À Clairvaux-les-lacs dans le Haut-Jura, Bruno Bailly et son épouse se mobilisent. Une parcelle de 2,7 hectares qu’ils louent à la communauté de communes doit être transformée en zone artisanale.
Bruno Bailly est agriculteur. Son exploitation de deux salariés produit chaque jour l’équivalent de trois fromages de Comté. Les 80 vaches, selon le cahier des charges de l’AOP Comté doivent pâturer au plus près de la ferme. Alors, pour l’agriculteur, l’idée de perdre une partie de ses terres, situées à moins d’un kilomètre de la ferme, est douloureuse.
“Cette parcelle, on en a vraiment besoin. On a 80 vaches, 5 hectares par vaches, c’est un minimum du point de vue de la législation et pour avoir un Comté de qualité”. Pour l’éleveur, les agriculteurs, comme les commerces, doivent être protégés. “On doit leur faire des zones, mais de grâce qu’on les fasse au bon endroit, pas sur des terres agricoles” confie-t-il au micro de notre journaliste Fleur de Boer.
“Dans notre communauté de communes, on a des lacs qui sont si bleus, une herbe si verte au printemps et à l’automne, qu’on l’appelle Terre d’Émeraude. Je ne voudrais pas que cette terre devienne du béton”.
Bruno Bailly, agriculteur dans le Jura
Une parcelle de pâturages classée urbanisable
La parcelle de la "discorde" appartient à la communauté de communes Terre d’Émeraude. Depuis 2007, cette parcelle est classée comme urbanisable. Un projet de création de zone artisanale et industrielle doit voir le jour dans quelques années sur une surface de 4,6 hectares. “On a hérité de ce dossier, il s’impose à nous. On ne mène pas un combat contre ces agriculteurs évidemment” explique Isabelle Arnal, directrice générale de Terre d’Émeraude. “Est-ce qu’on doit privilégier l'intérêt individuel ou l'intérêt général ?”. La communauté de communes qui a aussi une compétence économique explique devoir répondre aussi aux demandes du monde des entreprises, fortes sur ce secteur du Haut-Jura. 17 seraient intéressées pour s'installer ici.
“On est dans le droit, on respecte le droit, mais on comprend que sur le plan humain, cela puisse affecter les agriculteurs. Comme nous, cela ne nous laisse pas insensibles”.
Isabelle Arnal, directrice générale de Terre d’Emeraude
Pour la FDSEA, un meilleur dialogue aurait pu permettre de trouver des solutions. “Tout le monde doit vivre sur le territoire, c’est dommage qu’on n'ait pas pu trop discuter, faire des propositions sur d’autres parcelles, faire des échanges” regrette Jean-Marie Hervé, secrétaire général FDSEA sur le secteur de Clairvaux-les-Lacs. “On a beaucoup de gens qui veulent faire ce métier d'éleveurs. On en a encore. Ce serait dommage d’enlever à cette exploitation, un capital foncier important pour elle” ajoute le syndicaliste.
Une enquête d’utilité publique est en cours sur ce projet de zone artisanale à Clairvaux-les-Lacs en lieu et place des verts pâturages. Elle s’achèvera le 4 octobre.
Construire sur des terres agricoles est désormais ultra-réglementé. La loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 a pour objectif de diviser par deux le rythme de bétonisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente (de 250 000 à 125 000 hectares) et atteindre d'ici à 2050 zéro artificialisation nette, c'est-à-dire au moins autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées.