Le niveau d’eau du plus grand lac du Jura affiche moins 18 mètres au compteur. Certain affirment que s'agissant d'une retenue d'eau artificielle, cela n'a rien d'alarmant. Pour d'autres, le manque de précipitation "inédit" de ce mois de février 2023 n'y est pas pour rien.
Vous les avez peut-être croisées sur les réseaux sociaux. Depuis quelques jours, les photographies du lac de Vouglans dans le Jura abondent. Un lac long de 35 km et dont les rives s'agrandissent au fil des jours.
“Le niveau a rarement été aussi bas, en tout cas pour ma part jamais vu dans cet état” commente sous sa publication Florence Aubert Colon sur Instagram.
“Rarement vu le Lac de Vouglans aussi bas !!! ” publiait la page Facebook Paysages Jurassiens, le 17 février.
Une publication qui a fait des vagues
Le 12 février 2023, Ilyes Ghouil, créateur du site Météo Franc-comtoise, avisait ses followers : "Le spectre d’une sécheresse n’est plus très loin d’autant que la pluie ne se profile pas avant les derniers jours du mois de février (sans neige)…".
Dans l’espace commentaires, il y a ceux que le niveau du lac de Vouglans inquiète, et d’autres, à l’instar de Gilles Lacroix, qui n’y voient rien d’alarmant. “Le niveau actuel n'est pas exceptionnellement bas. Il est bas, certes ” indique ce Jurassien retraité, kayakiste de longue date.
Selon ce dernier, dont le père travaillait dans des barrages, “la baisse du niveau du lac n’est pas liée à la sécheresse aujourd’hui. C’est lié au barrage. La sécheresse, il faut la mesurer en amont du barrage, dans la rivière d’Ain” ajoute-t-il.
Le niveau de Vouglans est "conforme" selon EDF
La côte du lac de Vouglans est de 410 mètres NGF en ce mois de février . C’est 18 mètres de moins que la côte nominale du lac, de 428 mètres NGF (nivellement général de la France). “Elle est conforme à celle des années précédentes à la même période ” affirme le service communication d'EDF (Électricité de France) Hydro Alpes, en charge du barrage.
EDF mène en effet des actions visant à gérer le niveau du lac : en hiver, le niveau est plus bas afin d’avoir une avance sur les crues (baisse de prévention), de fournir de l’eau en aval afin de refroidir les centrales nucléaires et de produire de l’électricité.
“En hiver, la centrale de Vouglans turbine les eaux du lac pour répondre aux besoins du réseau électrique” détaille l'entreprise française d’électricité. En été, le niveau de l’eau du lac est maintenu au-delà de 421 mètres NGF afin de permettre aux activités nautiques de prospérer.
"Du jamais vu" : un mois "sans véritable précipitation pluvieuse"
Le mois de février lui, bat des records côté absence de pluviométrie : il n'y a pas plu depuis le 17 janvier " mis à part quelques averses" selon Ilyes Ghouil de Météo Franc-Comtoise . Soit plus d'un mois déjà. "On va vers du jamais vu en terme de durée sans véritable précipitation pluvieuse" ajoute-t-il . La plus longue période sans pluie qu’a connu la France tous mois confondus, avait duré 31 jours, entre le 17 mars et le 16 avril 2020, indique Météo France.
"Dans le secteur de Vouglans, il est tombé seulement 8 millimètres depuis le début du mois de février, alors qu'il tombe 115 millimètres en moyenne sur les 30 dernières années". Ilyes Ghouil complète que ce chiffre devrait s'élever à "10/15 millimètres d'ici la fin du mois, mais on reste très loin des normes (115 millimètres)."
"Il est normal que le niveau du lac de Vouglans soit plus bas en hiver", atteste le créateur de Météo Franc-Comtoise , "mais là, il est très très bas pour un mois de février. Beaucoup pensent que c'est seulement EDF qui produit plus d'électricité et que ça n'a pas de lien avec l'absence de précipitations. Pourtant si !".
Le lac se vide avec ce que fait EDF, mais il devrait se reremplir avec la pluie et un manteau neigeux assez résistant. Ce qui n'est pas le cas.
Ilyes Ghouil de Météo Franc-Comtoise
Dans une seconde publication concernant le lac de Vouglans, le jeune météorologue indique que “l’autre inquiétude porte sur l’enneigement qui permet habituellement d’alimenter les rivières durant le printemps/début d’été. En l’absence d’amélioration pluvio-neigeuse en mars/avril, la situation pourrait encore se dégrader ”.
Des nappes phréatiques en apnée
Le résultat de ce manque de précipitations hivernales sur la Franche-Comté ? La recharge des nappes phréatiques ne s'effectue pas.
“Les nappes phréatiques (à cette époque) normalement rechargées, sont actuellement basses voire très basses dans les départements franc-comtois et/ou français… ” écrit l'auteur de Météo Franc-Comtoise.
"L’indice d'humidité des sols atteint un record bas pour la période depuis le 16 février", battant 1989, alerte sur Twitter François Jobard, météorologue à Météo France.
Les nappes phréatiques du département du Jura se situent à un "niveau très bas" selon Info Sécheresse. C'est également le cas de la quasi intégralité de la Franche-Comté (mis à part l'Ognon en Haute-Saône, qui se situe à un "niveau proche de la moyenne").
Voir cette publication sur Instagram
"La période de recharge des nappes touche bientôt à sa fin" indique Ilyes Ghouil. "Très peu de précipitations sont attendues avant la fin du mois et on s'attend à un mois de mars plus doux que la norme, à nouveau peu arrosé, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle pour la planète".
Un manque de précipitation dont les conséquences pourraient se faire sentir sur la faune et la flore , comme c'est déjà le cas dans les rivières de la région.