Le lycée Louis Aragon de Héricourt était en deuil, ce lundi 17 décembre. Professeurs, parents et élèves ont enterré deux spécialités qui risquent de disparaître avec la mise en place de la réforme du lycée. Un combat commun aux lycées ruraux de Franche-Comté.
Deux cercueils noirs ont été portés au milieu de la cour sur l'air de "La marche funèbre" de Chopin. Autour, près de 200 personnes ont écouté l'oraison funèbre, déclamée par une enseignante du lycée Louis Aragon.
"Nous sommes réunis aujourd'hui en ce jour funeste, pour rendre hommage à deux spécialités dont notre lycée va se voir privé : la spécialité « Histoire géographie et sciences politiques » et la spécialité « Lettres, humanités et philosophie »", entame cette dernière.
Les lycéens et le personnel enterraient (symboliquement) ces deux spécialités qui sont mises en péril avec la mise en place de la réforme du lycée. "Au-delà de cette disparition tragique, ce que nous pleurons aujourd'hui, c’est la disparition d’une promesse d’égalité des chances pour nos élèves, c’est la disparition d’une vision d’un nouveau baccalauréat attractif et qui eut permis à chacun de trouver sa voie et de s’accomplir, c'est la disparition de l'ouverture culturelle dans notre territoire", énumère encore la professeure.
Rassemblement devant le rectorat
Car c'est bien la question de l'égalité qui est au coeur de la contestation. Ces deux enseignements permettent de préparer les concours de prestigieuses écoles comme l'ENA, d'entrer dans des facultés de droit, d'histoire ou des écoles de communication et de journalisme. "Comment prétendre à de telles études sans avoir été initié à la littérature et à la philosophie ? C’est tout simplement cette perspective que l’on refuse à nos élèves !"
La mobilisation n'est pas propre au lycée d'Héricourt. Plus globalement, l'ensemble des établissements ruraux est touché par la réforme. Le syndicat enseignant Snes-FSU appelle ses adhérents à se rassembler ce mardi à 14h devant le rectorat à Besançon. L'institution y examine aujourd'hui la carte des spécialités et options envisagées dans le contexte de la réforme du baccalauréat et du lycée.
"Les nombreux problèmes matériels et humains qui découlent [des mutualisations des enseignements], surtout lorsqu'elles sont envisagées au niveau d’un département, restent, pour l’heure, minorés, voire ignorés ou niées", indique le syndicat dans un communiqué.
Quatre enseignements en moins à Champagnole
Au lycée Paul-Emile Victor de Champagnole, lycéens et enseignants sont particulièrement mobilisés. Ce lundi, près de 80% des élèves étaient absents et ont participé à une manifestation pour la sauvegarde de quatre spécialités et options, rapporte Le Progrès dans son édition de mardi. Une pétition en ligne a également été lancée pour dénoncer la future carte carte scolaire qui va "réduire lourdement les choix d’orientation des enfants par rapport à la situation actuelle".
La spécialité SVT (sciences et vie de la terre) doit ainsi fermer, "d'où impossibilité de faire un bac véritable scientifique, ce qui concerne 70 à 100 élèves chaque année", rapportent les pétitionnaires. Même sort pour la spécialité SI (sciences de l'ingénieur), qui concerne entre 20 et 30 élèves, et la spécialité Littérature en langue étrangère Allemand. Par ailleurs, l'option EPS ne serait également plus proposée.
Conséquence pour les élèves : ils devront soit rester dans leur lycée de secteur et se limiter à "une offre réduite de spécialités", ou changer d'établissement, sous réserve "qu’il y ait de la place à l’internat". C'est pourquoi les lycées ruraux demandent au rectorat de "reconsidérer cette carte des formations" pour ne pas pénaliser leurs élèves par rapport aux lycées des grandes villes.
"Ayons une pensée émue pour cet établissement et pour l'homme qui lui donne son nom : le résistant Louis Aragon [qui] a non seulement réveillé l'humanité menacée dans les moments les plus sombres de l'histoire de notre pays mais ses oeuvres, qui sont devenues des classiques, témoignent toujours de son engagement auprès des générations d’aujourd’hui, rappelle une enseignante du lycée de Héricourt dans son oraison funèbre. Ci gît désormais, le lycée Aragon, dont la lente agonie a débuté en décembre 2018."