Depuis l'invasion de l'armée russe en Ukraine le 24 février, le nombre de réfugiés qui ont fui l'Ukraine a dépassé ce mardi 8 mars les deux millions, selon le Haut-commissariat aux réfugiés. Une fois arrivés en France, comment ces Ukrainiens sont-ils pris en charge ?
La peur et la crainte se lisent sur son visage. Oléna, une « mamie » ukrainienne, qui ne dit jamais son âge, se dirige vers la table de la salle-à-manger. A la main, son portable. Le seul lien qui la rattache à son pays d’origine : l’Ukraine. Chaque jour, elle attend avec impatience des nouvelles de celles et ceux restés là-bas.
« J’ai mon compagnon en Ukraine et mes copines qui me manquent. Je suis très inquiète pour eux et je me demande s’ils resteront en vie » confie cette dame arrivée vendredi 4 mars chez sa fille près de Besançon (Doubs).
Sa fille à ses côtés traduit et renchérit. « Je le vois bien, elle est trop en panique si elle n’arrive pas à les avoir ».
Comment trouver un semblant de vie quand une partie de sa famille vit sous les bombes à plus de 2 000 km de la Franche-Comté ? Comment s’adapter contre sa volonté à une vie, un quotidien qui n’est pas le sien ?
Un besoin d’aide psychologique pour les enfants
A Montbéliard, 22 Ukrainiens ont trouvé refuge ces derniers jours. Parmi eux 10 enfants de 3 à 13 ans. S’ils ont pu trouver un peu le sourire grâce à une sortie piscine, il leur faudra à présent du temps et surtout une aide psychologique.
« Il leur faut un accueil digne c’est-à-dire une prise en charge immédiate de leurs besoins : médicale, psychologique, alimentaire, car il se peut que dans leur périple il y ait eu des carences, en hébergement, en prise en charge sociale » estime Noëlle Ledeur de l’association SolMiRé à Besançon, habituée à prendre en charge des migrants.
Du côté de la société civile, il faut créer des liens avec des Ukrainiens vivant déjà en France. Donc c’est un travail énorme pour les accueillir
Noëlle Ledeur, de l'association SolMiRé
Régler les démarches administratives
Eric Rio habite à Chaux dans le Territoire de Belfort. Il est le président de Maïdan sans Frontières, une association franco-ukrainienne. Ce Terrifortain s’est rendu à la frontière polonaise pour récupérer sa femme.
Celle-ci était partie en Ukraine, faire la connaissance de son premier petit-fils né en janvier, lorsque la Russie a fait sa déclaration de guerre. Le couple a ramené avec lui des familles ukrainiennes, 12 personnes au total. A présent, il œuvre pour que l’administration leur délivre un statut.
« Depuis vendredi des réunions se mettent en place à la Préfecture du Territoire de Belfort pour trouver des solutions viables et faciliter l’intégration de ces personnes. Pour l’instant, ces Ukrainiens ont, pendant une durée de trois mois, le statut de « déplacés » ce qui leur permet par exemple de travailler » explique Eric Rio de l'association Maïdan sans Frontières.
Une protection temporaire des Ukrainiens arrivant en France
En effet, le 3 mars, les ministres européens de l'Intérieur se sont mis d'accord pour accorder une protection temporaire aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine. Il s'agit d'une décision historique car c'est la première fois que les Etats membres décident d'activer la directive de 2001 sur l'accueil des personnes déplacées.
Cette mesure permettra aux réfugiés ukrainiens de séjourner jusqu'à trois ans dans l'Union européenne, d'y travailler, d'accéder au système scolaire et d'y recevoir des soins médicaux. Jusqu'à présent, les détenteurs d'un passeport ukrainien ne pouvaient rester que 90 jours sans visa dans l'Union européenne.
Un guichet à la Préfecture du Doubs dédié aux réfugiés ukrainiens
Retour à Larnod, près de Besançon avec Tétiana et son mari, Denis Michel. Le couple qui a rapatrié une partie de sa famille d’Ukraine se félicite aussi de ce que les services de l’Etat du Doubs mettent en oeuvre ici. A la Préfecture de Besançon, un guichet unique aux réfugiés ukrainiens a été mis en place dès lundi 7 mars.
Ce guichet est composé de trois étapes. La première correspond à la situation administrative de la personne, la deuxième pour faire le point sur les conditions matérielles et financières que cette personne pourra prétendre pendant son séjour en France, la troisième sert à recenser les besoins d’hébergement de la personne »
Aurélie Viennet, cheffe du bureau de l'admission au séjour à la Préfecture du Doubs à Besançon
A la sous-préfecture de Montbéliard, les services de l'Etat ont également installé ce même guichet. Une plateforme "Je m'engage pour l'Ukraine" a également été créée par le gouvernement. Elle permet d'organiser l'accueil des réfugiés en France.
L’aide des associations
Jeudi 10 mars, Denis Michel, de Larnod, a rendez-vous avec le Secours Catholique de Besançon pour « être aiguillé » sur les démarches à entreprendre pour sa belle-famille. «Ils ont l’habitude » lance-t-il et lundi 14 mars, lui et sa femme feront partir un bus en Pologne pour rapatrier une cinquantaine d’Ukrainiens.
Quant à Oléna, elle espère que cette guerre s’arrêtera vite.
J’ai cette chance d’être en famille, mais j’ai trop mal et je veux rentrer chez moi le plus tôt possible.
Oléna, réfugiée ukrainienne
Régulièrement, dans sa main, son portable vibre. Des vidéos envoyées par ses amis. Les bombes rythment les nuits et les jours de Kiev. Elle découvre ces messages qui relatent ce qu’elle ne peut pas voir en «vivant» à 2 000 km de là-bas : l’armée russe qui détruit des maisons et tue des civils.