Alors que le procès en appel de Nicolas Zepeda a débuté par un coup de théâtre inattendu à Vesoul, le père de l'accusé, Humberto Zepeda, se pose en défenseur de son fils. L'an dernier, en première instance, il était resté totalement silencieux. Explications.
"La vérité constitue l’élément premier de la justice en matière de preuve. Là où il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de justice", écrit Pierre Tessier, avocat au barreau de Montréal, dans une revue générale de droit publiée en février 2023. Cette notion de vérité est au coeur de tout procès judicaire. Elle est devenue l'enjeu absolu de celui concernant le Chilien Nicolas Zepeda.
Depuis le début, deux vérités s'opposent frontalement. Celle de la justice française et plus précisément de la cour d'assises et du jury de Besançon condamnant le Chilien à 28 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de Narumi Kurosaki, son ex-petite amie, en 2016 et celle de l'accusé et sa famille. C'était déjà le cas en première instance, en 2022 à Besançon.
La justice a déjà tranché une fois en faveur de la version des enquêteurs bisontins. Nicolas Zepeda aurait décidé de rejoindre la France depuis le Chili, pour espionner et traquer son ex-petite amie, car elle le repoussait et fréquentait un autre homme : Arthur Del Piccolo. Avant cela, il aurait acheté un produit inflammable, du détergeant et des allumettes. Il se serait aussi renseigné auprès d'un cousin médecin sur la mort par asphyxie. Le trentenaire jugé "manipulateur" par les experts psychologues, aurait alors invité la victime au restaurant à Ornans dans le Doubs dans l'espoir de la reconquérir. Econduit, il l'aurait alors assassinée dans la cité universitaire de la Bouloie, avant de se débarrasser de son corps. Ce dernier n'a jamais été retrouvé.
Le père de Nicolas Zepeda face aux médias
A Vesoul, les versions s'entrechoquent une fois de plus et de manière bien plus directe, avant même le début officiel du procès ce jeudi 23 février. Contrairement à l'an passé, Humberto Zepeda, le père de l'accusé, se place en première ligne face aux caméras et dévoile d'emblée la stratégie de défense de son fils, arrivé dans le box des accusés sans avocat mardi 21 février, entraînant le report de l'audience. Il était resté totalement silencieux en première instance, se refusant à tout commentaire, avant, pendant et même après le verdict, se rangeant derrière Me Jacqueline Laffont, pourtant visiblement en désaccord avec elle.
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Cette fois, il apparaît très offensif, déterminé à pointer du doigt la justice française. Il le clame haut et fort : son fils est innocent. Il en est sûr et certain. A la justice française de faire son travail et de le faire correctement. Selon lui, elle serait bien plus occupée à trouver un coupable qu'à chercher la vérité. Si certains pouvaient espérer des aveux, cette thèse semble de plus en plus improbable . "Ce procès est l'occasion de démontrer les incohérences de cette affaire. Nous avons confiance en la justice à condition qu'elle soit juste. Or, la situation est pour le moins étrange", a-t-il expliqué.
Des incohérences avant le lancement du procès en appel
Plusieurs incohérences sont nées dès la première journée de procès avortée. Me Vey devait représenter Nicolas Zepeda. Il n'en est finalement rien. Là encore, deux versions s'affrontent. Selon une lettre de l'avocat parisien en date du 18 février, lue lors de l'ouverture de l'audience par le président de la cour d'assises, c'est Nicolas Zepeda qui a fait le choix de rompre le lien avec son conseil. Selon les proches de Nicolas Zepeda, c'est l'inverse. Ils n'étaient pas au courant de cette rupture, disent-ils.
Autre incongruité : la nomination de Me Renaud Portejoie pour défendre Nicolas Zepeda. Pour rappel, c'est le Chilien lui-même qui a avancé son nom, refusant par la même occasion d'être représenté par l'avocate qui venait de lui être commise d'office. Aux assises, l'accusé doit obligatoirement être assisté d'un avocat. "Qui peut croire qu'un avocat peut prendre connaissance d'un dossier aussi complexe ? Cela nuit à la défense mais si la loi française est ainsi, nous devons l'accepter", a lancé Zepeda père, à la sortie du palais de justice de Vesoul. Pourtant, selon nos informations, Nicolas Zepeda et Me Renaud Portejoie se sont déjà rencontrés en prison, avant la défection de Me Vey. L'avocat clermontois aurait donc bien connaissance du dossier du Chilien. Le trouble persiste...
"Le problème, c'est sa ligne de défense"
De son côté l'avocat général Etienne Manteaux a souhaité réserver ses commentaires pour la cour. Il prévient tout de même : "Il y aura beaucoup à dire".
Les avocats des parties civiles n'ont quant à eux pas caché leur agacement. "C'est proprement scandaleux, c'est une nouvelle injure qui est faite aux parties civiles", a déclaré Me Sylvie Galley, avocate de la famille de Narumi Kurosaki, rappelant les multiples "épreuves inimaginables" qu'endurent ses clientes. Me Randall Schwerdorffer, avocat d'Arthur Del Piccolo, a fustigé la ligne de défense des Zepeda qu'il juge "toxique". "Nous verrons ce qu'en penseront les jurés", a-t-il dit, rappelant "toutes les incohérences de la version de Nicolas Zepeda".
Revoir notre reportage sur la première journée du procès en appel de Nicolas Zepeda :
>> Reportage E. Rivallain, S. Bourgeot, D. Colle, A. Laroche, R. Bolard, P. Corne, S. Mahé
Cette semaine, suivez en direct les débats en cours à l'intérieur de la salle d'assises du procès de Nicolas Zepeda. Rendez-vous chaque matin sur l'article "DIRECT" de notre site internet.
► Retrouvez tous nos articles au sujet de l'assassinat de Narumi Kurosaki.