Alain a subi les moqueries et les insultes de ses camarades à son entrée en seconde. Il a accepté de nous rencontrer, à Lons-le-Saunier, dans le Jura. Chaque année, le harcèlement scolaire concerne 700 000 élèves en France, de l'école au lycée.
Aujourd'hui, Alain a le sourire, quand nous le rencontrons dans la rue en compagnie d'amis proches. Mais à 17 ans, il garde en lui un souvenir difficile : son entrée en seconde. Peut-être trop effemminé pour ses camarades, peut-être pas suffisamment "dans le moule", il était devenu la risée du lycée : « Imaginez-vous un établissement avec 1 200 élèves. On va pas dire que les 1 200 élèves vous en foutent plein la gueule, mais vous passez dans un couloir, et là, vous avez tout le monde qui commence à hurler votre prénom en mettant le mot "pédé" derrière. »
Cette violence quotidienne, l'adolescent préférera la cacher à sa famille. Alain affronte seul les insultes et les moqueries, même en dehors de son lycée. « Beaucoup de personnes au téléphone m'appelaient anonymement, soi-disant pour faire des blagues. Ca pouvait être à une heure du matin, trois heures du matin, ça pouvait être dans la journée, pendant les cours, même le dimanche. Tout le temps. »
Une prise de conscience tardive
Comme Alain, ils sont chaque année 700 000 élèves à affronter le harcèlement à l'école et en dehors. La prise de conscience du problème a été récente pour l'Education nationale : cela fait cinq ans que des campagnes de prévention sont mises en place.
Désormais, les élèves sont sensibilisés dès l'entrée au collège, avec des vidéos et des échanges en classe autour du harcèlement. « On essaie de les responsabiliser, de leur donner un esprit critique pour qu'ils soient en capacité de trouver un adulte » en cas de harcèlement, commente Juliane Studer, une infirmière qui intervient en milieu scolaire.
Mais qu'en est-il du côté des professeurs ? Sont-ils armés pour faire face à ces situations de harcèlement ? Pour Alain, le soutien n'est pas venu de ses enseignants :« Ils auraient pu juste dire "non", dans la salle de classe. Juste dire "tu restes à ta place, tu bouges pas" ! Mais ils n'ont rien dit. Soit ils ont souri ; soit ils ont fermé les yeux. Moi non. J'ai plongé dans l'anorexye, je ne buvais plus, je ne m'alimentais plus. Il y a deux ou trois choses dans la vie qui font qu'on reste accrochés. Mais pour certains, quand plus rien ne les retient, ils n'ont plus qu'une idée : le suicide. »
Un enjeu prioritaire
En quelques années, la question du climat scolaire est devenue prioritaire dans l'académie de Besançon. C'est l'un des enjeux majeurs de la formation des jeunes enseignants : « Il faut outiller les enseignants, explique Françoise Claus, directrice adjointe à l'Ecole supérieure du professorat et de l'éducation. Comment je travaille avec d'autres adultes qui entourent l'élève ? Le conducteur de bus par exemple, qui le prend tous les matins. Ou celui qui l'encadre dans une activité sportive. On apprend ça aussi. »
Deux ans plus tard, Alain tente encore de se reconstruire. Scolarisé dans un autre lycée, il s'investit dans ses projets et il rêve son avenir plus loin, dans une grande école de mode à Paris.