Stérilisées à leur insu, cinq femmes handicapées veulent faire condamner la France.
Yonne : 5 handicapées stérilisées de force
La France devra s'expliquer devant la Cour européenne des droits de l'homme à propos de l'affaire des stérilisées de l'Yonne. Cinq femmes handicapées mentales dénoncent un "traitement inhumain" après avoir été stérilisées de force dans les années 90, dans le département de l'Yonne.
La France devrait bientôt s'expliquer devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg, à l'initiative de cinq femmes handicapées mentales qui dénoncent un "traitement inhumain".
"C'est une affaire qui pourrait révolutionner le statut des handicapés qui sont considérés comme incapables juridiquement et qui ne peuvent donc pas saisir les tribunaux", affirme Me Corinne Herrmann qui a défendu leur requête devant la CEDH.
Enclenchée en décembre 2008, la procédure "Gauer et autres contre France" a déjà franchi plusieurs filtres à Strasbourg et approche de son terme. "Il est évident que la Cour rendra une décision sur ce sujet qui est considéré comme important", commente un porte-parole de la juridiction, sans toutefois fixer de date d'audience.
Le combat des cinq femmes a commencé il y a 12 ans à Sens, dans l'Yonne. Salariées d'un centre d'aide par le travail (CAT), elles ont subi, à leur insu, entre 1995 et 1998, des opérations chirurgicales de ligature des trompes, dans un but contraceptif.
Des pratiques illégales
"On a dit à ces femmes qu'on les opérait de l'appendicite alors qu'on les stérilisait", accuse Pierre Derymacker, vice-président de l'Association de défense des handicapées de l'Yonne (ADHY) qui a porté plainte en leur nom en 2000, après avoir déjà mis au jour les crimes d'Emile Louis dans l'affaire des "disparues de l'Yonne". "C'était une redite. Ce sont deux affaires concernant les handicapées et qu'on a voulu étouffer", assure M. Derymacker.
Commence alors un long feuilleton judiciaire qui débouche sur un non-lieu en avril 2006, confirmé en mars 2007 par la cour d'appel de Paris, jugeant que la "preuve d'une politique eugéniste concertée au sein du CAT de Sens" n'a pas été apportée et que les stérilisations ne sont pas irréversibles.
Pour Me Herrmann, ces pratiques illégales procèdent bien plus de considérations économiques que de visées eugénistes. "Il est plus compliqué et plus cher de distribuer des pilules contraceptives et de s'assurer qu'elles sont bien prises. Et en cas de grossesse, l'absence au travail a un coût", dit l'avocate.
Après le rejet de leur pourvoi en cassation en 2008, les plaignantes se tournent vers la justice européenne et accusent l'Etat français qui aurait failli à son obligation de contrôle du CAT et n'aurait pas garanti leur droit à une "vie familiale" et à un "procès équitable".