Le moral dans les chaussettes parfois, le respect des directives et l'envie de jouer tout le temps. De Sochaux à Besançon, de Vesoul à Belfort, les dirigeants de quatre des plus gros clubs de la région nous racontent ces derniers mois et envisagent la suite, entre inquiétude et motivation.
C'est une annonce de la Fédération française de football, qui nous a incité à demander aux premiers concernés ce qu'ils en pensaient.
Le 4 juin dernier, en effet, la FFF annonçait le déploiement d'un plan de soutien de 30 millions d'euros en faveur des clubs amateurs pour amortir les pertes liées au Covid-19, sous la forme notamment d'une aide équivalente à 10 euros par licencié.
"L'aide de 10 € par licencié ? C'est ridicule !", Jean-Paul Simon, président de l'ASM Belfort.
Du côté de Belfort, pour Jean-Paul Simon, le toujours volubile président de l'ASM, c'est l'une des preuves que le football français marche sur la tête depuis l'arrêt le 16 mars dernier:
On fait tout à l'envers. Notre fédération est à l'image de l'Etat, c'est à dire dans une position très protectionniste. Tous les championnats de foot reprennent à l'étranger en ce mois de juin. Nous sommes les seuls à avoir clôturé la saison il y a déjà deux mois! Et l'aide des 10€ par licencié ? C'est ridicule. Et cela pourrait signer la mort de beaucoup de petits clubs !
Et le président belfortain du club 13ème du championnat de National 2 (le 4ème échelon du foot français) d'expliquer que le Covid-19 aura entraîné l'annulation des tournois du printemps, des kermesses ou des opérations lotos. Tous ces événements organisés par les clubs, générant des revenus importants pour le fonctionnement des structures.
Vous pensez qu'on va s'en sortir avec les 10€ par licencié distribués par la Fédé ? On a 550 licenciés ! On va donc toucher 5500€...Heureusement qu'on a fait un super parcours en Coupe de France (élimination en 1/4 de finale contre Rennes) sinon le club serait à l'agonie ! On a perdu 30 000 euros avec les annulations de tournois des jeunes ! Je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières, mais ils vont faire comment les petits clubs ? Je crois qu'on n'a pas vu le pire, ça va tomber (sous-entendu pour les clubs les plus fragiles) dans les semaines qui viennent !
"Difficile pour certains de nos partenaires de nous suivre alors qu'ils sont eux-même impactés", Carl Frascaro, président du Besançon Football.
Au Besançon Football, qui évolue en National 3, soit une division en dessous des Belfortains, on s'inquiète également de la pérennité du budget. Qui sera de toute façon revu à la baisse, fatalement.
Les clubs de foot ne suivent pas le même calendrier que les entreprises pour les bilans comptables, préférant au classique grégorien celui de la saison des matches. À Besançon, 3ème au classement au moment de l'arrêt des compétitions, comme dans tous les clubs, on va donc clôturer l'exercice 2020 au 30 juin prochain. Le club sera juste à l'équilibre.
Mais il faut déjà revoir à la baisse le budget de la saison prochaine (environ 370 000€ au lieu de 440 000 € cette année), car certains partenaires n'ont pas encore payé la somme dévolue au club et vont avoir du mal à le faire. Ce sont surtout les PME, les bars ou restaurants, ceux qui ont été les plus impactés. Le président du club le comprend:
Je suis moi-même chef d'entreprise et on se sort difficilement de deux mois d'inactivité. Alors c'est compliqué de prévoir, en plus, un budget pour aider un club de sport. On le comprend bien.
Les grosses entreprises seront toujours présentes, mais est-ce que les petites, qui sont nombreuses, vont suivre ? Vous savez, dans notre club, les partenaires représentent 60% du budget!
"On va essayer d'aider certains petits clubs voisins. On va pouvoir dans la saison prêter un ou deux joueurs et prendre en charge leur salaire", Emmanuel Desplats, Directeur Général Exécutif Adjoint du FC Sochaux-Montbéliard.
Au FC Sochaux-Montbéliard, 14ème de Ligue 2, on a les mêmes soucis, mais en format XL, logiquement. Quand la France s'est arrêtée, le 16 mars, Emmanuel Desplats, le DG du FCSM, a mis près de 150 salariés au chômage partiel (personnel administratif, joueurs et techniciens des Pros et du Centre de Formation).
Le club a été assez actif sur le marché des transferts avec cinq recrues (par ordre d'arrivée : Bryan Soumaré, Florentin Pogba, Joseph Lopy, Abdallah Ndour et Steve Ambri). Mais comme tout le monde, le club phare de la région a perdu des plumes ou plutôt des poils de sa crinière de lion.
En comptant la billeterie, le sponsoring et le merchandising, c'est un manque à gagner de près de 600 000 euros pour le club. Heureusement que nos finances étaient saines et que nous avons réalisé des transferts la saison dernière. Alors oui, on va être à l'équilibre. mais on s'inquiète quand même du futur.
Si les règles sanitaires sont maintenues jusqu'en septembre, nous allons devoir jouer des matches de championnat à huis-clos. Cela sera à chaque fois 1/19ème de nos recettes billetterie en moins (le club joue 19 rencontres de Ligue 2 au Stade Bonal). Et le public va-t-il revenir au stade ? Tout dépendra de l'évolution de l'épidémie
Mais si le FC Sochaux a des soucis, il ne tire pas à boulets (de canon) sur la FFF, à la différence de son voisin de Belfort, Jean-Paul Simon. Emmanuel Desplats se veut compréhensif:
"La fédération aura, elle-aussi, été impactée. Des matches amicaux de l'Equipe de France ont été annulés, rien que cela représente un manque à gagner colossal. Je comprends que les petits clubs trouvent l'aide des 10€ par licencié dérisoire, mais peut-être que la situation fédérale est préoccupante.
En tout cas, on va essayer d'aider nos clubs voisins, on l'a déjà fait, par le prêt d'un joueur dont on prendra le salaire à notre charge. C'est dommage, car traditionnellement, l'été, on organise des matches de préparation face à ces équipes en leur laissant le gain de la billeterie...là, avec les matches à huis-clos.
"Tout le monde a envie de rejouer au foot. De voir des matches. Il va falloir qu'on vive avec ce virus", Clément Pommier, président du FC Vesoul.
À Vesoul, pour tenir le coup, le président du club, Clément Pommier, a du supprimer une équipe, les U16. Cela va faire un poste d'éducateur et des frais de déplacements en moins sur l'année. Le club évolue en Régional 1. Il a 450 licenciés et va donc toucher 4500 € d'aide de la Fédération. Si les joueurs attendent avec impatience le 3 août et la réouverture de leur stade René Ologne pour s'entrainer, les dirigeants essaient de consolider le budget, qui sera compris entre 300 000 et 350 000€.
On contacte actuellement certains partenaires. Pour savoir comment ils vont et s'ils nous suivent pour la saison prochaine. Sur la cinquantaine de petits et gros sponsors du club, il y en a 15% qui ne peuvent pas payer ce qu'ils nous devaient à cause de la crise du Covid-19. On sait bien que c'est dur aussi pour eux.
C'est pour cela qu'on a dit aux petites entreprises de d'abord penser à leur bonne santé actuelle, qu'on oublie les versements de cette fin de saison mais qu'on comptera toujours sur eux l'année prochaine.
À Vesoul, on se dit à l'abri de la déroute financière. Le club avait même anticipé en arrêtant les entraînements une semaine avant le début du confinement ! Mais Clément Pommier pense qu'il n'y aura pas de deuxième vague en septembre.
Tout le monde a envie de rejouer au foot. D'aller voir des matches. Il va falloir qu'on vive avec ce virus. Et pas qu'avec celui-là, d'ailleurs.
Pour les petits clubs des ligues régionales, la reprise du championnat, c'est le 13 septembre. Cela paraît tellement loin !