L'interminable combat judiciaire de Claire Guyon, éleveuse du Haut-Doubs qui lutte pour l’avenir de sa ferme d'alpage

Claire Guyon, éleveuse du Haut-Doubs qui se bat pour l'avenir de son exploitation agricole était convoquée ce mardi 26 septembre devant la Cour d'Appel de Besançon dans le dossier qui l'oppose à l'ancienne locataire de sa parcelle. Plusieurs agriculteurs sont venus lui apporter leur soutien.

Ils sont une vingtaine ce mardi 26 septembre devant le Palais de justice à avoir répondu à l’appel de la Confédération paysanne du Doubs. Principalement des agriculteurs, des éleveurs venus apporter leur soutien à Claire Guyon : la bergère de 34 ans doit, une nouvelle fois, faire face à la justice dans le bras de fer qui l’oppose à la commune de Rochejean (Doubs) pour l’acquisition d’un alpage de 55 hectares (22 en surface agricole, 33 de bois). Cette bataille judiciaire, qui dure depuis bientôt trois ans, l’éleveuse en a fait le combat de sa vie. Mais pour comprendre comment elle en est arrivée là, et pourquoi ce dossier dépasse aujourd’hui les simples frontières du Haut-Doubs, un rappel des faits s’impose.

Le domaine de la discorde

Nous sommes en septembre 2020 quand Arthur J. - propriétaire du domaine de la Boivine, situé sur la commune de Rochejean (Doubs) – décide de vendre sa parcelle. Il confie l’acte de vente à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), chargée de trouver un nouvel acquéreur. Trois dossiers se présentent sur la table : le premier, porté par la municipalité de Rochejean, le second par la commune voisine de Labergement-Sainte-Marie, et un troisième projet d’agriculture biologique, portée par l’éleveuse Claire Guyon.

Trois propositions distinctes, réduites à deux quand la commune de Rochejean décide finalement d’intégrer le projet de Claire Guyon à son propre dossier de rachat, le tout, sans en prévenir la principale intéressée. Séduite par ce "nouvel accord", la SAFER décide de retenir la proposition de la municipalité de Rochejean, à la condition que cette dernière permette à l’éleveuse d’installer ses bêtes – des grises du Tyrol - dans l’alpage, lequel se situe dans l’aire de production de la filière comté.

Mais un nouveau changement de cap intervient quelques semaines plus tard. Les conseillers municipaux de Rochejean font machine arrière et refusent catégoriquement d’intégrer le projet d’agriculture biologique de Claire Guyon à leur offre. La SAFER change donc son fusil d’épaule et donne finalement raison à l’éleveuse : elle sera bien la future propriétaire du domaine de la Boivine. Du moins, sur le papier, car c’est là que commence l’improbable marathon judiciaire de cette affaire.

Deux volets judiciaires, trois ans de procédure

Dans un premier temps, les deux municipalités candidates (Rochejean et Labergement-Sainte-Marie) s’opposent à la décision de la SAFER, accusant cette dernière d’avoir « orchestré la rétrocession du domaine afin de pouvoir l’attribuer à l’éleveuse ». Les deux communes entament alors une procédure devant le tribunal judiciaire de Besançon et l’acte de vente est mis en suspens. Ce jugement devrait être rendu au premier semestre de l’année 2024. 

Seule solution désormais pour Claire Guyon : louer les terres de l’alpage en attendant de pouvoir en faire l’acquisition légale. Cela tombe bien, en mars 2021, l’éleveuse avait justement signé un nouveau bail avec le propriétaire, Arthur J. Mais comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, la bergère de 34 ans doit dorénavant faire face à un nouveau rétropédalage : celui de l’ancienne locataire du domaine, madame Gaillard, qui se trouve être aussi sa voisine.

En avril 2021, un mois seulement après la signature du nouveau bail, madame Gaillard fait jouer son droit de préemption pour garder son précédent bail de location. Elle décide par ailleurs de déposer deux plaintes aux mois de février et mars 2022 : la première vise à faire faire annuler le nouveau bail de location de sa voisine, Claire Guyon. La seconde, vise à faire annuler l’acte de vente du domaine, "lequel n’a en réalité jamais eu lieu" précise d’ailleurs Me Marie Soyer, avocate de la bergère. 

"Je travaille deux fois plus"

Ce sont justement ces deux plaintes (opposant madame Gaillard à madame Guyon) qui étaient jugées ce mardi 26 septembre devant la Cour d’appel de Besançon. En juillet 2022, le Tribunal paritaire des Baux Ruraux de Pontarlier avait donné raison à Claire Guyon en première instance, mais la bergère n’est toujours pas officiellement locataire de l’alpage. "Sans bail de location, je travaille deux fois plus. Car je fais tout toute seule sur mon exploitaiton" nous confie-t-elle ce mardi "Je ne peux pas faire de travaux. Installer des panneaux solaires par exemple. Je dois fromager tous les jours et je perds beaucoup de temps" explique l’agricultrice qui a bénéficié de subventions de la chambre d’agriculture pour pouvoir s’installer sur le domaine, lesquelles prennent fin au bout de cinq ans.

"Le dossier du bail est déterminant" rappelle, de son côté Me Soyer, avocate de l’agricultrice "J’espère une décision favorable pour ma cliente, car un deuxième combat judiciaire nous attend concernant la vente du domaine. À partir du moment où une partie ne joue pas le jeu, ne se satisfait pas d’une rétrocession, il y a enchaînement de procédures qui s'éternisent" rappelle l'avocate. 

La décision de la Cour d’Appel est attendue pour le 21 novembre. Madame Gaillard pourra se pourvoir en cassation si elle le souhaite. De son côté, Claire Guyon attend l’audience qui l’oppose à la commune de Rochejean pour le premier semestre 2024.  

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