INTERVIEW. Coronavirus Covid-19 : 10 questions pour comprendre comment fonctionne la justice pendant la pandémie

Le coronavirus impacte de nombreux secteurs d’activité. La justice n’y échappe pas. Lionel Pascal, procureur de la République du Jura fait un état des lieux de sa juridiction après 10 jours de confinement.

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Quel visage présente la justice aujourd’hui dans le Jura ?

Le palais de justice Lons-le-Saunier est fermé au public. Idem pour les tribunaux de proximité de Dole et de Saint-Claude. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne se passe plus rien. Le public doit savoir que nous gardons un standard téléphonique et une veille courrier électronique. Ce qui est certain c’est que toutes les audiences non urgentes sont reportées sine die.


Comment le coronavirus impacte le fonctionnement de la justice dans le Jura ? Quel bilan dressez-vous aujourd’hui ?

Nous avons établi un plan de continuité de l’activité. Mais avec un effectif au minimum, réservé aux missions urgentes. Quelles sont les missions urgentes ? Les demandes de mise en liberté, les modifications de contrôle judiciaire, les comparutions immédiates. Les flagrances c’est un traitement immédiat. Le reste est décalé dans le temps. Nous sommes au ralenti mais toujours engagés. Voilà pour le pénal. Du côte de la justice civile, nous portons particulièrement notre attention sur les ordonnances de protection (les violences faites aux femmes par exemple, traitées immédiatement). Il y a aussi les hospitalisations sous contraintes. Sans oublier les mesures d’urgences de placement pour les enfants, traitées par le juge des enfants.

 


Les sessions d’assises sont-elles annulées ?

Nous n’avions pas de sessions d’Assises prévues en mars dans le Jura. La prochaine se tiendra en juin. La Haute-Saône est le seul département de Franche-Comté qui devait organiser des assises ce mois-ci. C’est très compliqué. Comment convoquer des experts, des témoins, des jurés si vous n’avez pas de greffiers, de secrétaires. Il y a un travail de back-office énorme qui ne peut plus être assuré. J’espère que la session de juin sera tenue ou tenable.


Vous parlez d’effectifs minimum. Qui est présent dans les bureaux du tribunal alors ?

Le chef de juridiction, c’est à dire le procureur de la République, un magistrat du parquet de permanence, un juge des libertés et de la détention si besoin. Pour protéger chacun du virus on limite les allées et venues. On fait venir la personne compétente si nécessité. Par exemple un juge des affaires familiales (JAF) pour une ordonnance de protection. J’ai organisé un système de « quarts » pour les magistrats du parquet. Chacun d’entre eux peut venir une demi-journée par semaine. De façon à ce qu’ils ne se croisent pas.
 



Souffrez-vous de cet isolement ?

A titre personnel, je suis souvent seul. Cela ne me change pas vraiment. Ce n’est pas une révolution culturelle totale. Les procureurs sont sur le pont 24h/24. Quand nous revenons un dimanche pour une affaire, c’est cette même ambiance silencieuse et studieuse.


Y a t-il moins de délits du fait du confinement ?

Assurément. Les délits de voie publique sont en chute libre. Mais attention. Moins de délits, c’est moins de délits apparents. Ce qui m’inquiète ce sont les violences familiales, par nature moins visibles.

 



Les enquêtes judiciaires sont-elles suspendues ?

Beaucoup d’enquêtes sont suspendues mais là encore attention. Les écoutes téléphoniques par exemple continuent. La surveillance des comptes bancaires aussi. Cela se fait à distance. La justice veille, les enquêteurs aussi.
 


La garde des Sceaux prévoit une libération anticipée de plusieurs milliers de détenus. Avez-vous reçu des instructions ?

Nous n’avons pas encore reçu de circulaire. Mais nous n’avons pas attendu dans la gestion des détenus en fin de peine. Nous avons procédé ce mois-ci à l’examen de plusieurs dossiers. Huit personnes en ont bénéficié. Et sont sortis ou ont vu un aménagement de fin de peine. C’était pour nous une évidence de façon à alléger la charge de travail dans les centres de détention.
 
 
 


Quelles conséquences pour les avocats ?

Emmanuelle Huot, avocate, bâtonnière du barreau de Besançon se dit inquiète.

Environ 180 avocats composent le barreau bisontin. Eux aussi sont confinés. Plus d’audiences ou presque au Palais de Justice. « Nous avons encore accès au palais et donc accès au courrier, c’est une chance, ailleurs les locaux sont souvent fermés. » La bâtonnière dit aussi craindre la reprise. « Le coronavirus désorganise tout. Pour le civil, les audiences sont annulées mais sans date de report. Je pense qu’on peut déjà raisonnablement parler d’un renvoi de toutes les audiences en 2021. Le coronavirus va engorger des tribunaux déjà surchargés».

Reste l’impact économique sur les cabinets d’avocats. « On sortait de deux mois de grève contre la réforme des retraites. Economiquement c’était déjà compliqué. Est-ce que le chômage partiel va fonctionner pour notre personnel ? On attend une réponse de la Directe. Pour l’instant c’est très flou.»




 
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