Nicolas Zepeda, accusé de l'assassinat de son ex-petite amie Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon, est jugé devant la cour d'appel de Vesoul (Haute-Saône) du 4 au 22 décembre 2023. Revivez les débats, minute à minute, du cinquième jour de ce procès particulièrement marquant.
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L'audience est suspendue. Elle reprendra lundi matin à 8h avec les dépositions de plusieurs témoins, depuis le Japon. Ironie du calendrier, ce jour-là, le Chilien fêtera ses 33 ans, dans le box des accusés.
13h 24 : Nicolas Zepeda secoue la tête, visiblement pas d'accord avec la démonstration du spécialiste informatique. Son avocat demande qu’il puisse intervenir. "Il y a une façon d'identifier un appareil de façon unique. Du moment que vous n'avez pas trouvé ça, vous ne pouvez pas identifier le téléphone en question...", conclut le Chilien.
13h17 : "Si l'accusation a raison, Nicolas Zepeda transporte le corps et dépose le corps sur un temps où le véhicule est à l'arrêt ? On est sur une période de 30 minutes qui aurait suffi à faire cela ?", grince Me Portejoie, déstabilisant quelque peu l'enquêteur. "Vous n'avez pas eu envie d'affiner votre zone de recherche à la lumière de ces informations très pratiques ?", poursuit l'avocat de Clermont-Ferrand. Il s'étonne de l'agenda des recherches et notamment du fait que l'aéroport de Dole a été contacté par la police en décembre 2017, pour savoir si la victime n'avait pas pris un vol au départ de l'aéroport jurassien. "C'était pour fermer cette possibilité. On ne voulait pas qu'on nous oppose lors d'un procès qu'on n'a pas fait ces vérifications", explique le commandant. "Pour moi, vous n'aviez pas la certitude absolue qu'elle est morte...", insiste l'avocat de la défense, particulièrement entreprenant. "Non, non, je ne suis pas d'accord avec vous", répond le policier.
13h06 : Me Cormier, avocat de Nicolas Zepeda, prend la main pour les questions à l'enquêteur Christophe T. "Je suis désolé, on vous pose des questions de béotiens, mais c'est important car le dossier le mérite", entame l'avocat lyonnais. Les échanges sont toujours aussi techniques et difficiles à retranscrire. Me Cormier fait valoir le fait que le téléphone Samsung utilisé par Nicolas Zepeda, et dont le modèle a été identifié via les analyses numériques de la police, a été vendu à plusieurs millions d'exemplaires. Il sous-entend donc que rien ne prouve que ce téléphone est bien celui de son client. Me Portejoie, deuxième avocat de Nicolas Zepeda, s'intéresse quant à lui à la seconde zone de recherches du corps, au sud de Dole, dans le Jura. "Si le corps a été déposé à cet endroit du Doubs, il ne peut que se trouver au sud donc ?", demande Me Portejoie. Aucun barrage ne se trouve sur ce parcours, en aval, sur 50 kilomètres.
Le corps a pu être déposé au sol quelque part. Et il y a aussi l'hypothèse du Doubs. Malheureusement, la nature aurait pu prendre le dessus et des morceaux du corps auraient pu partir avec des animaux...
Christophe T., commandant de police
12h33 : La partie réseaux numériques et explications techniques semble perturber quelque peu les avocats des différentes parties, dont certains admettent volontiers être novices en la matière. L'enquêteur reprend et réexplique les notions techniques de base concernant une adresse IP ou une connexion à un réseau wifi. Étienne Manteaux souhaite également qu'il revienne sur la notion de connexion via un serveur privé VPN.
11h59 : Etienne Manteaux, avocat général, poursuit et veut être sûr "que dans la tête de l'ensemble des jurés les choses soient claires concernant ces données techniques". Les enquêteurs ont ratissé 50 km², "une zone immense", dit Etienne Manteaux. Pour rappel, les recherches de Narumi Kurosaki débutent le 22 décembre 2016. "On ne peut pas dire que cette zone a été exhaustivement fouillée ?", interroge Etienne Manteaux. "On a fait des recherches sur les zones difficiles et ensuite les zones aquatiques, le sonar, les plongeurs, on a mobilisé les services en fonction des éléments...", justifie l'enquêteur, précisant qu'il y a eu un engagement sur une nouvelle zone de recherche en novembre 2017, près d'un an après la disparition de la victime. L'avocat général fait préciser et répéter plusieurs points à l'enquêteur, de manière particulièrement minutieuse et volontaire.
11h52 : Un tableau contenant l'ensemble des messages émis et reçus par le téléphone de la victime est affiché. Les questions se poursuivent à l'enquêteur spécialisé dans l'informatique. Me Galley, avocate de la famille de Narumi Kurosaki, demande : "Si je schématise, il épie tous ses faits et gestes et tous ses échanges ?". Christophe T., interroge à son tour : "Narumi a-t-elle autorisé Nicolas Zepeda à utiliser sa session universitaire ? On ne sait pas". "Il y a eu 128 entrées sur le compte Facebook d'Arthur Del Piccolo ? Nicolas Zepeda prétend qu'il ne le connaissait pas", reprend Me Galley. "Oui", répond le policier. Me Schwerdorffer, avocat d'Arthur Del Piccolo, demande des précisions sur des points énoncés plus tôt par le commandant de police dans le but d'appuyer la thèse de l'usurpation d'identité de la victime par son meurtrier présumé.
11h17 : L'audience reprend avec les questions à l'enquêteur Christophe T., en charge des investigations numériques et recherches du corps de Narumi Kurosaki. Le président lui demande de décrire la topographie des lieux de recherches, en citant le barrage hydro-électrique de Choisey. "Est-ce qu'un corps immergé ou une valise peuvent être bloqués à cet endroit ?", demande François Arnaud, au sujet du pont de Choisey, dans le Jura. "Une valise ou un corps peuvent partir loin. La force de l'eau vous emmène un corps loin", détaille Christophe T. Le président interroge le policier concernant l'utilisation potentielle de deux comptes Facebook par la victime. "A mon sens il n'y a pas d'autres comptes. Après sur les explications techniques, cela peut dépendre des paramètres de confidentialité. Je pense que pour certaines personnes le partage n'a pas eu lieu. Elle a dû verrouiller cet aspect-là", imagine l'enquêteur. Nicolas Zepeda sourit dans son box à l'écoute de cette explication et prend des notes, comme les jours précédents. Christophe T. précise ensuite la manière dont on utilise un VPN.
L'audience est suspendue une quinzaine de minutes.
10h48 : "Nicolas Zepeda a fait vivre virtuellement Narumi Kurosaki jusqu'à ce qu'il arrive à Santiago du Chili. Et personne d'autre", conclut l'enquêteur.
10h38 : Concernant les déplacements de l'accusé en Espagne, Nicolas Zepeda s'y trouve entre le 8 et le 12 décembre 2016, juste après son séjour à Besançon. Le compte Facebook de Narumi Kurosaki est toujours actif après sa date de mort supposée au 5 décembre 2016. Quelqu'un se connecte à son compte le 10 décembre. Et ce quelqu'un est Nicolas Zepeda. "On remarque que Nicolas s'est connecté également le 11 décembre sur le réseau et on a exactement pour ces deux dates la même adresse IP de connexion identifiée en Espagne. C'est l'adresse wifi de son cousin", dévoile Christophe T.. La surveillance et le contrôle qu'exerçait l'accusé sur la victime ne font aucun doute. Des messages sont par ailleurs envoyés à des amis de la victime durant cette période, en usurpant l'identité de la victime. L'enquêteur détaille ensuite l'utilisation du VPN, un serveur privé utilisé pour brouiller les pistes concernant son lieu de connexion. La police pense que Nicolas Zepeda a acheté ce dispositif avec les moyens de paiement de Narumi Kurosaki.
10h25 : Les personnes présentes dans la salle d'audience consultent attentivement les tableaux de fadettes élaborés par Christophe T., enquêteur en charge de l'analyse des outils numériques des protagonistes, pour appuyer son raisonnement. Les fadettes détaillent la liste des communications passées ou des SMS émis et reçus depuis un téléphone mobile. De plus, le véhicule de location a livré de nombreuses informations aux enquêteurs puisqu'il contenait une carte SIM. "On constate trois périodes d'inactivité de la voiture de Nicolas Zepeda le 1er décembre 2016 de 50 minutes, 29 minutes et 2 minutes 58", poursuit le commandant de police, dans une démonstration très technique.
10h13 : Nicolas Zepeda s'est connecté après le départ de Narumi Kurosaki pour la France sur son espace universitaire japonais. L'enquêteur projette des tableaux de connexion. Depuis le Japon, 157 connexions sur la session universitaire de Narumi Kurosaki ont eu lieu entre le 19 avril 2016 et le 8 octobre 2016, dont 41 après le départ de cette dernière pour la France. L'analyse qui a été faite est également la suivante : "Nicolas Zepeda a lu 156 messages Messenger, recherché à 128 reprises sur la page Facebook d'Arthur Del Piccolo", détaille Christophe T. Il poursuit sa démonstration concernant le déclenchement des relais par la voiture et le téléphone de l'accusé. Nicolas Zepeda écoute attentivement, sans émotion particulière, l'enquêteur détailler ses faits et gestes en Bourgogne-Franche-Comté en décembre 2016. C'est le 5 décembre 2016, quand les amis et le petit ami de la victime, inquiets, se trouvent devant la porte de la chambre universitaire de Narumi Kurosaki, que le téléphone de la victime va cesser définitivement de se connecter au réseau mobile. Pour rappel, les enquêteurs soupçonnent Nicolas Zepeda d'avoir été à la manœuvre, depuis l'intérieur de la chambre de la victime, potentiellement déjà décédée.
9h53 : À deux reprises, les enquêteurs découvrent des ossements humains, en mai et en septembre 2017, mais il ne s'agit pas de ceux de Narumi Kurosaki. "Le corps de Narumi n'a pas été retrouvé, mais c'est sans compter sur les efforts mis en œuvre pour mener l'intégralité de ces opérations", précise Christophe T., qui passe ensuite au détail de l'exploitation des outils numériques de la victime.
9h42 : Un secteur se situant entre les communes de Choisey, Dole et Parcey a été passé au peigne fin par les enquêteurs. Ce sont les relais déclenchés par le téléphone et la voiture de Nicolas Zepeda qui ont permis à la police de déterminer des zones de recherches. "Chiens de détection, et de recherche de cadavre, plongeurs et recherches pédestres avec 100 personnes, hélicoptère, recherches aquatiques, bateau sonar, survol en avion...", ont été mis en place dans le Doubs, la Loue, sur le campus ainsi que dans le Jura sur la zone citée plus haut. "On a fait également la forêt de Fraisans (Jura). On a vérifié toutes les informations qui nous sont parvenues", précise l'homme à la barre, dressant la longue liste des investigations menées sur le terrain. Les enquêteurs sont même allés jusqu'à demander à ce que tous les produits incinérés sur Besançon, appelés mâchefers, soient analysés, dans l'espoir de retrouver des particules d'os. En vain. Les zones de rivière et de canal ont par ailleurs été scrutées, à partir du 20 novembre 2017. Des spéléologues ont même été sollicités pour s'introduire dans la grotte de Saint-Ylie, située au-dessus du canal.
9h33 : L'enquêteur Christophe T. s'installe à présent à la barre, face à la cour. Le commandant de police de Besançon, vêtu d'une veste de costume sombre, était en charge des recherches du corps de la victime et des investigations numériques. Il va nous préciser l'ensemble des investigations techniques qui ont été réalisées dans le cadre de cette affaire criminelle. Il rappelle plusieurs éléments qui ont déjà été donnés la veille par David B., le directeur d'enquête. Un diaporama est diffusé concernant les zones de recherche avec des plans aériens et des zones délimitées. "En moins de 7 jours, on a déterminé que Nicolas Zepeda était présent sur Ornans, sur le campus de Besançon et on va dresser après ses déplacements, son arrivée en France, Dijon, allers-retours pour Besançon, soirée du 4, du 5, le 6, le 7, et son départ de la France pour arriver en Espagne, et ensuite son retour dans son pays", détaille l'enquêteur.
9h25 : Une pièce est lue, la cote D868. C'est un procès-verbal en date du 17 décembre 2016. Il s'agit de l'audition du veilleur de nuit de la résidence.
9h20 : "À l'époque, on donnait au fil des arrivées les chambres aux étudiants", dit Jonathan C., formel à 99,99%. "Monsieur Zepeda nous a assuré que Narumi Kurosaki avait eu communication de son numéro de chambre 106 depuis le Japon", rappelle l'avocat général Etienne Manteaux, ne manquant pas de relever ce qui peut paraître de l'ordre du détail, mais qui a toute son importance. Pour rappel, Nicolas Zepeda n'a pas encore été interrogé en longueur par les différentes parties depuis le début du procès. Ce moment est particulièrement attendu, mais n'interviendra que la semaine prochaine. Il a tout de même avoué avoir menti sur plusieurs points.
9h05 : L'audience est reprise. La journée débute avec un témoin. Jonathan C. est responsable du pôle hébergement du Crous à Besançon. Il avait en responsabilité la résidence Rousseau, dans laquelle logeait la victime au moment de sa disparition en décembre 2016. L'homme ne cache pas que sa mémoire lui fait défaut "après tant d'années". Il est monté pour vérifier dans la chambre 106 si l'étudiante japonaise était présente le 12 décembre. Il était en compagnie d'un collègue. Le président François Arnaud demande à ce que soit projeté le plan des emplacements des caméras de vidéosurveillance sur le campus. "Il était obsolète, on essaie de s'améliorer", concède Jonathan C.
L'audience doit débuter aux environs de 9h, avec l'audition d'un deuxième enquêteur, Christophe T., mais aussi de deux témoins. Jeudi, la matinée a été rythmée par le témoignage loufoque d'un homme, maçon de profession, qui a mené son enquête dans son coin. Il a dit avoir vu la victime vivante après le 5 décembre 2016. Suite à des vérifications précises de la police au moment de son signalement, il s'est avéré qu'il s'agissait d'une autre femme d'origine asiatique. Bousculé par les avocats des deux parties, il a été remercié et prié de "se taire".
Par la suite, c'est David B. qui a fait le rapport détaillé de toutes les investigations menées par la police bisontine depuis le 15 décembre 2016, dans l'espoir de retrouver Narumi Kurosaki dans un premier temps, puis dans le but d'identifier son meurtrier. Le directeur d'enquête a rapporté des éléments particulièrement accablants à l'encontre de l'accusé et notamment un échange qu'il a eu avec son cousin installé à Barcelone, chez qui il s'est rendu après son passage à Besançon. "Pendant son voyage en Espagne, Nicolas a posé des questions sur la mort à son cousin médecin. - Est-ce qu'on meurt plus vite étranglé ou pendu ? -", a expliqué David B. Jalousie maladive, surveillance de la victime, menaces, achat de matériel inflammable... Ce sont les mots qui ont été attribués à l'accusé. Ce dernier a infléchi un peu sa position en admettant être l'un des individus vus sur les enregistrements des caméras de surveillance de la cité universitaire, sans pour autant en dire plus.
► (Re)lire le déroulé complet de la quatrième journée du procès, le mardi 5 décembre 2023.
Nicolas Zepeda a été condamné à 28 ans de réclusion lors de son procès en première instance, à Besançon, en avril 2022. Le corps de la victime n'a jamais été retrouvé malgré des années de recherches. Le Chilien risque une peine de réclusion à perpétuité.
ARCHIVES. De la disparition de Narumi Kurosaki à la condamnation en première instance de Nicolas Zepeda pour assassinat :
Du 4 au 22 décembre 2023, suivez en direct les débats en cours à l'intérieur de la salle d'assises du procès en appel de Nicolas Zepeda à Vesoul. Rendez-vous chaque matin sur l'article "DIRECT" de notre site internet.
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