Le collectif de défense des cervidés de la forêt de Chaux, dans le Jura, demande la suspension du plan de chasse 2021-2022 qu'il juge disproportionné. Environ 400 animaux devraient être abattus.
Le cerf serait-il devenu l’ennemi numéro 1 des agents de l’office national des forêts (ONF) ? La réponse est oui, selon le collectif de défense des cervidés en forêt de Chaux.
Les membres de ce collectif ont lancé une pétition en ligne, qui dépasse les 40 000 signatures en ce début novembre. Ils veulent obtenir la suspension du plan de chasse.
Selon eux, il y a une volonté de l’ONF d’éliminer les cerfs de la deuxième plus grande forêt domaniale de France.
Le cerf est considéré comme nuisible à l’optimisation de la filière bois car il induit des surcoûts
Olivier Trible, membre du collectif de défense des cervidés en forêt de Chaux
Les cerfs consomment les feuilles des jeunes arbres, ce qui ralentit la croissance et empêche le développement de troncs bien rectilignes, recherchés par les industriels et les scieries. Les animaux, par le frottement de leurs bois, endommagent aussi l’écorce des arbres, au risque de les faire mourir.
"En recherche de rentabilité et de profits, la forêt s’industrialise et devient une usine à bois", explique Olivier Trible, photographe animalier et membre du collectif. Au nom de l'intérêt économique, les plans de chasse seraient donc disproportionnés et provoqueraient la disparitions progressive des cerfs.
Olivier Trible en veut pour preuve la raréfaction du brame, ce cri puissant des cerfs mâles pendant la période de rut. Il affirme : "le brame 2021 en forêt de Chaux est alarmant. Moins de cerfs et surtout moins de biches. Le constat n’est pas quantifiable mais il est unanime pour les utilisateurs de cette forêt. Pourtant les plans de chasse augmentent et mettent une pression disproportionnée sur les génitrices."
"Un plan de chasse justifié" selon les chasseurs
Pour le président de la fédération des chasseurs du Jura, Christian Lagalice, le plan de chasse en forêt de Chaux est justifié : " En 2005, il y avait 98 cervidés à prélever dans l’ensemble du Jura, dont 81 en forêt de Chaux ce qui représentait 82 % des prélèvements. En 2021, nous sommes à 923 cerfs dont 372 à Chaux, soit 40 %. Il était de 361 cervidés l’an passé, soit une augmentation de 3%, ce qui est tout à fait raisonnable."
Les plans de chasse sont élaborés à partir des comptages de nuit effectués par les chasseurs et les forestiers. Ces comptages permettent de mesurer l’évolution d’une population d'animaux. Or, selon Christian Lagalice, aucune baisse de la population de cervidés n'a été constatée.
"On n'arrive pas à régénérer la forêt !"
Selon les forestiers, le réchauffement climatique touche de plein fouet la forêt de Chaux. La croissance des arbres est ralentie, certaines espèces semblent menacées.
"Les difficultés des forestiers sont réelles", explique Florent Dubosclard, le directeur de l'ONF du Jura, "on n’arrive pas à régénérer la forêt, à la faire pousser comme on devrait le faire."
Au réchauffement climatique s’ajouterait donc une surpopulation de cerfs, qui endommagent les plantations.
Dans la forêt, Florent Dubosclard nous montre une parcelle entourée d’une clôture. A l’intérieur de la parcelle, les arbres ont bien poussé. A l’extérieur, les jeunes pousses, qui ont le même âge, dépassent à peine du sol. Elles ont été rongées par les cerfs.
En forêt de Chaux, 600 hectares sont ainsi protégés par 90 kilomètres de clôture. Une solution efficace, mais très onéreuse. "Il n’est pas question d’éliminer les cerfs de la forêt de Chaux", précise Florent Dubosclard, "mais de permettre une bonne cohabitation de l’espèce avec la forêt. Pour atteindre cet équilibre, il faut prélever des génitrices, des biches, parce que la surpopulation de cerfs nous empêche de rajeunir notre forêt."
Les cerfs ont été réintroduits en forêt de Chaux il y a 70 ans. Depuis une dizaine d'années, ils sont au centre de querelles incessantes entre forestiers, chasseurs, et naturalistes.