Haute-Saône : "Je n'ai qu’une envie, voir mes vaches partir", Patrice Haeze abandonne la production laitière

De nombreux producteurs de lait arrêtent leur activité : le lait n’est pas assez rémunéré. Des entreprises transformatrices annoncent des hausses des prix d’achat aux agriculteurs. Mais préviennent les consommateurs : les prix vont augmenter !

La mort dans l’âme, Patrice Haeze a pris sa décision. Il part à la retraite et il ne trouve aucun repreneur pour ses 100 vaches laitières. La production laitière sera stoppée.

Ce n’est pas de gaieté de cœur

Patrice Haeze, éleveur GAEC "Tous Vents"

Il raconte :"On a une entreprise qui fait vivre 4 personnes et, du jour au lendemain, elle n’en fait vivre que 2 parce qu’on arrête la production laitière, pourtant le point fort de l’exploitation… Il n’y a aucun repreneur, c’est trop de contraintes. Le lait ne fait plus recette. »

Plus personne ne veut faire 15 heures par jour pour gagner 1400 balles par mois !

Stéphane Gelinotte, éleveur GAEC "Tous Vents"

Son associé dans le GAEC, Stéphane Gelinotte renchérit : « On n’est pas assez rémunéré. Il faudrait qu’on soit payé 450 € la tonne. Je vais faire plus de céréales, peut-être un peu d’engraissement mais j’arrête le lait. » L'an dernier, leur lait était payé 345 € la tonne, aujourd'hui, c'est 400 €. Pas suffisant selon les producteurs laitiers qui voudraient un revenu de 450 €.

Patrice Haeze a fait ses calculs et s’inquiète quand même pour l’avenir de la production laitière : « Nous, on a 100 vaches laitières, ça veut dire 750 000 – 800 000 litres de lait par an en moins. Avec tous ceux qui arrêtent, la filière va en prendre un coup. »

Très ému, dégoûté, cet agriculteur ne cache pas son émotion : « Maintenant, j’ai qu’une envie, voir mes vaches partir. »

Une crise dans toute la filière ?

Charcenne, en Haute-Saône toujours, chez Milleret qui produit des fromages et emploie environ 200 personnes.

Son directeur général, Thierry Martin constate que le phénomène est perceptible en Haute-Saône mais aussi en France, où il est de plus grande ampleur dans l’ouest du pays que dans l’est. Il touche toute l’Europe et le monde.

C’est la guerre en Ukraine qui est, en partie, responsable de la crise du lait. Cette guerre a provoqué la hausse du prix des céréales, céréales qui entrent dans l’alimentation du bétail. Donc, pour ceux qui font les 2 activités, céréales et lait, il est beaucoup plus rentable aujourd’hui de se consacrer uniquement aux céréales et de se débarrasser de ses vaches laitières. C’est la raison pour laquelle, le Gaec de Patrice Haeze et Stéphane Gelinotte, malgré ses équipements modernes et une bonne rentabilité, ne trouve pas preneur.

Milleret collecte son lait dans un rayon de 25 kilomètres autour de l’entreprise. Thierry Martin se veut rassurant malgré la baisse de la production : "Pour le moment, nous avons encore assez de lait. Nous collectons 75 millions de litres de lait par an, cette année, nous avons un déficit de 2 ou 3 millions." 

Il ne faut pas que le phénomène s’accentue

Thierry Martin, directeur général de Milleret

Un gros projet d’extension est à l’étude pour 2025. Il pourrait être reculé de quelques mois, voire quelques années si la crise perdure. Mais le directeur général envisage également d’élargir le périmètre de collecte.

Un avenir plutôt sombre pour tout le monde

Pour le prix du lait payé aux producteurs, il se justifie : « Le prix du lait est lié à nos marchés de vente de fromage. Si le prix du lait augmente, il faut que toute la chaîne augmente, jusqu’au consommateur. Avec la grande distribution, c’est très compliqué… »

Il fait remarquer qu’il a déjà augmenté le prix du lait en juillet et il annonce de nouvelles hausses : « On va pouvoir augmenter le prix du lait de façon significative au 2e semestre pour coller aux besoins des exploitants laitiers. Ce prix est calculé en fonction du prix des charges… »

Mais Thierry Martin ajoute : « Dans tous les cas, pour que les filières continuent d’exister, il faut que les prix de vente au consommateur augmentent. Ce n’est pas possible autrement. »

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