Des agriculteurs veulent favoriser la biodiversité et gagner en autonomie sur leurs fermes. Huit exploitants de Haute-Saône ont adopté dans leurs prairies une technique plus douce de récoltes des graines. On vous explique comment.
Regarnir les prairies pour développer la biodiversité. C’est l’objectif que se sont fixés huit agriculteurs de Haute-Saône adhérant au GIEE, un Groupement d'intérêt économique et Environnemental qui se nomme "association Prairies, semences, biodiversité, patrimoine". Cette association prône une technique plus douce de récolte des graines : le brossage. Bien implantée dans l’ouest de la France, cette technique commence tout juste à se lancer en Franche-Comté avec cette association.
La biodiversité a tendance à disparaitre et aujourd’hui, le rôle d’un agriculteur, c’est déjà de produire de la nature, mais d’entretenir le territoire. Quand on entretient le territoire, on se doit d’entretenir la biodiversité.
Gérome Broutchoux, président de l'association Prairies, semences, biodiversité, patrimoine
On appelle cet outil une brosseuse. Pour la conduire dans les prés, c’est plus maniable qu’une moissonneuse batteuse. Une seule partie des graines et des espèces est récoltée par la brosseuse, garantissant ainsi le renouvellement du stock semencier. La prairie joue un rôle essentiel pour les agriculteurs. “Si on est éleveur, elle sert de fourrage, si on est arboriculteur, le fait d’avoir des prairies, ça favorise les pollinisateurs”, assure Gérome Broutchoux agriculteur et président du GIEE.
Les prairies permanentes : des prairies riches en biodiversité
La brosseuse ne brosse pas n’importe quelle prairie : les agriculteurs l’utilisent dans des prairies permanentes. Ce sont des prairies qui "de mémoire d'hommes n'ont jamais été en culture", explique Gérome. Il faut qu'elles n'aient pas été cultivées pendant une quinzaine d'années. Ces prairies offrent une flore diversifiée : "On trouve jusqu'à 70 espèces différentes de plantes". Tous les adhérents de l'association en possèdent sur leurs exploitations.
C'est sur ces prairies permanentes que la brosseuse récolte les graines. Mais selon les activités des agriculteurs, leur objectif varie : "Pour le producteur de pomme, ce sera pour favoriser les pollinisateurs et pour l'éleveur, on va récolter la semence pour la réimplanter sur l'exploitation".
Les prairies permanentes fixent aussi le carbone. "Le fait qu'elles ne soient pas labourées fait que le carbone qui est stocké dans la terre reste dans la terre". Sur les 250 hectares d'exploitation que possède l'exploitant, on compte 120 hectares de prairies permanentes.
Circuit court et autonomie des agriculteurs
Cette technique permet aux agriculteurs de retrouver un circuit court et aussi de l’autonomie. “Ils ont des prairies magnifiques et on ne les valorise pas aujourd’hui. Ils sont obligés d’acheter des graines sur les marchés européens”, explique Patrick Thouvenin, éleveur dans le Jura et propriétaire de la machine. Lorsque les agriculteurs achètent des graines, celles-ci sont mal adaptées parce qu'elles proviennent d'autres territoires. D'autre part, certaines espèces de végétaux présentes dans leurs prairies ne sont pas présentes sur le marché.
Avec le brossage, les agriculteurs récoltent leurs graines et peuvent les revendre ou les réutiliser en interne. “Ça leur fait des revenus complémentaires qui permettent de valoriser leur pratique”, complète l’éleveur jurassien. Après avoir été brossées, les prairies sont ensuite fauchées. "Ça peut servir pour les animaux", souligne Gérome Broutchoux. Même sans les graines, le foin conserve ses qualités nutritives.
Bien sûr, cela nécessite plus de travail. “C’est forcément des heures qu’il nous fait faire, nous agriculteurs”. Mais pour le propriétaire de la machine, le jeu en vaut la chandelle : “On récupère la génétique de chez nous et on contribue énormément à la biodiversité”. De nombreux insectes et oiseaux dépendent de ces prairies. “Tout cet écosystème va être accéléré par cette filière”, précise Patrick Thouvenin.
Toutes les semences légères, on peut les récolter contrairement à une moissonneuse batteuse avec laquelle on récolte une semence plus grossière, donc différente.
Hervé Py, producteur de fourrage et de céréales bio
Les agriculteurs trient les semences avec des grilles. “C’est artisanale parce qu’on ne fait pas des quantités astronomiques pour l’instant”, précise Hervé Py. Trier les graines à la main permet aussi de se réapproprier un savoir. "On réapprend quelles sont les graines", indique Gérome Broutchoux. Après le triage, les agriculteurs réensemencent les graines. Mais pour l’instant, ils tâtonnent encore. “On fait des essais dans un premier temps parce qu’on n'a encore pas trop de retombées”.
Le GIEE a été créé en 2022. Ce groupement a pour particularité d'être une association d'acteurs économiques (les agriculteurs) travaillant avec des milieux non économiques comme l'Office régional de la biodiversité. "Tous les ans, on réunit un comité de pilotage avec des membres actifs, l'administration et des acteurs comme Jura nature France ou le Conservatoire d'espaces naturels et on essaye de bâtir nos actions en fonction de ce qui va être dit en comité", explique le président du GIEE.
Cette technique de réensemencement est aussi expérimentée en Nouvelle Aquitaine et dans les Cévennes. Basé sur les principes de l’agroécologie, le réensemencement pourrait être un atout pour les exploitations agricoles confrontées au réchauffement climatique.