Jusqu'alors peu touché par l'épidémie, le centre hospitalier Louis Pasteur voit son nombre de patients Covid augmenter. On dénombre aussi de nombreux arrêts maladie au sein du personnel médical.
Elle a la voix un peu rauque, Anne-Sophie* (son prénom a été changé). Et quand elle nous parle au téléphone, elle perd le fil. Ses idées vont et viennent, elle a des trous, elle oublie. "La faute au virus", dit-elle.
Employée comme aide-soignante à l'hôpital de Dole depuis 2001, elle affronte une période douloureuse, une des pires de sa vie.
"J'ai eu de la fièvre pendant trois mois d'affilée, j'ai encore des douleurs articulaires qui m'empêchent de retourner au travail, j'ai des infections urinaires, des troubles du sommeil, de la tachycardie, des maux de tête, des problèmes dentaires, de l'urticaire, une tendinite au bras droit. Je ne pouvais même plus fermer la fenêtre ! Vous y croyez ? Moi je n'arrivais pas à y croire."
Anne-Sophie* vit cloîtrée chez elle depuis fin mars 2020, fatiguée, laminée par la Covid-19. En arrêt maladie, soutenue par sa direction, "qui a pris soin de prendre de mes nouvelles", elle a cru mourir, seule dans son lit. Elle a 46 ans.
"J'ai même écrit mes directives anticipées, ça, vous pouvez l'écrire dans votre article ! C'est vraiment un moment très dur. Heureusement, mes amis sont là, qui s'inquiètent régulièrement pour moi."
Une deuxième vague bien tardive
Au centre hospitalier Louis Pasteur de Dole, Anne-Sophie* n'est pas un cas isolé. Il y aurait en ce moment une vingtaine d'infirmières en arrêt maladie (pas forcément pour cause de Covid), une trentaine d'aide-soignants, une petite quinzaine d'agents des services hospitaliers (ASH). Au total, 900 agents travaillent à l'hôpital.
Sans confirmer avec exactitude, le directeur de l'hôpital, Gilles Chassange, ne dément pas : il n'a pas les chiffres en tête, mais oui, c'est à peu près ça.
"Il y a beaucoup de contaminations en interne en ce moment, déplore-t-il. Et on a du mal à le comprendre. Tous les équipements de protection sont pourtant là !"
"Oui, les protections sont suffisantes, mais la prise en charge n'est pas du tout la même que lors de la première vague, on n'a plus les services dédiés à la Covid comme avant", tonne Michel Gerbod, représentant du personnel. Selon lui, le nombre d'admissions de patients Covid a doublé en une semaine.
Relativement épargné jusqu'alors, l'hôpital de Dole a donc rattrapé le train de la deuxième vague. "Il y a encore peu de temps, on accueillait les patients de l'hôpital de Lons-le-Saunier, on avait de la place", rappelle le directeur. Maintenant, ce n'est plus la même limonade. "C'est très curieux", conclut-il.
Au-delà du seul cas de l'hôpital de Dole, le Jura est l'un des départements français les plus touchés par l'épidémie de Covid, à la mi-décembre. C'est l'un des territoires où le virus circule le plus.
Un virus insaisissable, prenant des formes parfois inattendues. Anne-Sophie*, par exemple, n'a jamais été testée positive au coronavirus, malgré plusieurs dépistages.
"C'est la sérologie, c'est-à-dire l'étude de mes anticorps, qui m'a permis de savoir que j'avais le virus." Anne-Sophie* a fait deux séjours aux urgences : le premier au printemps, le second à l'automne. Elle espère pouvoir retravailler à partir de janvier 2021. Sans trop y croire non plus.
"Je suis une fonceuse, j'ai élevée seule mes enfants, j'avance. Et là, je ne me reconnais plus. Ce n'est pas moi. Je ne vais pas si mal, à l'heure où je vous parle ; mais je ne suis plus moi-même."
Un avenir incertain
Le nombre d'arrêts maladie ayant explosé, la charge de travail est reportée sur les agents valides. Combien de temps peuvent-ils tenir à ce rythme ? Michel Gerbod lance un avertissement : certains sont à bout, ils veulent démisionner.
"Le personnel est vraiment HS. Le virus va tuer l'hôpital ! Et ce n'est que le début : qu'en sera-t-il dans une semaine ? Et début janvier ?".