Après l'accident de chasse mortel dans le Cantal, samedi 19 février, la question de la formation des jeunes chasseurs se pose. En Franche-Comté, quelle formation leur est dispensée ?
Samedi 19 février, une promeneuse de 25 ans a trouvé la mort près d’Aurillac (Cantal). La victime a été atteinte par une balle tirée lors d’une battue aux sangliers. L’auteur du tir est une adolescente de 17 ans qui a été placée en garde à vue. Une enquête a été ouverte pour « homicide involontaire ». À la suite de cet accident, la question de la formation des jeunes chasseurs revient dans l'actualité. Comment sont-ils formés ? Exemple en Franche-Comté.
J’ai vu des jeunes de 15/16 ans pas assez mûrs, qui ratent 2 ou 3 fois l’examen. Cela permet de les faire repasser en formation. Il vaut mieux qu’ils ne soient pas admis plutôt que de leur permettre de chasser en ayant eu une note minimale et présenter un danger
Mathieu SilvertFormateur au permis de chasse dans le Doubs depuis 2007
Une formation déjà suffisante
Pour Mathieu Silvert, formateur au permis de chasse dans le Doubs depuis 2007, l’encadrement et la formation des jeunes chasseurs sont suffisamment draconiens. « Avant l’âge de 18 ans, il faut une autorisation parentale. La chasse accompagnée, selon le même principe que la conduite accompagnée, se pratique dès l’âge de 15 ans. Le jeune chasseur doit être encadré par un ou quatre tuteurs ou tutrices. L’accompagnement dure un an. L’inscription pour le permis de chasser se fait quant à elle à partir de 16 ans », explique le chasseur de 36 ans.
Les encadrants doivent d’abord avoir reçu « une demi-journée de formation pratique de familiarisation aux armes et à la sécurité ». Autre condition selon Mathieu Silvert, moniteur dans le Doubs, « détenir le permis de chasse depuis au moins 5 ans et ne pas en avoir été privé par décision de justice ». Lors de la formation, le jeune et ses parrains ou marraines doivent être tous présents. « C'est important car les encadrants ont la responsabilité du tir de leur filleul(e) », indique-t-il. La chasse accompagnée peut alors débuter après cette formation.
Formation théorique et pratique au permis
À l’issue de la chasse accompagnée, il est ensuite possible pour le candidat de s’inscrire pour l'examen du permis de chasse. La formation dure « un mois et demi à partir de l'inscription jusqu'à l'examen en lui-même », indique Paul Langlois, président de la fédération départementale des chasseurs de Haute-Saône.
Son homologue dans le Doubs explique que pour son département, six sessions de formation se tiennent chaque année. Elles sont dispensées par des techniciens des fédérations départementales. « Il s’agit d’une formation de 20 heures, qui comprennent au minimum 12 heures de pratique et 8 heures de théorie en salle », d’après Mathieu Silvert.
« La formation théorique traite de la reconnaissance des espèces, la connaissance des armes et des munitions, mais aussi de la réglementation et de l’organisation de la chasse. On y aborde aussi les notions de sécurité, qui sont elles-mêmes traitées aussi lors de la formation pratique », complète Paul Langlois, président de la fédération départementale des chasseurs de Haute-Saône.
Sur le volet pratique, son collègue chasseur dans le Doubs, nous éclaire : « Les binômes s’exercent sur deux parcours simulés. L’un est destiné au petit gibier, et nous les formons sur ce parcours au fusil de chasse. Le deuxième parcours concerne le gros gibier, avec les carabines. Il y a enfin le tir réel qui se fait uniquement au fusil de chasse ».
Le tir se fait sur « des pigeons d’argile de différentes couleurs », explique Mathieu Silvert. « Le code couleur indique s’il faut tirer ou non. Ces pigeons sont placés à différentes hauteurs, pour enseigner qu’il est interdit de tirer à hauteur d’homme. Les binômes doivent aussi prendre en compte la direction de fuite : si une espèce s’enfuit en direction d’habitations ou de personnes, il est interdit de tirer », continue le chasseur.
Les recrues doivent donc se poser trois questions. « Est-ce que l’espèce est chassable ? Est-elle à hauteur suffisante ? Se dirige-t-elle vers des personnes ou vers des biens matériels ? », explique Mathieu Silvert. Pour la saison 2021-2022, son département compte 7.500 chasseurs. Chaque année, il voit passer environ 280 candidats au permis de chasse, dont « la moitié est constituée de jeunes ». Parmi ces jeunes, « 10% sont des femmes », précise-t-il. Côté chasse accompagnée, il y a « entre 50 à 70 chasseurs en fonction des saisons ».
Même constat en Haute-Saône, où évoluent 7.160 chasseurs cette saison. « Sur les 250 à 280 candidats que nous voyons passer chaque année, nous avons entre 120 et 140 jeunes », indique Paul Langlois, président de la fédération départementale des chasseurs dans ce département.
Des garde-fous pour les mineurs
Pour Mathieu Silvert, commencer la chasse à l’âge de 15 ans ne le choque pas. « Cela dépend vraiment du profil que l’on forme. Si la personne a suivi par exemple la chasse accompagnée ou non. J’ai vu des jeunes de 15/16 ans pas assez mûrs, qui ratent 2 ou 3 fois l’examen. C’est mieux pour eux car l’échec est formateur. Cela permet de les faire repasser en formation. Il vaut mieux qu’ils ne soient pas admis plutôt que de leur permettre de chasser en ayant eu une note minimale et présenter un danger », selon le formateur au permis de chasse dans le Doubs.
D’après lui, les inspecteurs surveillent davantage cette catégorie d’âge. « Lorsque les examinateurs constatent qu’une session d’examen comprend des jeunes de 15 ou 16 ans, ils sont plus vigilants », estime le chasseur du Doubs. De son côté, il indique que sa fédération impose aux personnes qui réussissent l’examen, « une formation supplémentaire de 4 heures consacrée à la sécurité, à passer dans les 12 mois suivant la réussite, sous peine de ne pas pouvoir chasser dans le département ».
La France compte 1,2 million de pratiquants de la chasse parmi les 4 millions de personnes qui possèdent un permis. Selon le dernier bilan de l'Office français de la biodiversité (OFB), 80 accidents de chasse ont eu lieu durant la saison 2020-2021, dont sept mortels. Six de ces victimes étaient chasseurs et une était non-chasseur.