En Haute-Saône, les derniers pêcheurs aux instruments mesurent l’appauvrissement de la rivière

Depuis une vingtaine d’années, le silure a envahi les rivières de Bourgogne-Franche-Comté. A Soing, en Haute-Saône, les pêcheurs constatent que ce développement s’est fait au détriment des autres espèces.

C’est un étonnant "double rendez-vous" qui a été donné ce jour-là à l’équipe de l’émission En terre Animale. Avec une première séquence de tournage le soir, puis une seconde le lendemain matin, au lever du jour, "pour ne pas tricher avec la réalité du terrain". 

Une réalité qui nous mène en bord de Saône, dans le petit village de Soing en Haute-Saône. L’équipe y retrouve Jacky et Marcel Chevalier, deux des derniers pêcheurs "aux instruments" de la région. Les instruments se sont, au choix : des cordeaux avec des hameçons, des nasses, ou des filets. En réalité, seuls ces derniers sont utilisés. Des filets de taille réduite, avec de grosses mailles pour ne pas capturer les petits poissons.

Les pêcheurs aux filets amateurs ne sont guère plus d’une dizaine en Haute-Saône à perpétuer cette tradition et ce savoir-faire. Car il faut du matériel, du temps, et surtout parce que les prises ne sont plus au rendez-vous. Par conséquent, leurs motivations ont évolué au cours des années.

"Il y a 15 ans c’était de la pêche pour manger du poisson, aujourd’hui ça a changé. La pêche nous sert surtout à voir quels sont les poissons encore présents dans la rivière, et c’est surtout du silure."

Jacky Chevalier, pêcheur

Une heure avant la tombée de la nuit, l’équipage monte à bord d'une frêle embarcation. Trois filets vont être mis à l’eau dans des endroits supposés être fréquentés par différents types de poissons : brochets, perches, carpes, tanches, chevesnes, brèmes… Un herbier à l’entrée du canal semble particulièrement bien choisi et prometteur. Mais pour en être sûr, il va falloir patienter. Les filets resteront dans l’eau jusqu’au lendemain matin. 

Au lever du jour, l’ambiance est morose. L’orage a grondé toute la nuit et des tonnes d’eau se sont abattues sur la rivière. La barque doit être vidée et les imperméables sont de rigueur. Cap sur le premier filet à relever. Sur une dizaine de mètres de longueur, il n’y a qu’une brême, immédiatement sortie du filet puis remise à l’eau.

L’équipe arrive ensuite dans l’herbier où l’on s’attend à trouver du poisson. Le flotteur fixé à l’extrémité du filet ne bouge pas. Il ne doit pas y avoir beaucoup de poisson pris dans les mailles... Le filet remonte surtout de « la salade » comme on dit dans le jargon local, c’est-à-dire des algues et des feuilles vertes, rappelant celles de la laitue. Puis juste à l’extrémité du filet, un peu de poids se fait sentir. Il y a un poisson ! 

C’est un silure d’une quarantaine de centimètres. Adulte, il peut mesurer jusqu’à deux mètres et c’est un redoutable carnassier. Il s’attaque à toutes les espèces et dévore sans relâche tout ce qui passe à proximité de sa bouche. Dans les frayères, zone de reproduction des poissons, ils font des ravages auprès des alevins. Ce silure ne sera pas remis à l’eau par les pêcheurs qui le considèrent comme une espèce invasive et nuisible. Il finira... en friture ! 

Dernier filet avec une nouvelle brème relâchée et un bilan global éloquent : trois poissons, deux remis à l’eau et un silure. Aucun poisson noble comme le brochet, la perche ou le sandre. Pas non plus de tanche, carpe ou chevesne.

"Lors de chaque pêche nous devons noter les poissons prélevés ou remis à l’eau, et communiquer ces informations à la fédération de pêche. Depuis 10 ans c’est sans appel : le nombre d’espèces a chuté, au profit du silure."

Marcel Chevalier, pêcheur

Un peu plus loin sur la rive, notre équipe aperçoit des pêcheurs à la ligne qui s’agitent. Caméra en main, on se précipite et nous arrivons précisément au moment où un joli brochet d’une soixantaine de centimètres est sorti de l’eau. Les pêcheurs sont contents, car c’est une belle prise, un beau poisson ! 

"Nous sommes souvent à la pêche dans ce secteur qui est magnifique. Il y a des locations de maisons de pêcheurs sympas, et parfois un beau poisson au bout de la ligne. Nous allons vite le remettre à l’eau, avec l’espoir de le voir grossir et de le reprendre plus tard."

Christian, pêcheur à la ligne

Une prise qui redonne un peu d’espoir à la petite troupe réveillée de bon matin. Si le silure est bien présent, les autres carnassiers comme le brochet semblent parvenir à conserver leur place... C’est déjà ça !

Un reportage complet à découvrir dimanche 12 mars à 10h40 dans l’émission En terre animale sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté et dès le samedi 11 mars sur la plateforme France.tv

L'actualité "Nature" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Bourgogne-Franche-Comté
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité