Le lait français sacrifié : "Chez Lactalis, on est juste un numéro", les éleveurs se sentent lâchés et trahis

L’industriel français Lactalis a annoncé brutalement qu’il allait acheter moins de lait aux agriculteurs français dès 2026. Une mesure qui met en émoi les éleveurs laitiers du département de Haute-Saône, qui cherchent déjà d’autres solutions.

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"Lactalis nous a lâchés"

24 heures à peine après l’annonce de la multinationale Lactalis, une centaine d’agriculteurs de Haute-Saône se sont réunis à Vesoul ce vendredi 27 septembre. Dans une salle à l’ambiance feutrée, les éleveurs sont encore sous le choc de la décision de Lactalis. Ils s’estiment lâchés.

On a été complètement stupéfaits de l’annonce de Lactalis. Ils nous disaient qu’on avait un certain volume, qu’on n’avait pas à avoir peur, et que du lait, il y en aurait toujours à faire sur le secteur, vu les départs en retraite, et qu’on pouvait investir. Ils nous ont laissés comme les autres au final.

Mélanie Aubry, productrice de lait au micro de notre journaliste Sarah Francesconi

450 millions de litres de lait ne seront plus collectés par Lactalis


La multinationale française, qui revendique le titre de premier groupe laitier mondial, a annoncé mercredi soir la réduction "de l'ordre de 450 millions de litres" sur une collecte annuelle "de quelque 5,1 milliards de litres" de lait auprès des éleveurs français, de façon progressive, à partir de fin 2024 et jusqu'en 2030. Cela représente près de 9 % de volumes en moins. Le groupe justifie sa décision par les aléas sur les marchés mondiaux qui se sont écroulés. Actuellement, la moitié des volumes collectés par Lactalis en France partent sur les marchés internationaux. 

Conséquence de la politique de Lactalis : une cinquantaine d’éleveurs laitiers du département de Haute-Saône vont se retrouver avec des vaches et du lait sur les bras s’ils ne trouvent pas de nouveaux débouchés. Le couperet tombera pour eux fin 2025.

Les éleveurs de Haute-Saône n’ont pas décidé de mener d’actions pour l’instant et s’en prendre à des sites Lactalis comme ils ont pu le faire dans le passé pour protester contre le prix du lait. Deux mois de tractation avec l’industriel vont débuter pour les agriculteurs touchés par les réductions de collecte à venir pour négocier les modalités de fin de contrat, et éventuellement des délais.

Trouver d’autres collecteurs pour le lait de Haute-Saône 

Dans ce département rural, la FDSEA et la fédération des producteurs laitiers voulaient par cette réunion rassurer les producteurs après ce coup de tonnerre. Des échanges vont se faire avec les autres collecteurs de lait et coopératives pour voir quels volumes de lait ils pourraient absorber ces prochains mois et années. “On trouvera des solutions pour tous” rassure Michael Muhlematter, président de la Fédération des producteurs de lait de Haute-Saône.

La politique mortifère de Lactalis

De son côté, la Confédération Paysanne de Haute-Saône dénonce la politique mortifère de Lactalis : 
"Encore une fois, l’annonce de Lactalis de réduire sa collecte de lait en France se fait dans une totale opacité. Quid des marges et des valorisations que Lactalis réalise sur les différents segments du marché laitier ? Quid de la poursuite des importations de Lactalis en France ?" se questionne le syndicat. 

Il est certain pour nous que Lactalis agit pour préserver ses profits.

La Confédération paysanne de Haute-Saône

"En tout cas, cette diminution de la collecte sert pour Lactalis à éliminer des producteurs et à faire pression sur celles et ceux qui restent. La peur d’une cessation de collecte empêche les revendications légitimes pour améliorer le revenu des éleveurs laitiers” déplore le syndicat par la voie du porte-parole départemental Marc Allemand.

“Le lait français est certainement un des meilleurs au monde, on veut continuer d’y travailler”

Dans son exploitation de Cubry-lès-Faverney en Haute-Saône, Guillaume Faucogney, administrateur Fédération Nationale des Producteurs Laitiers encaisse tant bien que mal la nouvelle du géant du lait. Un coup de massue selon lui. “C’est un métier que m’ont transmis mon grand-père, mon père, mon oncle. On a investi dans un atelier lait assez performant, on a de gros remboursements. On ne peut pas se permettre aujourd’hui de baisser notre volume de moitié du jour au lendemain” explique-t-il au micro de notre journaliste Stéphanie Bourgeot. Il produit 2 millions de litres de lait par an, 0,9 million partait chez Lactalis, le reste à la société Pâturages Comtois. 

Il compte bien sur une riposte des agriculteurs comtois, pour qu’aucun producteur de lait ne se retrouve sur le bord de la route, sans personnes à qui vendre le lait. Il en veut à Lactalis. 

On a toujours dit que chez Lactalis, on est un numéro, on s’en rend encore plus compte aujourd’hui. Lactalis ne pense pas que derrière, il y a des familles impactées.

Guillaume Faucogney, producteur de lait en Haute-Saône

La souveraineté alimentaire française en prend un coup selon lui, quand un groupe français refuse d’acheter du lait aux agriculteurs. “Aujourd’hui, c’est peut-être aussi à l’État d’intervenir dans ces choses, car 450 millions de litres sur la ferme française, ça ne fait pas rien” tempête le paysan. La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), section spécialisée de la FNSEA, a dénoncé Lactalis un industriel "sans scrupule" et un désengagement "inacceptable".

Un dossier brûlant pour Annie Genevard, nouvelle ministre de l’Agriculture 

Alors que s’ouvre le 1ᵉʳ octobre le sommet de l’élevage en Auvergne, la question du lait ne saurait être éludée. La ministre de l'Agriculture Annie Genevard se dit "déterminée à soutenir les producteurs laitiers français" mais ses premières déclarations sur le choix de Lactalis de collecter moins de lait chez les agriculteurs français restent des plus vagues : « Il est nécessaire que tous, à l’amont et à l’aval, unissent leurs efforts et leur volonté pour défendre notre capital productif alimentaire, dans la filière laitière comme dans les autres. Ce sera ma priorité. J’attends de nos leaders industriels le même engagement et la même ambition pour la production alimentaire française» a fait savoir la ministre de l’Agriculture après que la ministre a reçu le président de la Fédération Nationale des producteurs de lait (FNPL).

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