Après la maladie de Parkinson et les lymphomes non hodgkiniens, le cancer de la prostate est reconnu comme maladie professionnelle chez les agriculteurs, en raison de leur exposition aux pesticides. La décision intervient après des procédures en justice menées par des agriculteurs, en particulier dans le Jura.
Tout commence au début des années 2000, avec le combat judiciaire, et solitaire, d’un agriculteur charentais, Paul François. Il a été victime d’un grave accident lors de la manipulation d’un herbicide de la firme Mosanto.
Après des années de procédures, il obtiendra condamnation de la multinationale. D’autres agriculteurs, en particulier en Meurthe-et-Moselle et dans le Jura, saisiront à leur tour la justice pour faire reconnaître un lien entre leur maladie, un cancer, et l’utilisation de pesticides.
"C’était un parcours du combattant pour se faire reconnaître et toucher une indemnisation", se souvient Antoine Lambert, agriculteur en Normandie et président de l’association Phyto-victimes. Il ajoute: "il y a dix ans en arrière, il n’y avait quasiment rien de reconnu, à part un tableau pour les arsenics dans les vignes".
Une reconnaissance, quels que soient les pesticides utilisés
Dans un communiqué publié ce 22 décembre, les ministères de l’agriculture et de la santé confirment la reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle chez les agriculteurs et les salariés agricoles.
Le communiqué insiste sur le fait que la décision était attendue aux Antilles. En Guadeloupe et en Martinique, les anciens travailleurs agricoles ont été exposés à la chlordécone, un pesticide qui était massivement utilisé dans les bananeraies. Mais ce sont bien tous les agriculteurs qui sont concernés, quels que soient les pesticides employés. Ils pourront faire une demande d’indemnisation auprès de leurs caisses de sécurité sociale.
L'avancée est saluée par Antoine Lambert : "Quand il y a un tableau de maladie professionnelle, vous n’avez plus à prouver l’origine de votre pathologie, le tableau amène la présomption de la maladie liée aux pesticides. Avant, c’était à vous de faire les recherches, de compiler les recherches scientifiques"
Le tabou des pesticides ?
Après la maladie de Parkinson et certains cancers du sang, c’est donc au tour du cancer de la prostate d’être considéré comme maladie professionnelle.
Pourtant, la maladie provoquée par l'utilisation de pesticides reste un sujet tabou. Lourdeur des procédures, sentiment de culpabilité, peur d’être montré du doigt, les raisons sont multiples et complexes :
Demander une indemnisation pour quelque chose qu’on a fait tous les jours, c’est compliqué.
Antoine Lambert, président de l'association phyto-victimes
Antoine Lambert ajoute : "et puis la reconnaissance amène une indemnisation qui n’est pas toujours à la hauteur, et ça ne guérit pas de la maladie !"
La reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle chez les agriculteurs intervient après des années de polémiques. En 2019, une vaste étude scientifique, Agrican (en anglais) avait été publiée. Elle avait été menée pendant 15 ans auprès de 180 000 personnes affiliées à la MSA, la sécurité sociale des agriculteurs.
L'étude indiquait que le risque de cancer n'était pas plus élevé parmi les agriculteurs, sauf pour certains cancers comme celui de la prostate et de la peau.