Par un ultime vote au Sénat, le Parlement a adopté une proposition de loi mardi 2 juillet visant à interdire les "violences éducatives". Edith Gueugneau, l'actuelle maire (DVG) de Bourbon-Lancy et ancienne députée de Saône-et-Loire, était à l'origine de ce projet de loi.
Edith Gueugneau, celle qui voulait arrêter les violences corporelles sur les enfantsLe texte avait été présenté le 4 juillet 2016 devant l'Assemblée Nationale par Edith Gueugneau (DVG), Marie-Anne Chapdelaine (PS), et François-Michel Lambert (écologiste).
A l'origine, le texte ne propose pas de nouvelle sanction pénale à l'encontre des parents. Les violences sur les enfants sont déjà punies par le Code pénal.
La disposition inscrite dans le Code civil se veut d'abord symbolique et incitative. L'objectif est de modifier les mentalités et les comportements de certains parents.
Fin du "droit de correction"
Quarante ans après la Suède, la France est devenue mardi le 56e État à bannir les châtiments corporels : la proposition de loi vise à interdire les "violences éducatives ordinaires", coups, gifles, mais aussi humiliations, insultes, brimades ou moqueries.
Le texte, adopté à main levée à l'unanimité, inscrit dans le code civil, à l'article lu à la mairie lors des mariages, que "l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques".
Un rapport du Comité Européen des droits sociaux de 2012 accablant
Le Comité a relevé sur son rapport de Janvier 2012, selon une enquête de l’Union des familles en Europe (UFE), qui regroupe 2 000 grands-parents, parents et enfants, 96% des enfants ont déjà eu une fessée et que 84% des grands-parents et 87% des parents reconnaissent avoir administré un châtiment corporel.
Un vote "historique" selon la rapporteure
La rapporteure du texte à l'Assemblée nationale, Maud Petit (MoDem) a assisté dans les tribunes à ce vote qualifié d'"historique" par l'ex-ministre socialiste des Familles Laurence Rossignol.
Selon la Fondation pour l'Enfance, 85% des parents français ont recours à des violences dites éducatives.
"Le message de prohibition figurera, grâce à cette proposition de loi, dans le code pénal en appui de l'article 222-13. Pour lui donner une meilleure visibilité, nous le ferons également figurer en première page de l'ensemble des carnets de santé de nos enfants", a indiqué le secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités, Adrien Taquet.
Baisse de l'estime de soi, augmentation des comportements antisociaux
Le secrétaire d'Etat comme la plupart des orateurs ont dressé un bilan accablant des conséquences souvent durables des violences exercées sur l'enfant et sur l'adulte en devenir, M. Taquet citant le témoignage de Thierry Beccaro. L'animateur de télévision a raconté récemment dans un livre les violences que son père lui a fait subir.
La France reste "un des cinq derniers pays européens à ne pas avoir intégré dans son droit cette interdiction", a souligné le secrétaire d'Etat, pour qui ce texte envoie "un signal extrêmement fort".
Il traduit la volonté du gouvernement de "promouvoir une éducation bienveillante fondée sur le dialogue, sur le respect mutuel", au coeur de la "nouvelle approche des politiques de l'enfance".
Plusieurs sénateurs ont néanmoins regretté le caractère essentiellement "symbolique" du texte, posant la question de la définition des "violences ordinaires". "Il se contente d'énoncer sans encadrer", a ainsi déploré Pascale Gruny (LR).
Soutien à la parentalité
La rapporteure Marie-Pierre de La Gontrie (PS) a au contraire défendu la nécessité de la mesure face à des "violences encore communément admises et justifiées", tandis que Brigitte Lherbier (LR) jugeait inacceptable que "des êtres humains puissent être les victimes invisibles de violences dégradantes".
Le code pénal prohibe et punit déjà toute violence, mais la jurisprudence reconnaît encore parfois aux parents ce qu'elle appelle "un droit de correction", a rappelé la rapporteure.
Le texte "permettra d'accompagner le changement social déjà à l'oeuvre" et permettra à la France de se mettre en conformité avec les traités internationaux, alors que le pays a été épinglé à plusieurs reprises par les instances internationales.
Le reportage de Florent Motey et Romy Ho-A-Chuck
Intervenants :
- Édith Gueugneau, maire (DVG) de Bourbon-Lancy
- Denis Bellano, psychologue et Responsable de recherches à l'Harvard University