Quasiment condamné par le réchauffement climatique, le ski nordique s'organise afin de rallonger un peu sa durée de vie et assurer une transition avant la fin de la neige, notamment dans le Jura où l'activité est ancrée dans le folklore et l'économie du massif.
Dans 20 ans il n'y a plus rien
En marge des Jeux olympiques de la jeunesse, des écoliers s'initient au ski de fond sur une petite pente glacée entouré de conifères du domaine des Tuffes. L'organisateur, Hervé Lamy, sait comme tout le monde dans le massif à basse altitude du Jura (sommet à 1.720 m) que l'or blanc est condamné d'ici à quelques dizaines d'années. "On va essayer de faire durer mais on est lucides", raconte ce responsable de formation au Centre national de ski nordique et de moyenne montagne (CNSNMM). Les jeunes professeurs de ski ne pourront plus vivre pendant 20 ou 30 ans de cette seule activité en hiver. Ils doivent se diversifier et passer leur diplôme en VTT, de maître nageur etc."
"Le ski de fond c'est le renom"
La diversification est devenue le maître-mot des stations de la région, qui organisent en hiver des activités pratiquées l'été (VTT, marche nordique...). Mais le nordique reste un atout à part."Le ski alpin (sept millions d'euros de recettes annuelles) est notre gagne-pain, mais le ski de fond (un peu plus de 500.000 euros de recettes) c'est le renom!", schématise Bernard Mamet, maire UDI de la station des Rousses.
"Le nordique fait la renommée et l'image de notre station. Ca correspond à une philosophie de vie, au paysage, à la topographie du Jura", qui propose le plus grand domaine de nordique de France avec 2.000 km de pistes.
Dans les petits villages disséminés au coeur des combes froides du massif, le nordique est une véritable "religion" menacée par la fin de la neige. "Les gens du coin ont appris à skier près de chez eux, autour de l'école, dans des prés. Quand on perd un site, on perd des skieurs. La fin de la neige va faire disparaître cette culture là", regrette Nicolas Gotorbe, agent de développement à l'association espace nordique jurassien. "Mais on réfléchit aux années de transition pour ne pas laisser tomber le nordique", explique-t-il alors que de nombreuses solutions existent pour optimiser la neige disponible et assurer l'ouverture d'une partie des pistes, dont certaines gardent un enneigement conséquent grâce à leur position (en forêt, très peu ensoleillées etc.)
Le nordique en été ?
"Parfois il manque trois fois rien pour rejoindre la neige, comme changer le départ des pistes d'un kilomètre, ou établir un parking un peu plus haut", assure Nicolas Gotorbe. Parmi les solutions, des petits travaux peuvent être engagés l'été pour aplanir un passage en dévers qui nécessitera ensuite moins de neige pour damer une piste.D'autres possibilités, plus coûteuses, ne peuvent pas être multipliées. C'est le cas des canons à neige ou de la neige de culture, conservée pendant l'été sous des copeaux de bois pour être réutilisable à la fin de l'automne. Le flambant neuf stade nordique Jason Lamy-Chappuis des Tuffes, temple du haut niveau qui dépend du CNSNMM, surnommé "l'Insep des neiges", a investi dans ce pari.
"Notre politique a été de regrouper les différentes disciplines sur un seul site, le stade compte un tremplin, une piste de ski de fond, deux stands de tir pour le biathlon. On est armés pour tenir quelques années", assure le responsable Nicolas Michaud. Mais le futur de la compétition à très haut niveau interroge.
"Les disciplines du nordique se pratiquent aussi en été. Le ski-roue sur bitume et le saut sur des tremplins recouverts d'une piste en plastique. Nous n'en sommes pas à discuter avec le CIO (Comité international olympique) pour passer aux Jeux d'été mais on se le demandera peut-être dans 15 ou 20 ans." Après la neige, le salut du nordique se fera sous le soleil ?