travail, en partie financé par les aides dédiées aux chômeurs, afin de redonner du travail à Prémery. L'EBE compte aujourd'hui 92 salariés.
Tous anciens chômeurs, ils sont aujourd'hui titulaires d'un CDI.
Épisode 2
La recyclerie de Prémery a été créée grâce au dispositif territoire zéro chômeur de longue durée. Tous les employés font partie du projet. Menuiserie, mécanique, décoration... les activités sont multiples et l'entreprise s'adapte aux compétences de ses salariés.
Dans cet ancien hangar industriel, toutes sortes d'objets s'amoncellent : livres, meubles et accessoires attendent une seconde vie.
Marie Pelegrin est salariée à la recyclerie depuis un an. Après sept années sans emploi, elle renoue avec une activité qui la passionne. "Je n'aurais jamais cru que je travaillerai dans le milieu du livre. Participer au fait que les ouvrages aient une deuxième vie, pour moi c'est génial", déclare-t-elle.
Après une longue période de chômage, il n'est cependant pas toujours facile de recréer des liens. Jean-François Perrier, référent recyclerie au comité directeur détaille :
On a 90 personnes à gérer avec des personnalités très différentes. Certains ont rencontré des embûches dans la vie, ne serat-ce que le chômage longue durée, c'est pas facile à vivre. Remettre les gens dans le milieu du travail et dans une vie sociale avec d'autres personnes qui ont aussi eu des problèmes, ce n'est pas toujours facile.
Épisode 3
Laissé un temps en friche, ce terrain de maraîchage à Prémery sort de l'oubli. Il vient d'être mis à disposition de l'entreprise à but d'emploi (EBE) 58.
Martial Brayet est salarié au maraîchage depuis deux ans. Ancien magasinier, il a connu huit années de chômage avant de se découvrir une passion pour le maraîchage.
"Travailler dehors, c'est mieux que de travailler dans un supermarché", estime-t-il.
Sur le terrain principal, les salariés cultivent des légumes. Ces derniers sont ensuite vendus dans le village en saison. Après une longue période de chômage, les nouveaux employés doivent reprendre le rythme d'une activité exigeante. Mais tous sont volontaires pour relever le défi.
Épisode 4
Sébastien Libbrecht s'apprête à ouvrir son épicerie mobile. Il rend visite à un éleveur porcin, l'un de ses futurs fournisseurs. Sébastien monte son projet avec l'appui du territoire zéro chômeur de longue durée.
Ancien commerçant en région parisienne, il a laissé derrière lui une période de galère et veut maintenant se construire un avenir dans la Nièvre.
"L'entreprise à but d'emploi, c'est d'abord l'humain, et à travers l'humain, c'est aussi faire en sorte que des filières intelligentes, pour une économie circulaire, soient mises en place sur le territoire", détaille Sébastien Libbrecht.
Son objectif : vendre des produits bio dans les villages depuis son camion. Afin de dynamiser le territoire, il travaille avec des producteurs locaux ; notamment Samuel Delobbe, un éleveur porcin.
Néanmoins, l'entreprise à but d'emploi n'est pas une société prévue pour y faire carrière. À Prémery, l'expérimentation territoire zéro chômeur est prévue pour durer 5 ans. Certains salariés espèrent trouver un emploi ailleurs lorsque le dispositif prendra fin.On entend beaucoup dire que la Nièvre est en perte de vitesse mais il y a énormément de petits projets qui se mettent en place et qui donnent envie de faire revivre la Nièvre. Ce n'est pas un territoire mort, il y a vraiment des choses à faire. Et c'est grâce à ces petits projets qui se mettent en place que nous allons pouvoir faire évoluer les choses.
Mais pour tous, le dispositif redonne un espoir : que le chômage de longue durée ne soit plus une fatalité.