François Mitterrand s'est éteint le 8 janvier 1996. Durant 35 ans, il a fait de la Bourgogne un bastion électoral. Château-Chinon, Solutré, certaines images ont marqué l'histoire politique. Mais 25 ans après sa mort, vous ne savez peut-être pas tout.
François Mitterrand en Bourgogne, c'est forcément Château-Chinon, son fief où il fut successivement sénateur, député, maire, conseiller général... C'est également la Roche de Solutré, qu'il gravit chaque année de 1946 à 1995, quelques mois avant sa disparition. Mais François Mitterrand en Bourgogne ce sont également d'autres histoires moins connues, plus intimes, qui ont forgé l'homme d'Etat. En voici six.
Cluny, la rencontre avec Danielle Mitterrand
En pleine Seconde Guerre mondiale, François Mitterrand entre en résistance. Au cours de l'année 1943, celui qui se fait appeler " capitaine Morland " est parachuté à Cluny. C'est dans cette commune de Saône-et-Loire qu'il rencontre Danielle Gouze, agent de liaison pour un réseau de résistance. Alors qu'elle n'a que 17 ans, Danielle est déjà très impliquée dans la Résistance, notamment par le biais de son père, Antoine Gouze, un résistant de la première heure. Un an plus tard, Danielle et François se marient puis donnent naissance à deux enfants : Jean-Christophe et Gilbert.
La maison familiale de Cluny, la " Villa Romada ", accueillera certains des plus célèbres résistants à l'instar d'Henri Frenay ou de Berty Albrecht. Aujourd'hui, la rue où se trouve la maison porte d'ailleurs le nom de cette dernière.
Si François Mitterrand fut enterré dans sa commune natale de Jarnac (Charentes), Danielle quant à elle repose à Cluny depuis son décès en 2011.
Ci dessous, la villa Romada, maison de la famille Gouze à Cluny.
Sermages, le clocher de " la force tranquille "
Sermages, ce nom ne vous dit peut-être rien. C'est pourtant dans cette petite commune de près de 200 habitants que fut prise la photo de l'affiche de la campagne présidentielle du candidat Mitterrand, en 1981. Mitterrand pose, le regard vers l'horizon. Derrière le candidat de la gauche, un village, son clocher et les plaines du Morvan.
Chez nos confrères de Slate, Joseph Lambert, conseiller général de Moulins-Engilbert de 1979 à 2008 confiait : «Il disait toujours à son chauffeur: “Roulez doucement pour que je puisse regarder le paysage, c’est pour cela qu’il était toujours en retard aux réunions, d’ailleurs. (...) En revenant sur Château-Chinon, il a vu le clocher de Sermages sur fond de paysage du Morvan et ça lui a plu. Il a repéré le coin.»
Ce n'est qu'après la campagne que les habitants ont su que leur village avait servit la campagne présidentielle. A noter que la photo a été largement retouchée et l'église décapitée de sa flèche. Un choix esthétique, ou symbolique, pas forcément très apprécié dans le village.
La roche de Vergisson et la farce de 1992
Evoquer François Mitterrand en Bourgogne, c'est indéniablement évoquer la Roche de Solutré. En effet, en 1946, c'est son beau-frère Roger Gouze qui lui fait découvrir cette curiosité naturelle. Le lieu plaît à Mitterrand qui décide dès lors d'en faire son pèlerinage annuel. Entre 1946 et 1995, il marchera 49 fois sur ce sentier qu'il aimait tant.
Mais c'est en 1992, alors que tous les journalistes l'attendent à Solutré, comme le veut la coutume, que François Mitterrand surprend son monde. Il décide de gravir la roche voisine de Vergisson accompagné de sa famille et de quelques amis. Parmi eux, Jean-Paul Gollin reporter-photographe Saône-et-Loirien qui suit le Président à chacun de ses déplacements dans le département.
En 2016, il nous racontait : " En haut de Vergisson, il a posé pour moi. Il me montrait Solutré au loin avec son doigt en me disant : « Vous voyez là-bas, tous vos confrères m’attendent. Qu’est-ce qu’ils vont écrire demain ? Il n’est pas monté… il est trop fatigué… il est malade. Non, vous, vous direz il a monté Vergisson. N’est-ce pas monsieur Gollin ? "
Magny-Cours, le caprice d'un Président
Installer un circuit de Formule 1 international à Magny-Cours, une commune de 1500 habitants au fin fond de la Nièvre, il fallait être Nivernais pour y penser. Ou simplement Président la République attaché à sa terre électorale.
En 1986, le Conseil général de la Nièvre rachète le circuit à la famille Bernigaud avec pour projet d'y construire une piste de Formule 1. Trois ans plus tard, le circuit est inauguré. Homologué pour recevoir le Grand Prix de France de Formule 1, il devient l'un des circuits les plus importants au monde. Michael Schumacher, Ayrton Senna, Fernando Alonso... les plus grands pilotes de l'histoire passent par la Nièvre.
L'implication de François Mitterrand à ce projet n'a jamais failli. En 1988, alors en visite sur le chantier du circuit, il déclare : " Je puis dire à mes anciens collègues et à mes amis de ce Conseil général de la Nièvre qu'ils trouveront des concours et de plus en plus de concours, et que moi-même j'entends bien, au cours des années prochaines, apporter tout le soutien désirable pour la réussite du grand circuit international de Magny-Cours. "
Mal desservi, régulièrement déficitaire, le dernier Grand Prix de France de Formule 1 à Magny-Cours s'est couru en 2008.
Vézelay et la décision de 1974
Battu aux élections présidentielles de 1965, le socialiste décide de faire l'impasse sur celles de 1969. La gauche, éclatée façon puzzle par quatre candidatures différentes n'atteint pas le second tour et c'est Georges Pompidou qui est facilement élu Président de la république, le 15 juin 1969. Cinq ans plus tard, en cours de mandat, le Président meurt des suites d'une longue maladie.
Des élections sont organisées dans la précipitation et François Mitterrand décide de proposer sa candidature. Une décision qui aurait été prise sur la " colline éternelle ". " La décision de se présenter aux élections présidentielles de 1974, il l'a prise à Vézelay. Il était sur cette grande terrasse qui domine toute la vallée. Il regarde ce paysage et il pense qu'il peut être élu, nous expliquait l'écrivain et journaliste Jacques Boucaud dans un reportage consacré à la vie bourguignone de François Mitterrand. " Il dit qu'il n'y avait pas réfléchi avant de se trouver ici à Vezelay. C'est à ce moment là qu'il se sent transporté. L'influence du site fait qu'il prend la décision de se présenter en 1974 "
Finalement, le socialiste sera battu au second tour par Valéry Giscard-d'Estaing. Il prendra sa revanche sur " VGE " sept ans plus tard, en 1981.
Il revient sur les lieux de la Basilique en 1980, l'occasion d'immortaliser ce momen et surtout de forger son récit personnel.
En 1988, François Mitterrand revient à nouveau à Vezelay, cette fois accompagné du chancelier de la République fédérale d'Allemagne, Elmut Kohl. Il visite à nouveau la basilique. Le reste de la journée se déroule à Saint-Père-sous-Vézelay où les deux chefs d’Etats tiennent une réunion de travail à huis-clos à l'Espérance, le restaurant de Marc Meneau.
Chateau-Chinon, la greffe morvandelle
Originaire de Jarnac dans les Charentes, rien ne prédestinait François Mitterrand à une telle accroche avec le Morvan. Dès 1946, il choisit pourtant la Nièvre pour ses premières élections. Au départ simple " parachuté ", il est élu député, puis successivement sénateur, conseiller général, président du Conseil général et maire de Chateau-Chinon jusqu'en 1981.
Le soir du 21 mai 1981, c'est depuis Chateau-Chinon qu'il apprend sa victoire aux élections présidentielles. Les images le montrant sur la terrasse du Vieux-Morvan, l'hôtel où il avait ses habitudes, font le tour de la France.
Même élu aux plus hautes fonctions, Mitterrand continue d'entretenir la flamme avec Chateau-Chinon. En 1986, le musée du septennat ouvre ses portes dans la commune. Mitterrand y cède de nombreux cadeaux offerts par des chefs d'Etat notamment.