Elle s'appelle "MonaVache". Elle est signée par l'artiste brésilien Cildo Meireles. Et elle figure sur l'étiquette de la 11e boîte collector de la plus célèbre des vaches, née en 1921 et toujours fabriquée dans le Jura. Une édition limitée à 6.000 exemplaires seulement.
Son mufle hilaire est presque aussi célèbre que le visage énigmatique de Mona Lisa. Les voilà enfin réunies dans le même sourire. La Vache qui rit et La Joconde se confondent aujourd'hui sur l'étiquette de la nouvelle "collector box" de la marque. Chaque année depuis 11 ans maintenant, le Lab'Bel, le laboratoire artistique du célèbre groupe agroalimentaire Bel, né en 1865 à Orgelet (Jura), fait en effet appel à un artiste contemporain de renom pour illustrer la boîte ronde à 24 portions du fameux fromage fondu.
"MonaVache"
"C'est un projet de Cildo Meireles, un artiste brésilien qui a aujourd'hui des œuvres exposées dans les plus grands musées du monde, explique Silvia Guerra, directrice artistique au Lab'Bel, à France 3 Franche-Comté. Tout l'honneur lui en revient, c'est lui qui a eu l'idée de cet hybride entre les deux sourires iconiques. C'est aussi le premier dans la série qui lui a donné un nom : MonaVache !"
Cildo Meireles ne connaissait pourtant pas l'histoire de la Vache qui rit, ni Benjamin Rabier, son dessinateur. Mais il a tout de suite fait ce rapprochement avec La Joconde. Deux symboles connus sur toute la planète. "Dans le film qu'on a réalisé avec lui, il parle d'une ville en Chine où l'on trouve une usine avec des centaines d'ouvriers qui font des copies de Mona Lisa, raconte Silvia Guerra. Ils perpétuent une image qui appartient désormais à tout le monde. Comme celle de la Vache qui rit."
Pour autant, le sourire de MonaVache n'appartient finalement qu'à elle. "Regardez bien, insiste Silvia Guerra. Elle a un demi-sourire en fait, qui n'est pas celui de Mona Lisa, et pas non plus un rire. MonaVache est une nouvelle entité du 21ᵉ siècle, qui n'est pas de l'époque de Léonard ni de Benjamin Rabier."
Édition limitée à 6000 exemplaires
Cette édition limitée sera fabriquée à 6.000 exemplaires seulement. Elle a été dévoilée à la foire d'art contemporain Paris Internationale, 10e du nom, du 16 au 20 octobre 2024. Avec humour comme toujours. "On proposait de faire un selfie avec MonaVache qui était dans son frigo derrière une porte vitrée, un peu comme La Joconde au Louvre", sourit à son tour Silvia Guerra.
Vendue sur le stand pendant la foire, la boîte est encore disponible à moins de 5 euros dans la boutique en ligne de la marque et dans plusieurs points de vente en France : le Musée de la Vache qui rit à Lons-le-Saunier évidemment, mais aussi au FRAC Franche-Comté à Besançon, à la librairie du Palais de Tokyo, à la Grande Épicerie, gare de Lyon, gare du Nord et gare Montparnasse à Paris, ainsi que dans les aéroports de Paris-Orly et de Paris-Charles-de-Gaulle.
De l'art à partager
Lab’Bel, le Laboratoire artistique du Groupe Bel, a été créé au printemps 2010 dans le but de soutenir l’art contemporain. Soutenu par les actionnaires familiaux du Groupe Bel, il se charge de constituer une collection, aujourd’hui en dépôt au Musée des Beaux-Arts de Dole, et réalise aussi des expositions ou des événements artistiques partout en France et en Europe. Mais l'équipe se fait aussi un plaisir et un devoir de rendre accessible cet art "au supermarché" avec ses boîtes collector. "On essaie de montrer qu'on peut manger de l'art", assure Silvia Guerra, facétieuse.
L'idée de cette collection était d'être abordable, de donner à connaitre des artistes conceptuels et de perpétuer cet héritage artistique de Benjamin Rabier qui a été un grand dessinateur. Et les artistes, chacun à leur façon, contribuent à ce renouveau artistique.
Silvia Guerra, directrice artistique au Lab'Bel.
Avant Cildo Meireles, dix artistes ont déjà relevé le défi : Hans-Peter Feldmann, Thomas Bayrle, Jonathan Monk, Wim Delvoye, Karin Sander, Daniel Buren, Mel Bochner, Rosemarie Trockel, Franz Erhard Walther et Martha Wilson. "On s'est approché d'artistes qui s'étaient déjà approprié l'image de la Vache qui rit ou qui collectionnaient les étiquettes", indique Silvia Guerra.
Il est vrai que la célèbre Vache et ses boucles d’oreilles ont inspiré depuis toujours de nombreux artistes depuis sa première apparition en 1921. Trosi ans plus tard, dès 1924, le peintre Marcel Lenoir s'en empare et la représente dans une Nature Morte que l’on peut d'ailleurs découvrir aujourd’hui à La Maison de La Vache qui rit de Lons-le-Saunier. "Le détournement le plus célèbre demeure probablement celui opéré par Bernard Rancillac qui l’érige en 1966 comme un soleil dans son tableau Notre Sainte-Mère La Vache, rappelle Laurent Fievet, le directeur du Lab'Bel. En 2005, l’artiste belge Wim Delvoye la redéploie sous la forme d’une impressionnante collection d’étiquettes, dans le cadre de la Biennale de Lyon."
Et toutes ces boîtes incroyables se sont, elles aussi, fait une place dans les musées. "On peut voir notre collection dans des musées comme le MUCEM à Marseille ou au MMK à Francfort", confirme Silvia Guerra. Elles seront évidemment toutes là pour la grande exposition annoncée par le Lab'Bel à l'automne 2026 au Musée d'art contemporain de Dole (Jura). La Vache qui rit n'a pas fini de prendre la pose.