Changement climatique : "Il faut partager l’eau" avertit l’agence de l’eau RMC

L’assèchement des sols, la détérioration de la qualité des eaux et le risque de perte de biodiversité en Bourgogne-Franche-Comté préoccupent l’Agence de l’eau RMC. Un nouveau plan de bassin vient d’être adopté ce 8 décembre 2023 à l’unanimité pour s’adapter au changement climatique.

La carte est sans équivoque. Plus c’est foncé, plus les territoires sont vulnérables à l’assèchement des sols. Et, cette représentation a de quoi surprendre.

On aurait pu penser que le nord du bassin allait être plus préservé que le sud.

François Rollin, directeur de la délégation de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse à Besançon

 Ce n’est plus seulement la Corse ou le Midi de la France qui sont touchés par des sols trop secs, le bassin de l’Ognon, de la Lanterne, du Breuchin, l’aval du Doubs, la basse vallée de la Loue sont en rouge foncé. Cela veut dire que leur vulnérabilité est élevée en ce qui concerne l’assèchement des sols. "Ce sont surtout des plaines plutôt agricoles même s'il y a aussi des zones forestières" souligne François Rollin.

L’agriculture en première ligne

Les étés trop secs, les automnes trop pluvieux, le choc du changement climatique touche en premier lieu l’agriculture. François Lavrut, le constate tous les jours. Il est agriculteur dans le Jura et représente la chambre d’agriculture de la Bourgogne-Franche-Comté au comité de bassin Rhône-Méditerranée. "À Dole, il est tombé 400 millimètres d’eau depuis le 20 octobre, c’est l’équivalent de 40% des précipitations de l’année" constate François Lavrut. Et, en été, les fortes chaleurs assèchent trop les terres. Les sols ne parviennent pas à conserver les rares pluies d’été.

D’où l’appel à la sobriété et aux changements de pratiques lancé à tous les Français par le Président de la république à travers les 53 mesures du plan eau. L’agriculture est le secteur qui consomme le plus d’eau (non rejeté dans le milieu naturel) et c’est aussi là où "plus de 60% des économies d’eau ont été réalisées ces dernières années" remarque l’Agence de l’eau.

De Belfort à Toulon

"La question n’est plus aujourd’hui de savoir s’il faut agir mais où agir et quelles priorités se donner" indique l’Agence de l’eau. D'où l'importance de ce document stratégique qui fixe "les 30 défis à relever d’ici 2030".

Certaines des mesures de ce second plan de bassin (2024-2030) de l’Agence de l’eau RMC sont justement la déclinaison du plan national présenté en avril 2023. Elles ont été adoptées à l’unanimité à Avignon ce vendredi 8 décembre 2023. 

C’est un travail de longue haleine. Cela fait deux ans qu’on y travaille. On est plutôt dans un état d’esprit où on se parle tous ensemble, on recherche le consensus par la concertation.

François Lavrut, représentant de la chambre d'agriculture BFC au comité de bassin

166 représentants des collectivités, de l’Etat, des associations de défense de l’environnement, des consommateurs et des secteurs d’activité ont tous voté ce plan de bassin du Rhône et de la Méditerranée qui couvre un vaste secteur de Belfort à Toulon.

L’Agence de l’eau va financer des actions pour accompagner cette adaptation au changement climatique. En 2024, l’Agence a prévu une enveloppe supplémentaire de 65 millions d’euros d’interventions par rapport à son enveloppe de l’année précédente (470 millions d’euros).

Sobriété, économie et innovation

À quoi vont servir ces 65 millions d’euros en 2024 dans ce vaste bassin RMC ? Le détail est donné par Nicolas Chantepy, directeur général par intérim de l’Agence de l’eau RMC.

#35 millions d’euros sont prévus pour aider à réparer les fuites d’eau dans le réseau d’eau potable en priorité dans les communes dont les rendements sont inférieurs à 50% et qui ont connu des tensions en approvisionnement en eau en 2022.

#25 millions d’euros financeront des actions allant vers une plus grande sobriété. Industriels, collectivités, sociétés de services et agriculteurs pourront en bénéficier.

#5 millions d’euros sont réservés à la préservation des zones humides. Il s’agit de mesures agro-environnementales climatiques destinées aux agriculteurs qui privilégient l’élevage extensif.

Partager l’eau

L’argent est là, encore faut-il des projets. 

Je pense que ce n’est pas uniquement une question de moyens financiers. C’est aussi une question d’ambition collective et de volonté politique.

François Rollin, directeur de la délégation de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse à Besançon

"C’est l’agriculture qui va avoir le plus de difficulté" avertit François Lavrut, de la chambre régionale d’agriculture. "Il faut arriver à maintenir la production et à s’adapter au changement climatique" poursuit l’agriculteur. 

Dans les années à venir, il y aura moins d’eau disponible. 

Des démarches de partage de l’eau vont devoir être engagées sur l’aval du Doubs, sur la Côte d’Or.

Hélène Michaux, Directrice du Département du Programme et des Interventions à l’agence de l’eau RMC

L'agroécologie au service de l'eau

Comment vont se mettre en place ces aides de l’agence de l’eau RMC. "On privilégie toujours la sobriété" explique François Rollin. "Nous réfléchissons à toutes les actions qui peuvent favoriser le développement de l’agroécologie" précise le directeur de la délégation de l’agence de l’eau RMC à Besançon. Haies, absence de sols nus, agroforesterie…"Il faut que l’on ait des sols qui absorbent l’eau et qui la retiennent la plus longtemps possible. Des sols riches en matières organiques" détaille François Rollin.

L’agence va-t-elle financer des retenues d’eau en Bourgogne-Franche-Comté ? "Il n’y a pas de tabou à parler de stockage" répond François Rollin en évoquant par exemple la nécessité pour le maraîchage d’avoir de l’eau.

La priorité est la sobriété, rappelle-t-il. Diminuer ses besoins en eau, cela apporte de la résilience et cela diminue la vulnérabilité.

François Rollin, directeur de la délégation de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse à Besançon.

Redoubler d’effort pour les rivières et la biodiversité

L’autre enjeu important pour la Bourgogne Franche-Comté est d’améliorer la qualité des eaux des cours d’eau. Là aussi, la carte de l’agence de l’eau RMC est explicite. On le voit, les zones dont "la vulnérabilité aux pollutions" est élevée sont importantes dans le nord du bassin RMC.

"L’augmentation des températures de l’air entraîne aussi une détérioration de la qualité des eaux" rappelle Hélène Michaux, directrice du Département du Programme et des Interventions à l’agence de l’eau RMC.

Le programme Nutri-Karst, financé par la Chambre d’agriculture 25-90 et le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) et également à 50 % par l'agence de l'eau RMC, vient de mettre en évidence l’influence du réchauffement climatique. Toutes les problématiques de pollutions des rivières sont aggravées par le changement climatique. "Les efforts doivent être amplifiés" affirme François Rollin.

Conséquence directe de la dégradation des cours d’eau, la perte de la biodiversité. "Préserver et réserver des écosystèmes sains et fonctionnels" sont une des priorités du plan de bassin.

La redevance, nerf de l’adaptation

La restauration de ces milieux naturels, de la biodiversité est essentielle pour parvenir à s’adapter au changement climatique. Cela fait partie du "panier de solutions" préconisé par l’agence dans son nouveau plan de bassin. Un panier qu’il va falloir financer au-delà de cette première année d’actions. Les discussions du 12ᵉ programme de l’agence de l’eau RMC sont en cours. Avec une incertitude.

Juste quelques jours avant la signature du plan de bassin de l’agence de l’eau RMC, la Première ministre Elisabeth Borne a concédé à la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, l’abandon de la hausse de la redevance pour pollution diffuse et d’une autre forme d’augmentation de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau pour l’irrigation. Des redevances qui financent en partie les budgets des agences de l’eau.

Interrogé lors de la conférence de presse de ce vendredi 8 décembre, Nicolas Chantepy, directeur général par intérim de l’Agence de l’eau RMC admet que "la question du financement se pose effectivement" tout en rappelant que la profession agricole a précisé qu’il s’agissait d’ "un report d’augmentation". Mais, le directeur de l’agence a été très clair pour les budgets de l’agence des prochaines années. 

S’il s’avère que l’on n’arrive pas à lever suffisamment de recettes, cela voudra dire que l’on baisse un peu l’ambition que l’on a au niveau des aides.

Nicolas Chantepy, Directeur général par intérim de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

La Cour des comptes avait pourtant préconisé dans un rapport en juillet 2023 "une tarification progressive partout où c’est possible" pour "inciter les gros consommateurs à modifier leur comportement". Selon la Cour des comptes, "la redevance sur les prélèvements d’eau devrait encourager les économies d’eau". Pour la loi de finances 2024, ce n’est pas le chemin pris par le gouvernement, comme s'il n’y avait pas d’urgence climatique. Un paradoxe supplémentaire dans ce dossier complexe de la préservation de la ressource en eau.

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