"Tout le monde me prenait pour un fou" : docteur en neurosciences devenu rappeur à succès, le parcours unique de Pierre Hugues José

Docteur en neurosciences devenu rappeur. Voilà en une phrase le destin fou de Jordy Blanc, plus connu sous son nom d'artiste : Pierre Hugues José. Enfance, importance de sa famille et de sa Haute-Saône natale, volonté de vivre de sa passion... PHJ revient sur son parcours dans une interview sans filtre.

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Nom civil : Jordy Blanc. Nom de scène : Pierre Hugues José. Les deux facettes d'un même homme. Deux dénominations pour différencier deux personnalités réunies dans un destin singulier, au fort accent de Franche-Comté.

À 35 ans, PHJ amène un vent de fraîcheur sur la scène du rap français. Docteur en neurosciences jusqu'à ses 27 ans avant de tout plaquer pour se consacrer à la musique, l'artiste originaire de Haute-Saône propose aujourd'hui des morceaux techniques empreints d'humour et de références fréquentes à son département et à sa ville de Vesoul, qu'il porte en étendard. Rencontre en longueur avec une personnalité particulière, rafraîchissante, mais aussi enrichissante.

Un enfant "introverti"

Qui es-tu Pierre Hugues José ? C'est pour répondre à cette question que nous avons voulu rencontrer le fameux "rappeur chômeur". Mais pas n'importe où. Chez lui, c'est-à-dire dans sa Haute-Saône natale, territoire dont il est fier, territoire dont il est devenu l'ambassadeur. Sans surprise, l'artiste nous a donné rendez-vous à Vesoul. Au Café Français, en plein centre-ville, lieu où il a ses habitudes.

Attablé, un café et un verre d'eau devant lui, Pierre Hugues José s'est alors raconté. En commençant par les débuts : l'enfance. Des premières années où le jeune Jordy Blanc était loin de l'exubérance de PHJ. "J'étais un peu introverti" confie-t-il. "Je jouais à Pokémon, je construisais des maquettes à la glu, j'aimais bien jouer au foot, je commençais à apprendre la musique chez Valli et puis les jeux vidéo, surtout".

J'étais bien, tranquille, tout seul dans ma petite chambre. Capital risque zéro. J'aimais pas les trucs d'allumés. J'allais au skate-parc, mais j'étais nul car j'avais peur de me faire mal. Je faisais de la musique à côté pendant que les autres faisaient des figures.

Pierre Hugues José

La musique justement. Elle a accompagné Pierre Hugues tout au long de son adolescence. Après avoir découvert le piano, l'artiste se souvient de ses disques de rap venus de la chambre du grand frère d'un ami, écoutés à la sortie du collège. Ou encore d'un concours de poèmes gagné en classe, révélant un goût et un talent pour l'écriture. Pourtant, c'est vers les sciences que PHJ se tournera à la sortie du lycée. Et pour longtemps : licence de physique à Besançon, suivi de deux masters.

"À 18 ans, c'est l'accent qui m'emmerdait"

Durant ses études, Pierre Hugues se heurte pour la première fois à son accent haut-saônois. "C'est l'accent qui m'emmerdait, parce que ça me rendait différent" raconte-t-il. "Aujourd'hui, c'est ma force, parce que j'ai accepté qui j'étais. Mais à 18 ans, on t'accepte pas aussi facilement, et tu veux aussi t'intégrer à la norme".

À côté de cela, le jeune homme poursuit ses études à Paris et à Bordeaux, pour sa thèse de neurosciences. Si ce quotidien l'intéresse au départ, les doutes arrivent très vite. "J'ai pensé à arrêter dès ma première année de thèse. J'étais tout seul dans mon labo, sans pouvoir partager ce que je faisais, car ça ne parlait à pas grand monde" témoigne-t-il. "Je ne voulais pas faire ça pendant 10 ans. Autant faire quelque chose qui me plaisait vraiment. Mais j'avais commencé, donc je me devais d'aller au bout".

Par contre, une fois que j'ai eu la thèse, j'ai dit : "je veux vivre de ma passion de toujours, la musique". Les autres ils ont rien compris, ils me prenaient pour un ovni, voire ils disaient : "il est complètement con celui-là".

Pierre Hugues José

Retour à la case départ à 27 ans. Docteur en neurosciences, ingénieur de recherche dans les laboratoires, PHJ "quitte tout pour retourner faire du son" chez ses parents, à dix minutes de Vesoul. 

L'humour pour se faire connaître

Un retour aux sources bienvenu. Le presque trentenaire renoue avec ses origines. Avec, pour arriver à faire son trou dans le rap, une certitude : l'accent, les expressions et la manière de parler qu'il essayait de lisser doivent devenir une force. Jordy Blanc devient donc officiellement Pierre Hugues José.

Il décide de jouer la carte de l'humour en publiant régulièrement sur les réseaux sociaux des vidéos où il se met en scène, en utilisant des expressions du cru, avec un phrasé haut-saônois appuyé.

On me pose souvent la question : t'en fais pas trop ? Est-ce que tu joues un personnage ? Non. Je surjouais et je m'inventais une vie quand j'étais à Paris et que j'essayais de me fondre dans la masse, en essayant de me "citadiniser", de changer mes codes.

Pierre Hugues José

À côté de cela, il n'abandonne pas la musique et tente sa chance sur des concours en ligne. Repéré, il est alors sélectionné pour participer aux Printemps de Bourges en 2022. Son côté décalé, déjanté, plaît. Et l'aventure est lancée.

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Aujourd'hui, PHJ a fait son trou, entre humour et rap. Côté musique, il a sorti plusieurs singles, deux EP's (dont le dernier le 25 octobre dernier) et sillonne les festivals, dont le dernier, chez lui, aux Eurockéennes. 

À côté de ça, il comptabilise des centaines de milliers d'abonnés sur ses réseaux sociaux, et sa personnalité lui a permis de réaliser plusieurs projets audiovisuels qui verront le jour dans les prochaines semaines. Pierre-Hugues José, qui a déménagé à Paris, vit enfin de sa passion. 

"J'ai juste regardé mes grands-mères comment elles parlaient à leur gosse"

Sans oublier sa Haute-Saône. En plus d'y revenir régulièrement, Pierre Hugues José voit dans son personnage une manière de faire vivre la culture de son petit coin, et ses habitudes.

"C'est un mélange de sociologie et de jeu, avec les codes et ce qui fait notre région" explique-t-il. "On a l'accent, on a des termes précis, des expressions. J'ai juste regardé mes grands-mères comment elle parlait à leur gosse, à mes oncles, à mon daron".

Mes grands-mères elles avaient des manières de parler, de faire. Et on essaye de retransmettre un peu tout ça, de conserver deux-trois trucs qui nous ont construit.

Pierre Hugues José

Vous l'aurez compris, comme Brel, Pierre Hugues José chante Vesoul. À un détail prêt : lui y a grandi. Enfance, rapport à ses origines, importance de la famille, volonté de vivre de sa passion, parcours et vision de la ruralité... Tant de thématiques que Pierre Hugues José explore pendant plus de quarante minutes, sans langue de bois. 

Une interview préparée par Antoine Comte, avec la complicité de Greg Adnot, Joé Gutleben, Mostepha Bouchaour, Bertrand Poirier, Marc Perroud, Vincent Grandemange et Clément Jeannin.

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