La tradition des bouilleurs de cru est encore bien présente dans certaines communes de France comme à Autoreille en Haute-Saône. Le projet de loi de finances 2024 prévoit une réglementation moins contraignante pour les bouilleurs de cru. Explications.
En ce premier weekend de décembre, l’odeur du marc de raisin s'échappe de l’alambic municipal. À Autoreille en Haute-Saône, les bouilleurs de cru distillent la production de l’année. Les habitants viennent toujours en curieux assister à ce temps fort de la vie de la commune.
Une taxe dès le premier litre d’alcool produit. On appelle cela l’accise
Aujourd’hui, les bouilleurs de cru payent des taxes. Si vous êtes un particulier qui fait distiller ses fruits, il vous en coûte actuellement 9,1721 € par litre d’alcool pur pour les 10 premiers litres distillés. Au-delà, la taxe dite "accise” passe à plus de 18 euros le litre.
Le projet de loi de finances 2024 prévoit de supprimer la taxation sur les 50 premiers litres d’alcool produits lors d’une distillation. Le paiement ne se ferait plus aux services des douanes, mais aux services des impôts.
Rien n’est fait, attention !
Michèle Gehant préside le syndicat des bouilleurs de cru en Bourgogne-Franche-Comté. 6000 particuliers y adhèrent. Elle suit le dossier de près. Ce “cadeau” pour les bouilleurs de cru, elle n’y croit pas encore tout à fait. “Le projet n’est pas voté, on n’est pas à l’abri d’un amendement d’un sénateur” confie-t-elle à France 3 Bourgogne-Franche-Comté. Selon elle, ce changement de barème aurait l’avantage de simplifier le travail des services des finances, car les taxes des bouilleurs de cru sont de multiples petites sommes à gérer.
Les bouilleurs de cru attendent de le voir pour le croire. "On s'interroge beaucoup parce que d'un côté, on nous dit qu'on enlève les taxes. De l'autre côté, on entend en même temps la publicité à la télé qui nous dit qu'il faut limiter la consommation d'alcool. Et là, dernièrement, nos sénateurs préparent un projet de loi pour taxer les alcools" estime quant à lui Philippe Girard, président des bouilleurs de cru de Haute-Saône au micro de notre journaliste Aline Bilinski.
Préserver un savoir-faire ancestral
Si l'exonération de taxes est effectivement relevée à 50 litres d’alcool pur, ce serait une bonne nouvelle financière et patrimoniale, selon l’association de Bourgogne-Franche-Comté. “Cela pourrait ramener des personnes vers la distillation au lieu de jeter des fruits. Pour les distillateurs ambulants, cela pourrait leur permettre de récupérer des clients. Pour nous, les bouilleurs de cru, c’est une tradition que l’on défend, on aimerait bien que cela continue” ajoute Michèle Gehant.
Bouilleur de cru, qui peut distiller ?
Pour être considéré comme bouilleur de cru, il faut distiller des fruits de sa propre récolte et donc être propriétaires, fermiers, métayers ou vignerons et faire distiller vins, cidres ou poirés, marcs, lies, cerises, prunes et prunelles provenant exclusivement de leur récolte comme l'explique le site Legifrance.
Les distillations opérées par les bouilleurs de cru ou pour leur compte doivent avoir lieu en atelier public, dans les locaux des associations coopératives ou, aux conditions fixées par l'administration, chez les bouilleurs de profession. Les distillations à domicile sont interdites. La revente est interdite, la distillation doit se faire pour le particulier dans le cadre d'une consommation personnelle, ou sous forme de cadeaux.
La fin du privilège ?
En 1950, un “privilège des bouilleurs de cru” a été octroyé. Les personnes qui ont toujours ce privilège sont actuellement exonérées de taxes sur les 10 premiers litres d’alcool pur. Avec le vieillissement de la population, ces bouilleurs de cru au statut privilégié et transmissible sont de moins en moins nombreux.