Le préfet de Haute-Saône a accepté, mercredi 17 mai, la démission de la maire de Vandelans, un village d’un peu plus d’une centaine d’habitants. Lou Bailly-Biichlé avait pris sa décision en 2022, bien avant son agression en mars 2023 par une habitante de la commune.
Lou Bailly-Biichlé a officiellement quitté ses fonctions ce mercredi 17 mai. Accepté par le préfet de Haute-Saône, le départ de la maire de Vandelans porte à 24 le nombre de démissions d'élus dans le département depuis 2020.
C'est son premier adjoint Cédric Grangeot qui assure l'intérim jusqu'aux prochaines élections municipales. La date sera fixée par la préfecture de Haute-Saône. Deux nouveaux conseillers municipaux devront être élus. En début de mandat, une conseillère municipale avait démissionné à la suite de son déménagement.
En Haute-Saône, il y a 539 maires, essentiellement dans des petites communes. Si Lou Bailly-Biichlé a décidé de ne plus siéger au conseil municipal de son village, c’est pour un ensemble de raisons que l’on peut résumer par une grande lassitude. Pour l'ex-élue, exercer le mandat de maire d’un village n’avait plus de sens.
Le travail de maire d’une petite commune se résume à un « monstrueux truc administratif »
Lou Bailly-Biichlé, maire démissionnaire de Vandelans
L’agression à l’arme blanche dont l’élue et son premier adjoint Cédric Grangeot ont été victimes le 8 mars 2023 n’est pas à l’origine de cette volonté de mettre fin à son engagement au service de son village. Cette affaire a déjà été jugée. L’occupante de l’appartement communal qui ne payait pas ses loyers et venait d’avoir l’électricité coupée, avait plaqué le premier adjoint sur un mur en lui plaçant un couteau sous la gorge. Le tribunal a promptement jugé l’affaire : 6 mois avec sursis et 18 mois de probation. Une décision en appel. L'ex-occupante du logement a l'interdiction de revenir sur la commune.
Une démission annoncée dès 2022
Dès l’automne 2022, Lou Bailly-Biichlé avait annoncé aux conseillers municipaux sa volonté de rendre son écharpe tricolore. Une décision présentée publiquement lors de la cérémonie des vœux en janvier 2023. Avec son adjoint, il avait été conclu que la date de fin avril était adaptée en fonction du calendrier administratif.
L'adjoint Cédric Grangeot a décidé d'accepter l'intérim jusqu'aux prochaines élections. "Si je pars maintenant, explique-t-il, je laisse le village dans la panade administrative".
Car c’est bien une mission particulièrement administrative qui attend celui qui veut s’engager pour sa commune. C’est l’une des raisons invoquées par Lou Bailly-Biichlé. Une secrétaire de mairie vient travailler quatre heures par semaine, le reste des tâches revient au maire. "Techniquement, le maire ne peut pas déléguer son travail," souligne l'ex-première édile par téléphone.
Lou Bailly-Biichlé a un métier, elle est écrivain public. Rédiger n’est pas un problème pour elle, l’ancienne élue estime que les logiciels pour les mairies ne sont pas bien élaborés et cela engendre une grande perte de temps.
Autre raison invoquée, la relation avec les élus au sein de son conseil et celle avec la communauté de communes. Après six ans en tant que conseiller municipal, Lou Bailly-Biichlé est devenue maire parce que l'élue sortante ne se représentait pas."Avec Cédric Grangeot, on était les deux seuls à avoir du temps," explique-t-elle. L’enthousiasme des débuts laisse assez rapidement la place aux désillusions.
Je me suis sentie méprisée par des conseillers municipaux et j’ai été déçue du manque de conscience écologique et sociale des élus de la communauté de communes
Lou Bailly-Biichlé, maire démissionnaire de Vandelans
Les réunions houleuses des conseils municipaux lui "coupent son élan". Les relations avec les habitants du village ont également contribué à la décision de la maire démissionnaire, elle invoque leur "absence d’implication".
Dans un communiqué publié le 18 mai, Dominique Voynet, secrétaire régionale d'EELV Franche-Comté, dénonce l'agression subie par les élus de Vandelans et rappellent que "si les maires restent les élus préférés des Français, qui apprécient leur disponibilité et leur connaissance concrète des conditions de vie des administrés, ils sont de plus en plus souvent insultés, menacés et parfois même agressés physiquement".
L'adjoint au maire n'a pas été contacté par EELV avant la publication de ce communiqué. "Malgré la fibre écologique qui m'anime, j'estime que ce communiqué est de la récupération politique" réagit-il au téléphone.
Malgré l'agression dont il a été victime, Cédric Grangeot veut continuer de s'engager pour sa commune, mais après les élections partielles, il souhaite rester seulement conseiller municipal. Il ne se représentera pas au poste d'adjoint pour "des raisons personnelles". L'élu vient de créer son entreprise et il a besoin de temps pour développer son activité.
De nombreuses raisons personnelles
Après onze ans passés à la campagne, Lou Bailly-Biichlé revient en ville. Elle a vendu sa maison et elle a déménagé à Besançon, soit à une cinquantaine de kilomètres du village. Difficile aussi dans ces conditions d’exercer son mandat.
Selon une enquête de l’AMF 70, l’Association des Maires de France de Haute-Saône, sur les 24 démissions de maires enregistrées dans le département depuis 2020, 43.5% le sont pour des "raisons personnelles", 30.4% pour des "dissensions au sein de l’équipe municipale", 13% pour des "raisons de santé", 8.7% pour "raisons professionnelles" et 4.3% pour "éviter un cumul de mandats".
Les "raisons personnelles" arrivent en tête des raisons des démissions. "Il s’agit en fait d’une grande lassitude face à toutes ces obligations, ces tâches chronophages, exigeantes et ingrates," confie Alain Chrétien (Agir), maire de Vesoul et vice-président de l’AMF.
C’est tout ce qu’a vécu Lou Bailly-Biichlé. La violence vécue par les maires des petites communes n’est pas forcément physique. Les tensions qu’ils vivent au quotidien peuvent être aussi vécues comme une sorte de violence qui ne dit pas son nom.