Après 48 heures de garde à vue, un éleveur de Saône-et-Loire a reconnu avoir tué le jeune homme de 31 ans, originaire de Cuisia (Jura) et porté disparu depuis le 21 novembre 2023. Il aurait brûlé son corps et dispersé ses restes dans un ruisseau. Le meurtrier présumé a été mis en examen pour assassinat et placé en détention à la maison d'arrêt de Besançon (Doubs).
Il avait été aperçu pour la dernière fois à Beaufort (Jura), vers 20h, le 21 novembre 2023. Depuis, Loan Bernede, 31 ans, n'avait plus donné signe de vie. Interpellé mardi 19 décembre par les gendarmes sur son exploitation à Saint-Eugène en Saône-et-Loire, un éleveur âgé lui aussi de 31 ans, est finalement passé aux aveux.
Après 48 heures de garde à vue, il a reconnu avoir tué d'une balle dans la tête le jeune Jurassien. Selon ses dires, il aurait agi "par jalousie, par dépit amoureux, par colère" et fait disparaître son corps ainsi que l'arme du crime, une carabine 22 long rifle, a indiqué Étienne Manteaux, procureur de la République à Besançon. Le meurtrier présumé a été mis en examen pour assassinat ce jeudi et a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Besançon.
Le corps introuvable
Après trois semaines d'investigations, l'enquête s'est brusquement accélérée le 18 décembre quand un témoin a révélé aux gendarmes qu'un de ses amis lui avait emprunté son Renault Kangoo "pour transporter le corps d'un homme qu'il avait tué, entre le 21 et le 23 novembre."
Arrêté dès le lendemain, l'agriculteur bourguignon a d'abord expliqué aux enquêteurs qu'il était allé trouver Loan Bernede chez lui, à Cuisia, le 22 novembre au matin, suite à un différend amoureux. Une dispute aurait alors éclaté entre les deux hommes au cours de laquelle il aurait violemment poussé le jeune homme. Dans la chute, la tête du jeune Jurassien aurait heurté une pierre au sol. Réentendu lors de sa garde à vue, il est néanmoins revenu sur ces premières déclarations et a donné une toute autre version des faits. Il aurait en fait prémédité son geste.
Il s'est muni d'une carabine 22 long rifle qu'il possédait. Il a demandé à un ami de lui prêter un Kangoo. Il a fait faire des fausses plaques pour que ce véhicule ne soit pas pris par un radar automatique et identifié. Il s'est rendu au domicile de cet homme qui avait eu l'audace d'avoir des relations sexuelles avec celle qu'il aimait. Et il dit l'avoir abattu d'une balle dans la tête.
Etienne Manteaux, procureur de la République à Besançon (Doubs)
Il aurait ensuite transporté le corps dans son exploitation en Saône-et-Loire et l'aurait enterré sur place, dans un champ, à l'aide d'un de ses engins agricoles. Entendu comme témoin le 13 décembre par les gendarmes, il aurait paniqué et aussitôt déterré le corps pour le brûler "pendant 7 heures dans une auge à vaches pour le faire disparaître" et dispersé les restes dans un ruisseau. Un scénario macabre. Les enquêteurs n'ont pas non plus retrouvé l'arme supposée du crime, qu'il dit avoir découpée, et dont il aurait également jeté les morceaux dans une rivière proche de sa ferme.
Dépit amoureux, jalousie et colère
Le meurtrier présumé a tenté d'expliquer comment il avait pu en arriver là. Après avoir vécu en couple pendant trois ans, de 2019 à 2022, et s'être séparé, l'agriculteur souffrait dit-il de "solitude" jusqu'à ce qu'il rencontre en mai 2023, sur le réseau social Tinder, une jeune femme de 32 ans, originaire du Jura et qui travaille dans une ferme dans l'Ain. Une relation sur laquelle il mise beaucoup mais qui s'avère plutôt compliquée car sa partenaire continue à voir d'autres hommes en même temps..
Il s'est investi dans cette relation. Il explique qu'il a conçu un dépit amoureux certain en constatant que sa compagne était adepte du polyamour, c'est-à-dire d'avoir plusieurs partenaires amoureux, mais assumés et non dissimulés. Et cette situation l'a progressivement mis en colère.
Etienne Manteaux, procureur de la République à Besançon (Doubs).
Ils finissent par rompre en octobre 2023. Une rupture qu'il a du mal à accepter, qui le pousse à "surveiller" son ex et l'amène à découvrir qu'elle fréquente Loan Bernede.
Ne le trouvant pas la victime à son domicile alors qu'il était logiquement en télétravail le 22 novembre, c'est d'ailleurs son ancienne compagne qui avait alerté la communauté de brigades de gendarmerie de Saint-Amour (Jura). Elle avait dès le départ mentionné ces courriers anonymes qu'elle recevait régulièrement, depuis plusieurs semaines, lui reprochant "ses pratiques sexuelles". Elle avait même porté plainte dans l'Ain. "C'est une femme qui avait l'impression d'être surveillée", précise le procureur.
Émotion à Cuisia et à Saint-Eugène
L'émotion est vive à Cuisia. Les gendarmes étaient de nouveau sur place ce mercredi pour poursuivre leurs investigations dans le petit hameau de la Grande Biolée, rattachée à la commune. Loan Bernede y avait racheté une maison à rénover à l'orée d'un bois. "C'était un jeune très discret, gentil avec tout le monde", rapporte Renaud Poncelin, le maire du village qui compte un peu moins de 400 habitants. "On n'imagine pas que ça puisse arriver chez nous et personne ne s'attendait à quelque chose d'aussi tragique."
Des habitants qui s'étaient naturellement mobilisés pour prêter main-forte aux gendarmes. Près de 90 personnes avaient également participé à des battues dans plusieurs zones autour du village le samedi 25 novembre, une quarantaine encore le lendemain. Sans résultats.
A Saint-Eugène également, c'est la consternation. Les habitants qui connaissinet bien l'agriculteur, sont sidérés. "Aux dires de ses voisins, il avait changé de comportement, indique néanmoins Xavier Duvignaud, le maire du village de Saône-et-Loire. Son travail n'était plus fait correctement, il ne suivait plus ses bêtes comme il avait l'habitude de le faire avant. Les voisins m'ont dit qu'il avait un peu laissé tomber son travail."
L'enquête est loin d'être bouclée. La Section de recherches de la gendarmerie de Besançon doit encore poursuivre ses investigations pour corroborer les aveux du mis en cause. "On se trouve dans une situation singulière où ce sont presque exclusivement les déclarations du témoin et de cet homme qui constituent les éléments à charge qui ont été retenus contre lui", reconnaît Etienne Manteaux.