Dans le Jura, comme en Mayenne ou dans les Ardennes ou les Deux-Sèvres, la société Expotrans ne verse plus de salaires à ses chauffeurs et salariés depuis le début du mois de mars 2024. À Dole dans le Jura, les personnels ont le coeur gros. Témoignages.
La société Expotrans, basée dans le Val-d'Oise, ne répond plus. Ni aux journalistes, ni à ses salariés depuis plusieurs semaines. Cette société a passé des contrats de transports avec des établissements de santé. À Dole dans le Jura, une douzaine de chauffeurs transportent matin et soir des enfants en situation de handicap vers l’IME (Institut Médico-Educatif) géré par la structure Etapes.
Depuis quelques jours, en lisant la presse, ils découvrent qu’ils ne sont pas les seuls embarqués dans le fiasco Expotrans. “On ne s’inquiétait pas trop. On était payé parfois en retard. C’était une habitude” confie un salarié jurassien d’Expotrans. “On est dégoutés, choqués, cela fait des années qu’on travaille pour eux. On a toujours été là pour travailler, et du jour au lendemain, on nous a lâché” explique une autre salariée.
Ne pas avoir sa paye, c’est compliqué. J’ai dû faire appel à l’assistante sociale et au Secours populaire, ça fait bizarre.
Une salariée d’Expotrans dans le Jura
Parmi les 12 salariés jurassiens, on compte des retraités venus trouver avec ces quelques heures de transport par semaine un complément de retraite, 600 euros par mois pour certains pour 15 heures de travail par semaine. “Ça se passait bien, y compris avec les enfants. Mais là, l’entreprise ne répond plus du tout. On ne sait pas ce que l’on va devenir, si on va récupérer nos salaires” note un salarié.
“Personne ne sait plus comment faire parmi nous, on n'a plus de carburant pour faire le plein des véhicules. Comment je vais faire, moi, pour retrouver un boulot ? En mai, une nouvelle fois, je n’aurai pas de rentrée d’argent” déplore un autre chauffeur.
Pour l’instant, les salariés du Jura n’ont pas cessé le travail malgré les non-paiements de salaires. Les chauffeurs de Mayenne exercent leur droit de retrait depuis la mi-avril. Les employés des Deux-Sèvres ont également renoncé à effectuer les trajets.
Pneus lisses, factures non payées, arrêt maladie non payé...
Même les salariés en arrêt maladie sont en colère face à la situation d’Expotrans. “Je suis malade, j’ai perçu 13 euros par mois !” déplore dans le Jura Corine Personne qui n’a pas touché en mars, ni avril les sommes prévues en cas d’arrêt maladie.
Les salariés n’avaient pas non plus touché une partie de leur 13ᵉ mois en fin d’année 2023. Un certain nombre d’éléments les ont alertés ces dernières semaines. “L’entretien des véhicules était négligé. Certains pneus étaient lisses. Quand on allait voir les garagistes, ils nous disaient qu’Expotrans n’avait pas réglé les factures précédentes” alerte un des salariés.
“Moi, je pense qu’il y a une mauvaise gestion de la boite. Un manque de professionnalisme. Les grands patrons, on ne les a jamais vus ici” déplore un salarié.
Tous espèrent que la situation ubuesque va finir par se régler. Et que les salaires seront un jour versés dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Un attachement s'est créé avec les enfants transportés. Difficile d'imaginer pour eux de perdre leur travail. “Si je ne revois pas les petits, je vais en pleurer” confie un salarié.
Sur Expotrans, la CGT alerte l’inspection du travail du Jura
Alertée par la situation des salariés, l’Union Locale CGT de Dole, a pris la plume pour écrire à l’inspection du travail et à l’IME jurassien, vers qui les enfants sont acheminés.
En plus du problème de non-paiement des salaires, la CGT insiste sur la sécurité des enfants : “c'est la vie des enfants qui est en danger (et accessoirement le permis des chauffeurs qui leur permet de gagner leur salaire quand l'entreprise le paye), des véhicules ont leurs pneus lisses et la seule réponse proposée par Expotrans est de demander aux chauffeurs d'acheter eux-mêmes les pneus puis de demander le remboursement...Les chauffeurs dont les véhicules ont des pneus lisses useront de leur droit de retrait. Dans l'intérêt des enfants, il incombe maintenant au donneur d'ordre, Etapes, de prendre des mesures urgentes pour pouvoir continuer à les accueillir sans faire courir des risques au chauffeur et aux enfants” écrit le syndicat dans un mail que nous avons pu lire.
Antoine Cordier, Antoine Cordier, secrétaire général de la CGT de Dole pointe du doigt le système d’appel d’offres lancé par ces structures de la fonction publique hospitalière.
C’est un vrai problème, on cherche le moins cher. Cette société Expotrans n’a aucun local ici. Les salariés savent jusqu’ils ont un patron quelque part dans le Val d’Oise !... Faut arrêter de se voiler la face, ce sont les gens en bas de l’échelle qui paye !
Antoine Cordier, secrétaire union locale CGT
Pour le syndicaliste, quelque part, les cadres de la fonction publique hospitalière ont une coresponsabilité dans cette situation.
Que vont devenir les enfants handicapés transportés par Expotrans ?
Contacté lundi 29 avril par France 3 Franche-Comté, Etapes qui gère l’IME de Dole, indiquait : "L'IME d'ETAPES a bien conclu un marché de transport avec la société Expotrans. Une douzaine de tournées sont réalisées du lundi au vendredi sur le secteur du bassin dolois et du nord-Jura. Nous apprenons ce jour le dépôt de bilan de la société par les chauffeurs de taxis. Nous n'avons eu aucune communication officielle de la part de la direction de la société Expotrans. Nous sommes en recherche de solutions pour assurer les tournées dans les semaines à venir et nous nous concentrons sur cela”.
Si Expotrans n'assure plus son service, d'autres prestataires devront être trouvés dans les départements concernés.
Selon l’Agence Régionale de Santé de Bourgogne-Franche-Comté, une solution a été trouvée pour poursuivre le transport des enfants handicapés ces prochains jours vers l’IME de Dole dans le Jura. Pour les familles et les enfants, aucune interruption de service ne semble se profiler. Dans la mesure du possible, Etapes souhaite pouvoir continuer à travailler avec les mêmes chauffeurs, les solutions étudiées vont dans ce sens.