La guerre en Ukraine a eu pour conséquence de chambouler les approvisionnements mondiaux et le marché des oléagineux en Europe. Dans le Jura, un producteur d’huile bio pose son regard sur la crise.
Vous êtes, vous, un jour demandé d’où venait l’huile que vous posiez mécaniquement dans votre caddie en faisant les courses ? Comme beaucoup de Français, vous avez découvert avec le déclenchement de la guerre en Ukraine que l’huile de tournesol venait de ce pays, mais aussi de la Russie.
Grégory Sourd est producteur d’huiles à Lons-Le-Saunier dans le Jura. Son entreprise l’Arbre à huile produit depuis 2018 des huiles locales. 90 tonnes d’oléagineux sont travaillées chaque année en circuit court, avec des agriculteurs situés à moins de 100 kilomètres. La pénurie, c’est un mot que ce producteur bio ne connaît pas. Ses approvisionnements sont sécurisés. Ses rayons ne sont pas vides. “La crise n’aura aucun impact pour nous, à part l’inflation” explique ce producteur.
La pénurie d’huile de tournesol, il la décrypte. “Cette pénurie vient du fait que la très grande majorité des oléagineux utilisés par les industriels proviennent à 85% de l’Ukraine et de la Russie” détaille Grégory Sourd. Depuis le début du conflit, “des industriels ont pu vivre sur leurs stocks de matière première, et de produits finis. D’autres font cultiver en Ukraine ou Russie, et même triturer (transformer) l’huile dans ces pays. Pour eux, c’est la double peine, ils ne peuvent pas récupérer leur marchandise” analyse Grégory Sourd.
Russie, Ukraine, le commerce de l’huile souffre de la guerre
L'Ukraine, qui assurait 50% du commerce mondial d'huile de tournesol, n'arrive plus à exporter en raison de la guerre : les ports sont bloqués et selon Kiev, la route et le rail permettent d'écouler vers l'Ouest moins d'un demi-million de tonnes de marchandises par mois, essentiellement des céréales, dix fois moins qu'avant le conflit.
La Russie, qui exporte 28% de l'huile de tournesol mondiale, vient d'introduire un quota pour les ventes à l'étranger de cet or jaune, après avoir augmenté début avril de 20% les taxes à l'exportation.
La menace d'une pénurie et les cours élevés du pétrole ont dopé tous les oléagineux (colza, tournesol, soja, palme), qui servent à produire des huiles, de l'aliment pour bétail et sont aussi utilisés comme agrocarburants.
Des prix qui s’envolent, le bio sera aussi concerné
Le producteur bio d’huiles du Jura surveille les cours. Les cours européens du tournesol, s'établissaient entre 380 et 500 euros la tonne avant la guerre déclenchée le 24 février par Vladimir Poutine. “Aujourd’hui, la tonne de tournesol, c’est entre 980 et 1020 euros” explique-t-il.
Pour la filière bio qui avait des stocks, les prix sont plutôt autour des 720 euros la tonne. Moins cher désormais que le tournesol en agriculture conventionnelle !. Mais les prix vont mécaniquement augmenter selon Grégory Sourd. “Tout le système est en train d’être englobé dans cette mécanique d’inflation… des agriculteurs bio spéculent sur leurs stocks et vont revendre au prix actuel des cours de l’agriculture conventionnelle” ajoute le producteur. Il faut s’attendre d’après lui, à une hausse de 30 à 35% sur les huiles bio, une hausse qui a déjà commencé à être répercutée.
“On voit aujourd’hui le côté vertueux du circuit local”
Produire en France. Sécuriser les approvisionnements. Après la crise sanitaire du Covid-19, et la crise d’approvisionnement des semi-conducteurs par exemple dans l’industrie automobile, le sujet est revenu sur la table, un défi politique à relever. Il concerne aussi l'agriculture, l’huile de tournesol, comme le colza, car la France est loin d’être autosuffisante en la matière.
Grégory Sourd croit dur comme fer à une production locale. “Nous on travaille de la graine paysanne qui s’est adaptée au terroir.. on doit rééduquer les gens à consommer là où ils vivent” estime le producteur du Jura.
L’huile de tournesol, ce n’est pas de l’or, ça ne prendra pas de valeur.
Grégory Sourd, producteur d'huile bio dans le Jura
Quand il voit les rayons des grandes surfaces dévalisées de bouteilles d’huile, le producteur s’agace, même s’il dit comprendre les consommateurs. “Dans les circuits, comme le réseau Biocoop, on ne souffre pas de pénurie. L’huile est toujours au même prix. Pendant le confinement, les gens avaient pris l’habitude de consommer sur les circuits courts, mais cela s’est perdu” note-t-il. De l’huile de tournesol dans les rayons, il y en a en bio. Au magasin Biocoop Vesontio de Besançon, on confirme. “La culture de notre clientèle n’est pas celle d’une clientèle qui fait des réserves, ou alors un tout petit peu” argumente un des responsables. “Et parmi nos clients, beaucoup de gens achètent de l’huile de colza, ou de l’huile d’olive, ce sont des catégories socio-professionnelles qui ont un pouvoir d’achat qui lui permet de consommer d’autres huiles que le tournesol”.
“C’est le moment de sensibiliser les gens à varier leurs apports en acides gras”
Et si la pénurie de tournesol était aussi l’occasion de réfléchir à sa consommation, à sa santé ? Certes, le pouvoir d’achat ne permet pas à tous les Français de se permettre des achats bio plus coûteux. Pour une simple bouteille, le prix est souvent le premier critère. Grégory Sourd rappelle que l’huile que nous consommons joue un rôle aussi dans notre santé. Chargées d’oméga 3, oméga 6, les huiles ont divers bienfaits, elles apportent aussi l’indispensable vitamine E. “C’est une bonne chose de varier en cuisine les huiles pour avoir des habitudes alimentaires saines” rappelle le producteur.
En cuisine, comment remplacer l’huile de tournesol ?
Le producteur d’huile du Jura termine avec quelques conseils. Pas de panique si vous êtes sur le point de terminer votre dernière bouteille d’huile de tournesol, il vous reste d’autres alternatives. Un petit bout de beurre pour faire rissoler vos légumes, ça fait aussi l’affaire. Et pour le reste ?
Pour une vinaigrette, Grégory Sourd conseille bien sur l’huile de colza, plus florale. L’huile d’olive également. Et si vous testiez aussi l’huile de noisette ?
Pour de la cuisson chaude, l’huile de pépins de raisin supporte la chaleur, comme l’huile de coco ou l’huile d’olive si on ne la monte pas trop haut en température.
Pour tout savoir sur les bienfaits des huiles et leurs particularités, le site doctissimo passe en revue les bénéfices de chaque huile. Et comme le printemps arrive, on peut aussi envisager de réduire un peu sa consommation de lipides en ayant la cuillère à soupe moins généreuse au moment de passer en cuisine ?