Procès de Jonathann Daval : on vous raconte comment travaille Valentin Pasquier, notre dessinateur de presse 

Pinceaux. Aquarelles. Valentin Pasquier est l'oeil de France Télévisions, à l’intérieur de la salle d’audience. Les seules images autorisées à sortir de ce procès sont celles des dessinateurs de presse. Un précieux regard dans cette affaire Alexia qui a bouleversé la France. 

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Une chaise ou une place sur un banc. Un carton à dessin, qui rappellera à certains des souvenirs d’école. Depuis lundi 16 novembre, Valentin Pasquier journaliste à France Télévisions scrute attentivement les regards, les émotions de l’accusé, la douleur des familles, les attitudes des avocats dans ce procès hors norme.

Trois dessinateurs de presse sont présents à Vesoul. Ils prennent place dans les différentes salles d’audience, la principale où se trouvent le prévenu et les parties civiles. Le procès est retransmis en visio dans deux autres salles où se relaient une quarantaine de journalistes.
 



Valentin dessine depuis qu’il est petit. “J’ai appris en observant et en pratiquant”. “ Je travaille principalement pour France Télévisions depuis quatre ans. J'ai débuté le dessin d'audience en presse quotidienne régionale il y a quelques années, on m'a fait confiance et ce travail m'a plu. Depuis, je propose de temps à autre mes services de dessinateur à France 3, notamment lors de procès d'assises voués à être médiatisés” nous explique le jeune homme aux premières loges de ce procès. Il ne s’est pas préparé spécialement à en dessiner les acteurs. Son meilleur entraînement, dessiner régulièrement, les amis, les collègues ou les Parisiens dans le métro.
 

Comment travaillez-vous lors de ce procès ? Avec quelle technique ?

"L'aquarelle reste le médium le plus simple à utiliser : une boîte à aquarelle n'est pas encombrante car on peut se balader avec des tubes partout. C'est rapide à appliquer et à sécher. Je peins avec des pinceaux à réservoir intégré, donc fini les pots à eau, et je dessine avec des feutres-pinceaux de différentes tailles. Et à cela, j'ajoute trois pots d'encre acrylique (grises et bleue) qui ont l'avantage de donner des couleurs plus intenses que l'aquarelle. On ajoute enfin un chiffon pour essuyer les pinceaux et un bloc de papier aquarelle et la panoplie est complète.
Si je reste fidèle à l'aquarelle, j'aime bien varier les techniques. Des événements stimulants comme des procès sont l'occasion de se faire violence pour apprivoiser un nouvel outil. Lors de précédents procès par exemple, j'ai varié entre traits fins au feutre et les traits à l'encre noire au pinceau, bien plus denses. J'étais davantage satisfait des seconds, donc j'opte pour ça pour le procès Daval. Au pinceau ou en la frottant avec les doigts à même le papier, je trouve ça idéal pour créer du volume. Je travaille directement à l'encre sur le papier. Ça peut paraître dangereux mais ça a un côté aléatoire et stimulant que j’apprécie. Et le trait bien net au feutre/pinceau indélébile, c'est un peu ma bouée de sauvetage : j'ai du mal à apprécier le trait au crayon disparaître sous l'aquarelle.
"
 

Où dessinez-vous lors de ce procès ? A quel rythme ?

"L'endroit, ça peut varier. L'idéal c'est d'avoir une chaise qu'on peut déplacer (discrètement pour ne pas gêner les débats) mais pour ce procès et en raison de la crise sanitaire, on nous attribue une place sur les bancs. Ce n’est pas évident mais il faut s'adapter. Quant au temps, ça peut varier de 10-15 minutes à 1h30 pour des compositions plus riches et détaillées. Je suis sur un rythme qui tourne autour de 3, 4, 5 dessins dans la journée."
Valentin photographie ensuite ses dessins et les envoie à la rédaction via un fil whatsapp créé spécialement par France 3 Franche-Comté lors de ce procès. Ses dessins sont diffusés très rapidement ensuite sur le site internet et dans le 12/13 et 19/20.
 

Quelle est la particularité du dessin d’audience ?

"La particularité première c'est que c'est le seul témoignage visuel qu'on peut garder de tout ce qu'il se passe dans la salle d'audience, vu que les enregistrements vidéos et audios sont interdits. C'est une responsabilité. Le dessin n'est jamais aussi rapide qu'une photo, les personnages se lèvent, se rassoient, se déplacent... On compose, tout en restant fidèle à ce que l'on observe. C'est toujours un travail subjectif, notre vision et les contraintes de l'environnement influent beaucoup sur le résultat final.
Un dessin d'audience réussi, c'est un dessin qui principalement doit bien retransmettre une scène, une posture, une grimace, mais qui soit aussi dynamique et qu'on sente que c'est vivant et esthétique. La couleur, les différents plans bien distincts nous aident." 

Certains personnages de l’affaire Daval sont-ils faciles, difficiles à dessiner, pourquoi ?

"Jonathan Daval a un physique que je trouve dur à dessiner, avec un visage jeune, un peu poupin. De plus, il porte continuellement son masque, ne bouge pas, et on ne peut le voir que de face lorsqu'on se trouve dans la salle d'audience. Je suis plus à l'aise avec des visages plus marqués comme Me Gilles-Jean Portejoie père ou Me Randall Schwerdorffer. Les avocats sont plus intéressants à dessiner aussi car ils ont constamment des postures d'orateurs, font de grands gestes avec les mains. Ils sont très expressifs, ça facilite le travail."
Quand à l’audience, les images de la dépouille d’Alexia Daval sont projetées devant la cour, Jonathann Daval, se met à pleurer et se recroqueviller dans son box, le dessinateur sait qu’il n’a qu’un instant pour figer la scène dans sa tête, et la restituer quelques minutes plus tard, à coup de pinceaux.
Quand les parents d’Alexia Daval quittent la salle d’audience pour ne pas écouter les détails du rapport d’autopsie de leur défunte fille, le dessinateur de presse fige aussi ce moment. 
 

Ce procès de Jonathann Daval est-il particulier pour vous dessinateur de presse ?

"Ce qui est particulier, je dirais que c'est surtout la tenue du procès en pleine crise sanitaire. Les places dans les salles sont jaugées, on ne peut malheureusement pas se poster où l’on désire pour avoir l'angle parfait. On ne peut d'ailleurs pas dessiner les témoins de face à la barre. On a du mal au début, mais on s'y fait.
Lors de ce procès, j’avoue que je prête bien plus attention aux débats que d'habitude. Là, toute ma concentration part dans la recherche d'une place en salle d'audience et de quel personnage je peux dessiner de là où je suis placé... et puis le dessin en lui-même, bien sûr. On se doit évidemment de suivre un minimum pour capter une scène, un acteur, une phrase qui peut par surprise se révéler intéressante pour la couverture du procès. Il faut être aux aguets."

Qui sont les autres dessinateurs de presse présents ?

"Nous étions quatre lundi à l’ouverture du procès, nous serons trois le reste de la semaine. Présent seulement lundi, Benoît Peyrucq de l'Agence France Presse est un peu incontournable. Il travaille au crayon de bois et à l'aquarelle. Il y a aussi Siegfried Mahé (dessinateur indépendant) qui travaille de la même manière. Et enfin Maxime Peroz, qui couvre le procès pour France Bleu, sort peut être davantage du lot : il est carnettiste et réalise des compositions en noir et blanc au feutre et feutre-pincea avec des croquis des acteurs du procès annotés de petites phrases entendues dans la salle. Ça permet à n'importe quel spectateur de se voir raconter l'histoire du procès, ça retranscrit bien une ambiance."
 

Vous aviez déjà couvert le procès de Willy Bardon devant les assises. L’affaire Daval c’est différent ?

Valentin n’en est pas à son premier grand procès. Il a déjà brossé le portrait de Willy Bardon condamné en décembre 2019 par la cour d’assises d’Amiens à 30 ans de réclusion criminelle pour l'enlèvement, la séquestration et le viol d'Elodie Kulik.

"Oui, c'est pour moi à chaque fois différent. Le seul point commun entre le procès de Jonathann Daval et celui de Willy Bardon en décembre 2019, c'est qu'un homme était jugé pour le meurtre d'une femme. Sinon, je ne trouve que des différences. D'un côté on avait affaire à un « cold case » vieux de 18 ans où un suspect était incriminé par un enregistrement quasiment inaudible, et de l'autre un suspect qui est passé aux aveux. D'un côté un procès de trois semaines avec un suspect qui participe activement aux débats ; de l'autre un procès de cinq jours où l'accusé est quasiment snobé. Et puis, il n'y avait pas encore d'épidémie de Covid-19 ni donc de restrictions sanitaires. C'est très étrange de suivre un procès sans public."

 
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