La Maison du Peuple de Saint-Claude dans le Haut-Jura est le théâtre d’une histoire politique unique. Lieu total pour l’émancipation ouvrière, tant économique que sociale, elle est aujourd’hui un centre culturel, qui loin d’avoir oublié son passé, s’en nourrit.
En 1881 dans le Haut-Jura, naît une coopérative d'alimentation qui devient vite un modèle. Un peu partout en France et en Belgique se développent des coopératives d’alimentation et de production ainsi que des Mutuelles, mais le modèle de La Fraternelle reste unique. On parle même d’"École de Saint-Claude".
Le réalisateur Bernard Boespflug a vécu à Saint-Claude dans sa jeunesse, il nous restitue dans ce documentaire le lien inaliénable qu'il entretient avec cet endroit athypique et chargé d'histoire(s).
L'histoire de La Fraternelle
L’histoire de la coopérative La Fraternelle débute en 1881 lorsque le Cercle Ouvrier de Saint-Claude crée une société d’alimentation.L’idée de départ de construction de la Maison du Peuple c’est de proposer des locaux pour tout le monde, à la fois pour la coopérative (entrepôts, boulangerie…), pour l’imprimerie... Elle propose également aux syndicats et aux associations culturelles des dispositifs d’éducation populaire comme la bibliothèque, les activités sportives…
La Fraternelle se singularise par l’invention de son cercle vertueux de l’argent. Tout ce qui est produit et consommé revient au producteur et au consommateur sous forme de prestations sociales, de retraite, d’éducation, de loisirs. Personne ne s’enrichit, c’est la communauté qui en bénéficie.
Dans les coopératives ce ne sont pas les capitaux qui votent, ce sont les hommes.
Le projet est d’abord politique, c’est un enracinement républicain très important. C’est le point de départ de l’importance donnée à l’instruction, à l’éducation populaire. Il s’agit de créer peu à peu des symboles permettant d’imprégner les esprits de ce projet démocratique.
En 1896, Henri Ponard, sociétaire et administrateur de La Fraternelle modifie les statuts de la coopérative.
Les bénéfices qui étaient jusqu’alors répartis entre les coopérateurs sont désormais entièrement versés à un fonds social collectif qui alimente des caisses de solidarité et des groupements culturels, mais servira aussi à la création de coopératives de production.
C’est un modèle économique qui s’est avéré, pendant ¾ de siècle, parfaitement viable.
On peut parler d’un "âge d’or" pour le système économique et social de La Fraternelle entre les deux guerres mondiales. A l’époque on compte 500 sociétaires et environ 4000 adhérents.
L’activité économique s’avère florissante jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
A cette époque, La Fraternelle participe activement à la Résistance en imprimant de faux papiers et des tracts. Elle ravitaille également le maquis du Haut-Jura. De nombreux membres de La Fraternelle seront alors déportés payant leur implication dans la Résistance.
La cellule familiale, matrice de la coopérative
Une grande partie des ouvriers pipiers sont des personnes issues des fermes situées dans la montagne et pratiquent la double activité de paysans et d'ouvriers.
Ce qui est intéressant c’est que l’incertitude est pensée collectivement, au moins au niveau de la famille, sinon au niveau du voisinage…Cette idéologie coopérative vient de ce que portaient les populations de ces secteurs.
Le déclin de La Fraternelle
C’est après la Seconde Guerre mondiale que commence le lent déclin de la coopérative.La généralisation de la couverture sociale rend caduc celle de La Fraternelle. Les changements de mode de consommation et l’implantation de grandes surfaces renvoient les petites succursales de la coopérative au statut de vestiges du passé. Même les coopératives de production finissent par mettre la clef sous la porte. De ce fait, La Fraternelle perd ses deux principales sources de revenus : la consommation et la production.
Désormais appelée Les Coopérateurs du Jura, la coopérative continuera de fonctionner jusqu’en 1984 avant de cesser définitivement ses activités.
La renaissance de La Fraternelle
Les coopérateurs ne veulent pas voir disparaître l’âme de La Fraternelle et créent une association, appelée "La fraternelle" (avec un f minuscule) en hommage.Animés du même esprit coopératif que les anciens coopérateurs, les bénévoles de l’association redonnent vie à la Maison du Peuple.
En 1984, cette dernière n’est plus qu’une friche industrielle et seul le cinéma fait de la résistance.
Progressivement l’association réinvestit le bâtiment et le restaure : l’imprimerie est remise en service en 1988, de nouvelles salles de cinéma sont construites en 1988-1989, le café reprend son activité en 1994.
Héritière d’une utopie réalisée, La fraternelle est aujourd’hui un véritable espace culturel pluridisciplinaire qui fait revivre depuis plus de 30 ans cet imposant édifice de 4000 m2.C’est un centre culturel pluridisciplinaire avec quasiment une mission de service public.
► La Fraternelle, histoire(s) d’une Maison du Peuple, un film de Bernard Boespflug
Coproduction Comic Strip Productions / France Télévisions
Diffusion lundi 19 octobre à 23h et vendredi 6 novembre à 9h15
A voir en replay sur la page émission "La France en Vrai"