Même pas peur du Petit Rhinolophe ou de la Barbastelle, cette mystérieuse invitation pour compter les chauves-souris à la tombée de la nuit

On recherche des volontaires qui n'ont pas froid aux yeux dans la "petite montagne du Jura". Jusqu''au 31 juillet 2024, des comptages sont organisés dans toute la zone Natura 2000 pour dénombrer les colonies de chauves-souris qui se cachent dans le bâti.

Sur les ponts, dans les clochers des vieilles églises, dans les maisons abandonnées, dans le moindre trou sur vos façades, derrière les volets ou sous les combles, elles peuvent se cacher partout. Car si certaines chauves-souris affectionnent les cavités ou les arbres, d'autres préfèrent les constructions, habitées ou pas.

Et c'est pour les débusquer que les équipes du site Natura 2000 "petite montagne du Jura" cherchent justement des volontaires. L’an passé, 36 bénévoles avaient déjà participé à l'inventaire de 27 gîtes, répartis sur 15 communes du site Natura 2000. Plus de 1600 de ces mammifères volants avaient pu être observées et comptabilisées. Cette fois, c'est dans le bâti qu'on va tenter d'évaluer les colonies. Des comptages seront ainsi organisés pendant deux mois jusqu'au 31 juillet.

Période de reproduction

"Les chauves-souris sont des insectivores et leur rythme est calé sur la vie des insectes, explique Anne-Sophie Mennetrier, chargée de mission Natura 2000 "petite montagne du Jura". L'hiver, elles hibernent et ressortent au printemps pour la période de reproduction, quand les insectes et donc leur nourriture reviennent. À partir du mois de mai, les femelles se regroupent à plusieurs centaines d'individus pour la mise bas. On peut avoir 700 individus par exemple dans une colonie de pipistrelle commune."

C'est un peu comme des nurseries où elles vont s'occuper de leur progéniture. Les chauves-souris ne font qu'un seul petit par an. Il leur faut un endroit chaud, calme et plutôt sombre. Fin août, les jeunes s'envolent.

Anne-Sophie Mennetrier, chargée de mission Natura 2000 "petite montagne du Jura".

C'est donc le lieu et le moment idéal pour essayer d'estimer les populations locales. Avec, cette fois, un objectif très précis. "On a ici 23 espèces sur les 36 présentes en France, dont neuf qui sont d'intérêt communautaire selon la directive européenne Habitas-Faune-Flore, souligne Anne-Sophie Mennetrier, chargée de mission Natura 2000 "petite montagne du Jura". Parmi elles, il y en a deux qui sont très importantes pour nous, car elles font partie des animaux qui ont justifié la création de notre site Natura 2000."

Petit Rhinolophe et Barbastelle

Il s'agit d'abord du Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), le plus petit représentant de toute sa famille. Il pèse entre 4 et 7 grammes seulement pour une envergure de 19 à 25 cm tout de même d'un bout à l'autre de ses deux ailes. La bête, qui évoque les gargouilles du Moyen Âge, est facilement reconnaissable à son nez en forme de fer à cheval et à ses oreilles larges, très ouvertes et orientées vers l'avant, et pointues au sommet. C'était autrefois l'une des chauves-souris les plus fréquentes en Europe avant son dramatique déclin à partir du milieu du XXᵉ siècle. Elle a perdu 99% de ses effectifs et est aujourd'hui très rare.

L'autre espèce visée par ces comptages est la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus). On la trouve dans presque toute l'Europe, mais, elle est très sensible aux perturbations de son habitat, ses populations ont considérablement diminué depuis plusieurs dizaines d'années et l'espèce est désormais classée par l'UICN comme "quasi menacée". Raison de plus pour être attentif à son évolution sur le territoire jurassien !

Lieux de vie menacés

"Entre 2014 et 2021, on a procédé à des inventaires et on a recensé plus de 100 sites de reproduction pour toutes les espèces de chauves-souris sur les 35 communes du site Natura 2000, indique Anne-Sophie Mennetrier. Mais il faut les suivre dans le temps et faire ces comptages annuels en particulier pour le Petit Rhinolophe ou la Barbastelle Pour nous, ce sont véritablement ce qu'on appelle des espèces à enjeu."

Car les menaces sont nombreuses pour leur survie. Outre les pesticides qui déciment les insectes et les privent de nourriture, ou les aléas climatiques, elles peuvent être victimes de la modification ou de la disparition de leurs lieux de vie et de reproduction : un bâtiment démoli ou une maison rénovée, par exemple.

Ces opérations de comptage nous permettent de rencontrer les propriétaires, de faire le suivi avec eux, de les accompagner s'ils ont des problèmes de cohabitation ou des dégâts, et de savoir s'ils ont des projets de rénovation.

Anne-Sophie Mennetrier, chargée de mission Natura 2000 "petite montagne du Jura".

Anciennes croyances

L'occasion aussi de faire passer quelques messages au grand public et de tordre le cou parfois à de nombreux clichés concernant l'animal. "Les chauves-souris sont méconnues et elles souffrent d'anciennes croyances. Avant le comptage, il y a toujours un moment d'échanges. C'est notre rôle de faire découvrir ces espèces, de répondre aux éventuelles craintes ou interrogations."

L'expérience peut être même très ludique. "On se positionne autour du bâtiment au coucher du soleil et on fait les observations à partir de 20h30 et jusqu'à 23h. On amène des détecteurs d'ultrasons pour pouvoir les entendre. Et le plus dur, ce n'est pas de les compter, c'est l’attente, ça se mérite !"

Un comptage dure entre 1h et 2h maximum. Aucune compétence particulière n’est requise, précise-t-on. Les enfants peuvent également participer aux sorties "Ils ont même moins d'appréhension que les adultes", constate Anne-Sophie Mennetrier qui le répète : "seuls vos yeux suffisent, il n’y a aucun contact physique avec les chauves-souris !" De quoi rassurer les moins courageux !

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