Ces derniers mois dans le Jura, les rencontres avec le loup se sont multipliées. Signe que l'espèce poursuit son déploiement dans nos contrées, avec régulièrement, la même interrogation. Quel animal a été vu ? Était-ce un loup ou un chien ? Nous avons posé la question à Patrice Raydelet, du pôle Grands prédateurs, pour y voir plus clair.
À chaque nouvelle vidéo postée sur les réseaux sociaux, les mêmes réactions reviennent. Les opposants et défenseurs du loup se livrent au débat virulent sur la présence du loup.
De retour en France depuis une trentaine d'années depuis l'Italie, le loup gris, authentifié dès 1992 dans le Mercantour, a depuis été vu dans presque toutes les régions. En Franche-Comté, c'est par le Jura que le loup gris, Canis Lupus, a fait son retour dans les années 1990.
Le loup, de plus en plus visible dans le Jura
La présence de meutes et la reproduction des individus aidant, il devient de plus en plus aisé de le rencontrer, ces derniers jours encore l'ont montré avec des témoignages d'attaques dans le Jura sud, une vidéo prise à Grande-Rivière le 23 avril 2024, ou une autre à la Pesse une semaine plus tard. Dans ces deux cas, la distance très proche de l'animal a permis d'identifier sans équivoque le loup.
Mais ce n'est pas toujours le cas, lors de passages furtifs, dans la pénombre, ou sur des images prises à la volée. Alors si ce n'est pas un loup, des chiens lui ressemblent-ils au point de se tromper ? Oui, répond Patrice Raydelet, naturaliste et fondateur du pôle Grands prédateurs : "Il y a quelques années[en 2016, NDLR], une polémique avait eu lieu autour de Vouglans (Jura) avec des chiens-loups Tchèques".
En effet, si les élevages de ces chiens croisés avec des loups sont rares, il n'en demeure pas moins qu'ils existent en Franche-Comté. Il est donc légitime de se poser la question.
Les cinq critères qui permettent d'identifier un loup
Selon Patrice Raydelet, cinq éléments peuvent aider à identifier le loup gris.
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La queue : plus courte que le chien, souvent marquée par la présence de poils noirs au bout.
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Le masque facial : de couleur blanc à clair, assez marqué, mais moins contrasté que chez le chien-loup, et limité à la base du cou.
- Les oreilles : courtes par rapport aux chiens, plutôt arrondies.
- Les pattes avant : de fines barres noires recouvrent le devant des pattes antérieures.
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Le pelage : ce dernier critère est plus subtil. Chez le loup, on n'observera pas de pelage tacheté ou de formes contrastées. Il est de ton assez nuancé.
On retrouve ces marques distinctives sur le schéma vulgarisé (ci-dessous) du site dédié de l'Office Français de la Biodiversité loupfrance.fr, incluant les informations sur l'espèce (biologie), la réglementation, la méthodologie et les indicateurs de suivi, ainsi que des éléments sur la gestion des impacts.
Informer pour démystifier
Néanmoins, dans la plupart des récents cas de questionnements, la réponse est bien : le loup. Alors pourquoi la question mérite-t-elle encore d'être posée ?
Selon Patrice Raydelet, donner des éléments d'identification à chaque situation de questionnement relève du bon sens. "Si ça peut permettre de donner des informations objectives, c’est important de le faire", assure-t-il. Observateur de l'antagonisme autour du statut protégé du prédateur, Patrice Raydelet estime que la banalisation de sa présence nécessitera encore des années de pédagogie. "On est encore dans cette phase d’interrogation, de questionnement, de peur chez certains." "Le temps fait son œuvre, ça peut être très long."
Dès l’instant où il y aura une permanence de la présence, avec de plus en plus de contacts, ça va passer dans les mœurs petit à petit, les gens sauront faire la différence entre un loup et un chien et ne se poseront plus la question.
Patrice Raydelet, naturaliste et fondateur du pôle Grands prédateurs
Illustrant ses propos dans un parallèle avec la région des Abruzzes, Patrice Raydelet rappelle que la normalisation de la présence de Canis Lupus en Italie a nécessité "un très grand travail" : "Ça a mis 30, 40 ans."
Ce parc national d'Italie où de grands espaces permettent au loup de développer est-il pour autant comparable avec notre massif du Jura ? "Il y a des meutes et de la reproduction, toutes les conditions sont réunies, avance le spécialiste. Maintenant, il lui faut de la quiétude. Le loup est un opportuniste, si on lui laisse l’opportunité, il va se réinstaller."
Dans le massif du Jura, au moins trois meutes ont été observées. À l'échelle nationale, on estime la population à 1104 individus à l'issue de l'hiver 2022-2023, selon les chiffres de l'Office Français de la Biodiversité.